A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

mercredi 29 novembre 2017

Homélie du 1er dimanche de l'Avent (B) - 3 décembre 2017

Veiller ne signifie pas seulement ‘ne pas dormir’ mais surtout ‘faire quelque chose’. Aujourd’hui, beaucoup d’hommes et de femmes connaissent la détresse. Celle-ci peut venir de la situation dans laquelle ils sont plongés ou des difficultés particulières qu’ils rencontrent dans leur vie. Mais elle est souvent celle d’un cœur découragé ou indifférent. Quand Isaïe écrit : « nous étions comme des feuilles desséchées » (Is 64, 5), il parle de ce dessèchement du cœur de l’homme qui se détourne de ceux qui l’entourent et de leurs besoins, et rend fataliste vis-à-vis de l’avenir. Un cœur desséché conduit au désespoir et à la tristesse. Si nous ne voulons pas être comme ces feuilles desséchées emportées par la bourrasque et qui retombent on ne sait où, si nous voulons vraiment ouvrir nos cœurs à l’amour du Christ qui vient, il nous faut « prendre garde et veiller » (Mc 13, 33).
 
Pour comprendre ce que cela induit, je vous propose de prendre simplement quelques exemples de ce que nous pouvons faire nous mettre en garde et pour veiller.
 
Durant ces prochaines semaines, nous allons nous préparer à accueillir le Christ en sa Nativité, afin que nos cœurs soient ouverts au moment où le Seigneur vient, pour que ne se reproduise pas ce qui s’est passé à Bethléem où « il n’y avait pas de place pour lui » (Lc 2, 7). Nous pouvons nous y préparer en accordant plus d’attention à sa présence et à sa Parole. Nous pouvons passer plus de temps à prier, ou peut-être déjà ne pas oublier de prier ! Pour nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, nous pouvons reprendre un verset de l’Évangile de mémoire, même sans livre et sans papier. Rien ne vous empêche chaque jour de dire un verset, de le répéter et de le laisser pénétrer votre cœur.
 
Veiller, c’est nous rendre attentif à la venue du Christ, mais également à l’existence de nos frères. Dans nos familles ceci peut se vivre des parents vers les enfants, des enfants vers les parents, des époux l’un envers l’autre. Cela passe aussi par l’attention que l’on porte aux grands-parents, à notre famille large. Est-il possible de travailler ou de vivre pendant des mois et des années à côté d’une personne, sans avoir jamais vraiment prêté attention à ce qu’elle vit, sans jamais l’avoir écoutée ? Et puis nous pouvons être attentifs aux besoins de tous ceux qui nous entourent. La collecte de jouets par les enfants est un signe par lequel ceux qui sont un peu plus chanceux n’oublient pas ceux qui le sont moins.
 
Veiller cela signifie aussi regarder, comprendre et faire quelque chose. Nous entendons beaucoup d’informations sans que ces nouvelles et les évènements qu’elles relatent pénètrent vraiment notre intelligence et notre vie. Certes, je ne suis pas forcément en situation de changer le monde, mais si je change ce que je peux changer à ma place, alors le monde changera.
 
Et enfin, veiller, c’est aussi être disponible à l’imprévu. Nous vivons dans une culture où l’on cherche à se prémunir contre tout ce qui peut arriver. Même si nous constatons d’ailleurs que nous n’y arrivons pas, nous continuons à le désirer et à prendre toutes les précautions possibles et imaginables pour éviter les accidents, la misère, la maladie et tout ce qui pourrait bousculer notre existence. Mais si nous dépensions un peu de l’énergie que nous mettons à nous protéger de ce qui pourrait arriver pour nous préparer pour faire face à ce qui arrive effectivement, peut-être les choses iraient-elles beaucoup mieux ! La vie de l’homme ne consiste pas à empêcher que le monde tourne, mais plutôt à essayer de le faire tourner mieux.
 
Nous sommes privilégiés. Pas des privilégiés économiques ou des privilégiés de la sécurité, mais des privilégiés de la richesse de la Parole de Dieu (1 Co 1, 5). Nous qui participons chaque dimanche à l’eucharistie, nous devons nous laisser déranger et surprendre en accueillant l’imprévu, en étant ouvert à ce qui n’a pas été préparé et dont nous ne sommes pas protégés, en recevant celui qui vient au moment où nous ne l’attendions pas, le matin ou à minuit, le soir ou au chant du coq : il frappe à notre porte, saurons-nous lui ouvrir ?
 
