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samedi 24 février 2018

Homélie du 2ème dimanche de Carême (B) - 25 février 2018

Il y a tout, ici, d’une grande scène d’un film hollywoodien. Un décor somptueux : une haute montagne, une vue à couper le souffle. Un casting de rêve : Jésus, mais surtout Elie et Moïse, des personnages de légende dans la foi d’Israël. Ils font autorité. Une intrigue à faire pâlir : Des effets spéciaux incroyables : Et pourtant ! Quelle piètre nombre d’entrées : trois seulement. Trois spectateurs : Pierre, Jacques et Jean. Mais pour bien comprendre ce qui est en jeu ici et qui dépasse de loin le côté spectaculaire de la scène, il fait nous souvenir que cet épisode accompagne un moment bien particulier de l’Evangile : la montée vers Jérusalem.
 
Jésus sait - il l’a dit à plusieurs reprises - que ce chemin qui va le conduire jusqu’à Jérusalem, à sa condamnation, à son exécution, et à sa résurrection, sera un chemin d’épreuves dans la foi. Celles et ceux qui l’ont suivi, peut-être dans un premier temps dans l’enthousiasme qu’ils ont vécu, saisis par une parole entendue, ou par des signes que Jésus a opérés devant eux, peu à peu vont douter de sa capacité à restaurer le royaume d’Israël, et de sa capacité d’apporter aux hommes la seule solution qui les intéresse : comment surmonter les difficultés de cette vie ? A mesure que leur doute va prendre corps, leur fidélité à la suite du Christ va s’épuiser et ils vont se détacher de lui. Pierre, Jacques et Jean témoins de la transfiguration, seront les trois témoins que Jésus emmènera à Gethsémani au moment de son dernier combat, ce que nous appelons l’agonie. Ceux qu’il avait déjà emmenés avec lui pour le « relèvement » de la fille de Jaïre (Mc 5). Ils entrevoient aujourd’hui sur la montagne que « celui-ci est le fils bien-aimé » du Père. Ils ne comprennent pas de quoi parle Jésus quand Il dit qu’il va ressusciter d’entre les morts. Nous-mêmes, nous avons du mal à nous le représenter, nous qui savons pourtant, contrairement à eux, que cela est possible parce que Jésus est ressuscité. Jésus cherche donc à les introduire dans ce qu’ils auront à vivre.

Cela se passe sur une montagne. C’est, dans la tradition biblique, le lieu par excellence où Dieu se révèle. C’ets là qu’il conclut l’Alliance entre Dieu et son peuple (Ex 19). On trouve aussi, dans un autre passage de l’Exode, la nuée, symbole de la présence de Dieu au milieu des hommes. Quant à Moïse, il symbolise la loi reçu de Dieu et Elie, les Prophètes. Là devant les yeux de Pierre, Jacques et Jean, Jésus apparaît comme celui qui accomplit toutes les Ecritures, la Loi et les Prophètes. Moïse et Elie sont là pour en témoigner. La transfiguration renvoie, dans ses effets, au visage radieux de lumière de Moïse descendant du Sinaï après sa rencontre avec Dieu (Ex 34). Et le terme grec qu’emploie Marc pour désigner la blancheur de Jésus (leukos) sera repris à la résurrection pour désigner la blancheur du jeune homme que voient les femmes en entrant dans le tombeau (Mc 16,5).
 
Il est bon pour nous de réfléchir, non pas simplement au cheminement spirituel que Jésus ouvre à ses disciples, mais à notre propre cheminement à la suite du Christ, tel que nous essayons de le vivre pendant le Carême. Le chemin de la conversion est toujours un chemin d’épreuves parce qu’il nous oblige à jeter un regard différent sur ce que nous vivons et sur ce que nous voyons. Ce que les disciples avaient vu de Jésus, c’était ce que tout le monde pouvait voir. Ce que la transfiguration leur montre, c’est ce que personne ne voit mais que Dieu révèle de façon mystérieuse à ceux qu’il a choisis. Parler du Christ dans les généralités de l’existence que nous connaissons, c’est à la portée de tout le monde ! Nommer Jésus, c’est à la portée de tout le monde ! Le revêtir des habits que nous lui choisissons pour qu’il corresponde à notre modèle, c’est à la portée de tout le monde ! Mais ce qui n’est pas à la portée de tout le monde, c’est de discerner derrière cette figure historique de Jésus de Nazareth, celui qui est le Fils bien-aimé du Père, celui qui représente en ce monde la réalité de Dieu que nul n’a jamais vu.
 