AMEN.


Michel Steinmetz  

mercredi 22 novembre 2017

Homélie de la solennité du Christ, roi de l'Univers - 26 novembre 2017

Aujourd’hui l’Église célèbre la fête du Christ, roi de l’univers. Quand nous entendons ce mot de « roi », nous avons tendance à le comprendre à la manière dont nous apprenons dans les cours d’histoire qu’il y a eu jadis des rois ou à la manière dont il en existe aujourd’hui et que nous percevons par le truchement des actualités ou des revues mondaines. Nous comprenons qu’un roi ou une reine est un chef d’État qui exerce un certain nombre de pouvoirs. Mais ce n’est pas comme cela que le Christ veut présenter la royauté de Dieu. Ce n’est pas comme cela qu’il est lui-même Roi de l’univers. Comme nous l’avons entendu dans le livre d’Ézékiel, le roi que Dieu veut envoyer, c’est un pasteur, c’est-à-dire un berger qui prend soin du troupeau, qui va chercher les brebis blessées pour les soigner, les brebis égarées pour les ramener, redonner des forces à celle qui est faible, bref, c’est un pasteur et un berger qui prend soin de son peuple.
 
Le pasteur, comme nous le dit la parabole de l’évangile, trie les animaux : les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. Comment devient-on une brebis plutôt qu’une chèvre ? C’est la question que devaient se poser ceux qui entendaient Jésus parler des brebis qui seraient à sa droite et des chèvres qui seraient à sa gauche. Qu’est-ce qui permet de faire le partage ? Jésus nous l’explique : « j’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger, vous m’avez accueilli, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi » (Mt 25,35-36). Il n’est pas question de Dieu dans tout cela. Pourquoi ? Parce que ce jugement ne s’adresse pas simplement aux fidèles qui ont reçu les Dix commandements et la Parole de Dieu pour éclairer leur chemin et pour conduire leur vie. Ce jugement s’adresse à tous les hommes, qu’ils soient chrétiens ou non, qu’ils soient croyants ou non. Il s’adresse à une qualité tout à fait extraordinaire que possède tout homme, la capacité de savoir ce qui est bien et ce qui est mal. Évidemment, cette capacité peut se troubler, s’obscurcir. Elle peut se développer. Mais tout le monde sait qu’il y a des actions bonnes et des actions mauvaises. Tout le monde a la capacité de faire la différence entre le bien et le mal. Dans la Bible, il y a une image pour nous l’expliquer. On sait que l’on peut faire la différence entre le bien et le mal quand on fait la différence entre une pierre et du pain. Un enfant tout petit ne fait pas forcément la différence entre une pierre et du pain, il est capable de mordre dans une pierre. Mais arrive un moment où il sait que la pierre ne se mange pas et que le pain se mange. Il fait la différence entre ce qui est bon pour lui et ce qui n’est pas bon pour lui. Cette capacité qui nous habite, que nous l’appelons la conscience. Nous sommes capables de juger ce qui est bon. On peut se tromper, on peut faire semblant de se tromper, on peut ne pas faire ce que l’on sait qui serait bien, et faire ce que l’on sait qui est mal, tout cela c’est possible, mais cela ne fait pas disparaître cette lumière qui est au cœur de l’homme et qui est le signe de la liberté que Dieu lui a donnée.
 
Nos frères orthodoxes parlent du sacrement du baptême comme de celui de l’ « illumination ». Notre liturgie, elle-même, dans le temps de Pâques, nous dit que nous sommes illuminés (non pas « des illuminés ! »). Nous avons reçu une lumière intérieure qui nous permet de mieux faire fonctionner notre conscience morale. Ainsi, frères et sœurs baptisés, vous êtes mieux capables de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, et par votre confirmation vous êtes plus forts pour désirer ce qui est bien et rejeter ce qui est mal. Nous voyons dans la parabole, ces gens qui ont donné à manger, qui ont visité les malades, qui ont habillé ceux qui étaient nus, etc. et qui disent : « mais quand avons-nous fait cela ? » Ils savent bien qu’ils ont rendu service aux autres, mais ils n’avaient pas conscience qu’ils servaient Dieu en même temps. Ils avaient compris un chemin de bonté, ils avaient compris la bonté en action, et en cela, même s’ils n’étaient pas très éclairés sur la foi, ils faisaient quelque chose de bon aux yeux de Dieu, tellement bon que ce qu’ils faisaient au plus petit des hommes, c’est à Dieu qu’ils le faisaient.
 