Aujourd’hui, le Fils bien-aimé du Père se manifeste à nos yeux, il se propose pour que nous l’écoutions. Il s’offre pour que nous puissions vivre avec lui. Qu’il nous donne la force de le suivre jusqu’au bout à Jérusalem dans sa mort et sa résurrection. Amen.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 16 février 2018

Homélie du 1er dimanche de Carême (B) - 18 février 2018

« Dis, Papa, c’est quand qu’on arrive ? ». Que de fois les parents ne se plaignent-ils pas du manque de patience de leurs enfants ? Mais que de fois aussi les enfants n’ont-ils pas raison de se plaindre du manque de patience de leurs parents envers eux ? Dieu, lui, patiente. Pierre le rappelait dans sa lettre – c’était la deuxième lecture. Et même, sa patience est mise à rude épreuve, non seulement une fois, au déluge, mais tout au long de l’histoire du salut. Nous disposons dans les premiers livres de la Bible, d’épisodes bien connus, comme la Tour de Babel, le déluge, et d’autres, qui manifestent comment, à un moment, plus rien ne fonctionne ! Alors, il faut recommencer. C’est comme s’il fallait refaire la création originelle, remettre en marche les moyens d’entrer en communion avec Dieu, remettre en vigueur l’écoute de la parole de Dieu, la réponse à ses commandements, bref, commencer un monde nouveau. Dieu a tenté de promouvoir un monde nouveau, mais chaque fois, son effort pour faire surgir cette humanité nouvelle, ce monde réconcilié, s’est heurté à la dureté des cœurs, à la paresse des hommes, à leur indifférence, à leur volonté de puissance, et ultimement, comme c’était le cas pour la tour de Babel, à la volonté d’atteindre les cieux sans Dieu, de faire comme s’ils étaient des dieux.
 
Il est bon de conserver cet arrière-fond dans notre esprit, au moment où nous entrons dans le temps du carême, alors que dans l’évangile de saint Marc, Jésus va commencer, précisément, à annoncer l’avènement du Royaume, le « Royaume de Dieu est tout proche, convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc, 1,15). Dieu voulait depuis les origines ce monde nouveau ; il a essayé à tant de reprises sans perdre patience ! Et voilà que cette fois-ci encore s’ouvre le temps d’une nouvelle alliance, une alliance où l’homme serait réconcilié avec Dieu, avec lui-même, avec le monde qui l’entoure. Mais nous voyons aussi dans ces quelques versets de l’évangile que l’inauguration de cette alliance nouvelle est indissociable d’un combat. Il ne s’agit pas d’une lutte par erreur, d’une lutte imprévisible, mais d’une lutte choisie, car c’est l’Esprit de Dieu qui conduit Jésus au désert pour qu’il y soit tenté. Ce combat dans lequel il entre contre Satan, c’est le combat perpétuel de l’histoire humaine. Et Dieu pourrait très bien se passer de nous dans ce combat, il pourrait très bien s’imposer, annihiler Satan, et instaurer un règne nouveau. Mais alors, quelle serait notre place dans ce règne nouveau si nous n’avions jamais, d’aucune façon, participé à sa construction, si nous étions comme des consommateurs passifs d’un paradis sur terre où le combat qu’il suppose nous aurait été épargné ?
 
Beaucoup pensaient que Jésus, puisqu’il était le Fils de Dieu et le Messie, pourrait rétablir Israël en faisant disparaître les Romains. Les disciples pensaient qu’il suffisait d’anéantir les mauvais esprits pour que la vérité triomphe. Mais nous voyons bien dans l’Évangile que ce n’est pas le chemin que Jésus a suivi. Il ne s’est pas laissé entraîner dans cette tentation d’utiliser la puissance de Dieu pour annihiler la liberté de l’homme. Il a voulu partager cette liberté humaine jusque dans sa tentation, il a voulu ouvrir le grand débat que sa parole et ses miracles vont développer avec ses auditeurs ou ses spectateurs. Cette lutte contre le mal n’est pas l’anéantissement des pécheurs, elle n’est pas l’accusation des autres ; cette lutte contre le mal, c’est la conversion de nos cœurs. Le règne de Dieu s’est fait proche : convertissez-vous et croyez à l’évangile ! A travers ces tentations au désert, et à travers le carême dans lequel nous sommes entrés pour nous préparer à Pâques, c’est ce combat auquel nous sommes associés.
 
Peut-être pouvons-nous nous imaginer que ce serait plus confortable d’aller directement au jardin de la Résurrection, de ne pas traverser ce désert, de ne pas traverser ni subir ces épreuves, ces tentations, ces combats qui nous paraissent parfois tellement dérisoires et qui sont parfois tellement douloureux, parce que notre liberté est engagée. Mais le Christ est venu pour que nous soyons sauvés, c’est-à-dire pour que notre liberté participe à son projet, et non pour que celui-ci nous soit imposé du dehors, comme un vêtement qui se superposerait à notre vie ancienne sans que notre cœur ne soit changé. Comme si l’on pouvait être chrétiens à la manière des acteurs costumés sans que notre personnalité ne soit transformée.
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz

mercredi 14 février 2018

Homélie du Mercredi des Cendres - 14 février 2018

Les quarante jours de Carême, dans lesquels nous entrons aujourd’hui, évoquent évidemment à notre mémoire le temps passé par Jésus au désert. Ce temps de quarante jours et de quarante nuits évoque lui-même les quarante années passées par le peuple à travers le désert en chemin vers la Terre promise. La similitude des chiffres ne doit pas nous faire oublier la différence profonde entre ces trois temps dont l’Ecriture garde la mémoire. Les quarante ans de la traversée au désert sont un temps de purification destiné à faire surgir à nouveau la foi du peuple d’Israël. La génération, libérée de l’oppression en Egypte, a douté de Dieu. Il ne lui sera pas donnée de voir la Terre promise. Ce n’est que la génération suivante qui le pourra, après avoir fait l’expérience au désert que Dieu était sa seule espérance et sa seule source de vie. Tel n’était évidemment pas le sens de l’épreuve vécue par le Christ, quand, après son baptême, il est conduit au désert pour y être tenté. Il ne s’agit pas pour lui d’un temps de purification mais plutôt, au sens propre, d’un temps d’épreuve. C’est aussi l’occasion pour le Christ d’exprimer, en se référant à la Parole de Dieu, l’exclusivité de la foi en Dieu.
Pour nous les quarante jours dans lesquels nous sommes engagés maintenant tiennent simultanément des deux périodes que je viens d’évoquer. Ils sont un temps de purification et ils sont un temps d’épreuve.
Un temps de purification d’abord, pendant lequel nous sommes invités à nous reconnaître pécheurs. Le geste que nous allons faire tout à l’heure de recevoir sur notre tête un peu de cendre rappelle avec évidence les gestes pénitentiels de la Bible. Venir recevoir ces cendres, c’est équivalemment se déclarer pécheur. On pourrait dire que c’est une manière de s’inscrire dans la troupe des pécheurs. En sortant de l’église tout à l’heure avec cette marque sur notre front, nous dirons que nous en sommes. Oui, ce soir, nous sommes entrés en Carême, nous nous sommes reconnu pécheurs et cela se voit. Nous ne sommes pas pécheurs simplement parce que nous avons accumulé des fautes, ce qui est évidemment le cas, mais nous sommes pécheurs d’abord parce que notre cœur s’est détourné de Dieu. C’est à cause de cela que nous nous sommes laissé séduire par le péché. Nous avons cru qu’il pouvait y avoir plus beau que la vie avec Dieu. Il s’agit donc maintenant de nous laisser à nouveau attirer et séduire (beaucoup aujourd’hui se souviennent plus de la saint-Valentin que de l’entrée en Carême !), telle une biche par les phares d’une voiture en pleine nuit… Chaque année, donc, le temps du carême est le temps où nous faisons retour sur nous-mêmes, non pas dans une attitude narcissique ou un geste d’autosatisfaction, mais dans la lumière de la miséricorde de Dieu. On dit souvent que notre société a perdu le sens du péché. S’il y a une perte du sens du péché, c’est qu’il y a une perte de la foi. Il ne sert à rien d’exhorter les gens à se reconnaître pécheurs si d’abord on ne leur annonce pas la bonne nouvelle du salut dans la certitude qu’ils sont déjà dans le Ressuscité.
 
Voici la deuxième dimension de notre temps de carême. Il est aussi un temps d’épreuve pour la foi. Si nous sommes invités au jeûne et à la prière, ce n’est pas pour nous punir ni non plus pour donner un signe extraordinaire devant lequel tout le monde aurait à s’émerveiller. Nous ne sommes pas dans un ramadan chrétien ! Si nous jeûnons et si nous prions, c’est parce que le jeûne, comme la prière, est un acte de foi. Ce n’est pas nous qui changeons nos cœurs c’est lui qui les change. C’est lui qui arrache notre cœur de pierre et qui le remplace par un cœur de chair. Ce travail intérieur ne se fait pas sans quelques souffrances car nous avons nos habitudes et nos attraits pour les choses qui nous font le plus de mal. Laisser grandir en nous l’homme intérieur oblige à faire taire beaucoup des voix qui nous habitent. Renoncer à beaucoup des choses qui nous occupent, c’est cela notre jeûne. Ce travail intérieur n’est pas l’objet d’un spectacle, il est tout entier engagé dans le secret de la relation personnelle avec Dieu comme nous le rappelait à l’instant l’évangile selon saint Matthieu.
Ainsi entrons dans ce temps de carême, non pas dans la tristesse et le désespoir, mais dans la joie confiante de la résurrection vers laquelle nous nous avançons.
 