C’est cela être disciple de Jésus. C’est cela participer à son Royaume pour qu’il advienne. Un règne qui ne s’impose par la violence mais par un amour qui s’impose comme une évidence.
 
AMEN.
                   
Michel Steinmetz

mardi 14 novembre 2017

Homélie du 33ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 19 novembre 2017

Admettons-le : il est difficile de lire cet évangile sans être scandalisé.  Il y a une telle opposition entre les serviteurs de cette parabole.  Bien plus, c’est le plus faible, celui qui n’a qu’un talent qui est le plus mal traité, tandis que les deux autres, déjà riches et sûrs d’eux, sont largement récompensés.  Et pourtant à y regarder de plus près, on se rend compte que les choses ne sont pas aussi simples. 
 
Le serviteur au seul talent ne dit-il pas qu’il savait que son maître est un homme dur.  Il est même un exploiteur.  Le serviteur lui reproche de moissonner là où il n’a pas semé, de ramasser là où il n’a pas répandu de grain.  Et le maître ne nie pas.  Il reconnaît que cela est bien vrai.  « Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. –  Je savais que tu es un homme dur ».  Comment voulez-vous que cet homme puisse vivre et entreprendre ? Comment voulez-vous qu’il puisse prendre des risques et oser ?  Nous sommes parfois comme ce serviteur écrasé, paralysé par la peur.  Il y a des parties de notre vie, des parties de notre cœur, qui sont comme mortes.  Il y a d’un côté l’expérience qui nous a appris à découvrir nos limites.  Il y a d’autres parties de notre vie et notre cœur qui sont bien mortes, nécrosées, durcies et parfois encore bien douloureuses.  Ce sont les trahisons et les mensonges, la cruauté parfois de nos proches qui nous ont parfois ensevelis et écrasés sous des tonnes de rocher.  Et maintenant encore nous n’osons plus entreprendre ou faire quoi que ce soit dans ce domaine où nous avons été si bien détruits. Car il y a plusieurs manières de détruire quelqu’un.  Il y a bien entendu la violence physique, mais il y a aussi - et c’est bien plus subtil - la violence psychologique.  On peut écraser quelqu’un en lui répétant sans cesse qu’il est incompétent, en l’obligeant  faire des choses qu’il est incapable de réaliser et de lui expliquer ensuite qu’il est un incapable.  Cela peut se voir dans certains milieux professionnels, mais aussi à l’intérieur d’un couple ou entre frères et sœurs.  Avec quel plaisir sadique, certaines personnes, usant et abusant de leur position de force, peuvent ainsi faire sentir leur supériorité, toute relative d’ailleurs.

Tout autre est l’attitude des deux premiers serviteurs.  C’est debout, droit dans les yeux, qu’ils se présentent devant leur maître.  Et ils ont bien l’air d’être les dindons de la farce puisque  ce sont eux qui enrichissent un tel maître.  Le serviteur au seul talent ne serait-il pas plus lucide que les autres ? Les deux autres ne seraient-ils pas un peu innocents, voire carrément naïfs ? C’est une bonne question : qu’est-ce que l’innocence ? Devons-nous, nous, chrétiens, être naïfs ? Certainement pas.  Naïveté rime souvent avec inconscience.  La naïveté n’est pas une qualité à cultiver, c’est un handicap à corriger.  Il convient au contraire de retrouver la grâce de l’innocence, si nous l’avions perdue.  Les épreuves de la vie, les mensonges, les trahisons, la cruauté même de certains comportements nous ont blessé de telle façon que c’est avec prudence, ou même avec méfiance, que l’on continue à vivre en société.  Plus encore, dans une communauté religieuse, comme dans un couple, l’enthousiasme du début a cédé la place à la désillusion, et parfois même à la rancœur.  Et c’est là sans doute tout le défi qui nous est lancé comme être humain et comme chrétien.  Non pas de retrouver l’innocence des enfants, mais la générosité de l’âge adulte.
 