Michel Steinmetz   

jeudi 8 février 2018

Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 11 février 2018

Selon les prescriptions de la Loi de Moïse, que nous avons entendues dans le Livre du Lévitique, le lépreux devait se tenir à l’écart de tous. Ceci ne visait pas d’abord à éviter la contagion, comme nous le penserions aujourd’hui. Cette mise à l’écart permettait surtout d’éviter au peuple de contracter une impureté rituelle. Car ceux qui avaient été en contact avec les lépreux devenaient inaptes à participer à la vie et à la prière du peuple de Dieu.
 
En purifiant le lépreux, Jésus va donc d’abord dépasser cette séparation entre ceux qui sont impurs et ceux qui sont purs. Il touche le lépreux, et ce faisant, il lui donne de réintégrer le Peuple Saint. Il vient « rassembler les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52). Dans ce geste, Jésus se fait proche de celui que tous repoussaient. Dans notre tradition culturelle, nous avons également connu cette crainte du lépreux et cet interdit qui les frappait, sans avoir aucun lien à la loi juive. Au Moyen-Age, à Strasbourg, comme dans d’autres villes, les lépreux étaient condamnés à vivre reclus en dehors des murs de la cité. De grandes figures de saints comme François d’Assise ou Ignace de Loyola ont su vaincre cette sorte de crainte ancestrale à l’égard de ceux dont l’apparence peut être repoussante, parce qu’ils sont complètements autres et différents.
 
Mais en purifiant le lépreux, Jésus ne guérit pas seulement cette apparence. Il vient toucher en profondeur la culpabilité enracinée dans l’inconscient de l’humanité, et dont la maladie visible semble toujours être la manifestation extérieure. Le lien entre la maladie et le péché n’appartient pas seulement aux mentalités archaïques ou dépassées par notre savoir moderne et nos connaissances médicales. Beaucoup voient dans les maladies une sorte de punition, ou du moins la manifestation de la noirceur intérieure de ceux qui en sont affligés. Ainsi, devant un mal imprévu ou un accident soudain, nous pouvons entendre (ou penser) : « Pourtant, il n’avait rien fait de mal ! ». Cette réflexion laisse supposer que, si cette personne avait fait quelque chose de mal, la maladie, l’accident ou la mort auraient été justifiés. Ce lien était profondément ancré dans la culture juive. Ainsi, dans l’évangile de saint Jean, quand Jésus rencontre l’aveugle-né, ses disciples lui demandent : « Seigneur, qui a péché ? Lui ou ses parents ? » (Jn 9, 2).
 
Voilà pourquoi, en purifiant le lépreux, Jésus n’opère pas simplement une guérison, mais pose un geste qui annonce une libération plus profonde. S’il peut guérir la lèpre visible, pourquoi ne serait-il pas capable de guérir les lèpres invisibles qui affligent l’âme humaine ? Dans la guérison du paralytique qui suit ce passage dans l’évangile de saint Marc, Jésus confirme cette dimension de sa personne et de sa mission : il n’est pas simplement un thaumaturge et un grand rabbin, mais celui qui peut délivrer l’homme du péché. Pour nous, comment trouvons-nous notre place dans cette scène de la rencontre du lépreux avec Jésus ? Nous pouvons nous représenter prosternés aux pieds du Christ et le suppliant : « Seigneur si tu le veux, tu peux me purifier » (Mc 1, 40), de mes maux, mais surtout de ceux qui noircissent et enlaidissent mon âme, me font douter de ton amour et de ma propre capacité à aimer et à faire le bien.  La venue du Christ ne touche pas simplement nos imperfections trop perceptibles de la vie quotidienne. Elle vient guérir les péchés qui touchent notre âme et que personne ne voit.
 
A la veille d’entrer dans le temps du carême, nous pouvons faire retour sur nous-mêmes et prendre conscience de ce qui nous afflige. Demandons aussi au Seigneur que cette expérience de la purification, du pardon et de la réintégration soit un signe pour le monde. Nous appartenons à une communauté. Nous en sommes les membres et ne vivons pas comme si nous étions perdus et isolés à travers l’immensité de l’univers sans aucun point d’appui, sans aucun lien, sans aucune chance d’entrer en contact avec quiconque. Par le Christ, nous sommes intégrés dans l’Église, le peuple des chrétiens, la fraternité des baptisés, ceux qui vivent selon la belle vie de l’Evangile.
 

AMEN.
 
                                                 

Michel Steinmetz  

jeudi 1 février 2018

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 4 février 2018

La foule qui se presse de toutes parts essaye de profiter de la présence de Jésus. Elle perçoit très vite une délivrance. Elle se tourne vers ce prophète qui s’est levé, non seulement parce qu’il parle bien, mais aussi parce qu’il guérit et libère. L’agir accompagne la parole. Et puis, étrangement, l’évangile nous dit : « bien avant l’aube, il se retire pour prier » (Mc 1, 35). Jésus semble vouloir échapper à cette foule. Il n’est pas venu se laisser enfermer par les habitants de Capharnaüm, comme s’il était sorti d’auprès du Père pour sauver les seuls habitants de Capharnaüm. Il est venu pour l’humanité, et donc il se retire, s’échappe, en insérant un écart entre lui et l’attente de cette foule. Quand les disciples lui disent : « Tout le monde te cherche » (Mc 1,37), il répond : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1,38).
 
Nous pouvons légitimement être admiratifs et séduits par la personne de Jésus, mais nous devons comprendre aussi que nous n’en sommes pas pour autant propriétaires. Le Christ vivant aujourd’hui à travers son Église, n’est pas à notre disponibilité. Dire cela implique quelques conséquences. Le Christ, tout d’abord, n’est pas réductible à ce que nous pouvons dire ou vivre de Lui. Sans cesse il dépasse nos propres frontières pour élargir nos horizons. Celui qui pense ainsi avoir tout compris de Lui, et donc n’en attend plus rien, est un chrétien en danger. De même celui qui refuse de se laisser bousculer. Voilà bien pourquoi les slogans, comme « On a toujours fait comme cela ! » sont-ils redoutables pour nos communautés chrétiennes. Ensuite nous nous découvrons comme n’étant pas les propriétaires de la Bonne Nouvelle que Jésus annonce et manifeste au milieu des hommes. C’est ainsi qu’il entraîne ses disciples à quitter Capharnaüm et à parcourir la Galilée. C’est ainsi qu’il nous invite, nous aussi, comme le pape François nous le rappelle souvent, à sortir de nos communautés, à ne pas les concevoir comme des chapelles protectrices, mais comme une base de départ, un lieu de renforcement, de motivation du dynamisme de l’Évangile. C’est ce que nous rappelait l’apôtre Paul dans l’épître aux Corinthiens. « Ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9,16). Il est au milieu de nous, non pas comme celui qui vient seulement satisfaire nos attentes, mais pour nous entraîner ailleurs, vers d’autres villages, vers d’autres hommes et d’autres femmes, pour porter l’Évangile au-delà des limites de nos communautés.
 
Si peu que nous ayons de force, si peu que nous ayons de temps, si embarrassés que nous soyons à cette idée que nous portons quelque chose qui pourrait être utile à ceux qui nous entourent, à nos contemporains, il faut que nous nous laissions porter par le dynamisme de l’Évangile pour devenir avec les disciples de Jésus ceux qui vont quitter leur village, quitter leur environnement, quitter l’ambiance chaleureuse qu’ils connaissent et aller apporter l’Évangile, la proposition d’une vie nouvelle et différente de « la vie de corvée » qu’évoquait le livre de Job. Nous possédons une richesse, une espérance, une force qui dépasse ce que nous pouvons imaginer. Nous ne comprenons et découvrons cette force, cette richesse que dans l’épreuve de la rencontre avec les autres. On peut se dire les uns aux autres qu’on est chrétien et que l’Évangile est une belle chose. La belle affaire ! Ce n’est pas trop compliqué de nous convaincre mutuellement que nous sommes chrétiens ! La question n’est pas là ! Cette richesse reçue, cet évangile que Dieu nous donne, cette bonne nouvelle et cet appel à la conversion ne sont pas faits seulement « à usage interne » ! Ils sont faits pour aller au-devant des hommes et des femmes qui nous entourent, pour aller leur annoncer que les temps sont venus, qu’aujourd’hui « le Christ est sorti » (Mc 1,38) ! Il est sorti d’auprès du Père pour venir dans l’humanité, il sort de Capharnaüm pour aller dans la Galilée, et cela veut dire pour nous, aujourd’hui, qui constituons la figure sacramentelle du Christ ressuscité, qu’il sort avec nous des frontières de notre Église pour l’annoncer à tous les hommes.
 

AMEN.
 
                                                 

Michel Steinmetz