Quand Jésus se « lance » et annonce partout la Bonne Nouvelle, il sait qui va le trahir, il sait que Pierre va l’abandonner, il sait que tous les apôtres vont s’enfuir.  Et pourtant il donne son amour sans compter, car il est lui-même porté par l’amour de son Père.  Et c’est là sans doute la clef de la réussite des deux premiers serviteurs : c’est la confiance immense qu’ils ont en leur maître et cette confiance, ils l’ont parce que leur maître lui-même leur fait confiance.  La confiance, ce n’est pas quelque chose qu’on se donne, c’est quelque chose que l’on reçoit.  Et c’est riche de cette confiance reçue, qu’on peut avoir confiance en soi-même et avoir confiance dans les autres. Cet évangile est celui de la confiance, avant d’être celui de la rétribution.  Le serviteur au seul talent n’avait aucune confiance en son maître. 
 
AMEN.
                                                                                                                                              
Michel Steinmetz

jeudi 9 novembre 2017

Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 12 novembre 2017

La parabole des dix vierges qui attendent la venue de l’Époux nous parle du retour du Christ et tourne notre regard vers notre avenir, qu’il s’agisse de l’avenir de l’humanité, de l’avenir de notre Église, de l’avenir de notre pays, ou de l’avenir de chacun et de chacune d’entre nous. Le temps que nous vivons rend cette projection vers l’avenir plus incertaine et plus aiguë à la fois. Dans une culture sécuritaire qui nous encourage à préserver toutes les protections élaborées dans les temps de prospérité, ce qui arrivera demain est souvent considéré comme une menace. Qu’en sera-t-il de nos retraites, de notre protection sociale ou même tout simplement de notre mode de vie, qui permet à la plupart d’entre-nous d’échapper aux menaces vitales de la sous-alimentation et du manque de soins, qui restent le lot de la majorité de l’humanité ?
 
Notre humanité est dans l’attente de la venue du Christ Sauveur. Pour beaucoup cette attente reste enfouie et voilée derrière un espoir un peu irrationnel de solutions politiques. Certains pensent encore que la providence est entre les mains des états de la terre et ils n’attendent « rien de bon de Nazareth », pour reprendre l’expression de l’Evangile (Jn 1, 46). D’autres ont oublié l’espérance que leur donnait une foi vivante, et se sont laissé glisser dans l’indifférence ou le fatalisme. Ils se demandent si l’homme peut encore faire quelque chose pour changer le monde, pas simplement pour le faire rêver, mais pour en transformer la réalité. Les débats sur l’écologie en sont une trace. D’autres encore imaginent la victoire du Christ comme un triomphe éclatant. Comme les vierges sages, notre Église attend sa manifestation avec confiance.
 
Quelle attitude nous est suggérée par cette parabole ? Quelle est la sagesse qui nous munit des réserves d’huile nécessaires pour accueillir le Christ quand il vient ? La conclusion de la parabole nous en donne la clé : « Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » (Mt 25, 13) Le chrétien est appelé à devenir et à demeurer un veilleur attentif, qui se tient prêt pour la venue de l’Époux. Il ne s’agit pas seulement de comprendre que, pour chacun d’entre nous, la rencontre définitive est imprévisible et que nous pouvons mourir à tout moment. Il s’agit aussi de comprendre que Dieu vient toujours dans l’histoire des hommes comme à l’improviste. Entre le temps de l’Incarnation et son retour à la fin des temps, il vient à tout moment dans la vie de ce monde. Sommes-nous attentifs à percevoir sa présence au cœur de l’histoire des hommes ? Les événements que nous vivons questionnent notre foi. Croyons-nous vraiment qu’il est vivant et qu’il reviendra ? Croyons-nous vraiment qu’il est présent au milieu de nous ? Tant de chrétiens vivent aujourd’hui comme si le Christ était une histoire ancienne à laquelle nous n’aurions plus accès ! Jésus serait une sorte de sage fondateur aux écrits duquel on se réfère, mais qui reste fixé à jamais dans les profondeurs de l’histoire. Tant de chrétiens n’attendent plus rien de sa venue ni à la fin des temps ni dans l’aujourd’hui de nos vies !
 
Nous croyons que Jésus est vivant aujourd’hui. Nous croyons que chaque fois que nous nous réunissons en son nom, il est au milieu de nous. Nous croyons qu’il parle au nom de son Père et que sa Parole est une lumière pour conduire nos existences.  Nous proclamons qu’il est vivant et présent quand nous répondons à son appel pour nous rassembler pour le Jour du Seigneur et faire mémoire de sa résurrection dans l’Eucharistie : Dieu est quelqu’un pour nous. Nous proclamons qu’il est vivant quand nous laissons la charité nous sortir de notre tranquillité pour nous mettre au service des plus pauvres de nos semblables ; quand nous allons vers les prisonniers, les malades, les émigrés, les rejetés de la prospérité.
 
Dans les temps que nous traversons et où beaucoup se laissent saisir par la panique en voyant s’écrouler un univers de sécurité, notre sérénité et notre engagement au service de tous, c’est aujourd’hui notre manière de nous tenir prêts à reconnaître l’Époux qui vient.« Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz †

vendredi 3 novembre 2017

Homélie du 31ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 5 novembre 2017

Évangile polémique. Jésus dénonce le comportement des scribes et des pharisiens : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas.» Voilà qui se situe encore dans la suite de ce que nous entendions les dimanches précédents. Ne cédons ni à la généralisation hâtive, ni à un affadissement de la pointe du texte qui nous laisserait penser que cela ne nous concerne pas ou plus.
 

Jésus dénonce tout d’abord l’hypocrisie : « Ils disent mais ne font pas. » C’est le décalage bien connu, pour ne pas dire la contradiction, entre ce qui est demandé aux autres et ce qu’on fait soi-même, entre ce qu’on impose aux autres à cause de l’autorité qu’on a et ce qu’on s’impose à soi-même. Faire soi-même ce qu’on dit, c’est là une exigence de la vérité qui doit habiter tous ceux qui sont en situation d’autorité ou de responsabilité : prêtres, parents, éducateurs…
Mais Jésus n’en reste pas qu’à ce seul registre. Il dénonce le détournement de la religion à des fins personnelles. C’est la tentation de l’homme religieux qui, au lieu de servir Dieu, de s’effacer devant lui, de le mettre vraiment au centre de sa vie, se met lui-même au centre, se sert de Dieu et de la religion pour assouvir sa soif de pouvoir, asseoir sa respectabilité sociale ou répondre à son besoin de paraître. Ce type de comportement peut mener à la plus sauvage des violences, comme nous l’avons vu dans l’Histoire et récemment au Moyen-Orient. « Ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogue et les salutations sur les places publiques.» Cet homme assoiffé d’honneurs est littéralement fasciné par l’image qu’il veut donner de lui-même et par celle que les autres lui renvoient. Jésus dans le désert a lui-même été confronté à cette tentation du détournement à son profit du service de Dieu. Au tentateur pourtant il répondra : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est à lui seul que tu rendras un culte » (Luc IV, 8). Cette tentation peut nous guetter tous, nous aussi ; elle peut guetter l’Église. Sommes-nous signe ou écran ? Sommes-nous serviteurs ou gérants établis à notre compte ? Accumulons-nous les titres d’enseignant, de père et de docteur (ou de maître) ou bien renvoyons-nous tout cela au seul qui l’est en plénitude : le Seigneur, ou Celui dont nous ne sommes que les serviteurs ?
 

Le vrai message de l’évangile de ce dimanche ne se réduit pas à une question de vocabulaire. Il n’est pas de cesser de saluer un prêtre du nom de « Père » ou un religieux du nom de « maître des novices ». C’est pour chacun de vivre au quotidien le reflet de l’amour de Dieu tel que le Christ nous l’a reflété en sa vie. Pour le Christ, l’autorité n’est pas ni un pouvoir, ni un privilège. Elle doit être humblement assumée pour servir les autres. Ce fut ainsi qu’il agit lui-même au soir du Jeudi-Saint, alors qu’il commençait l’ultime phase rédemptrice de sa Passion. Le geste du lavement des pieds de ses apôtres est signifiant. « Je vous ai donné un exemple.» (Jn 13,15)
 

Fils d’un même Père, frères au service les uns des autres, cette attitude se doit d’être vécue aujourd’hui. La question de l’autorité n’a rien perdu de son autorité. Les déviances sont dans notre société avec le pouvoir, les « influences » et l’argent. C’est vrai aussi dans le domaine religieux quand les motivations utilisées deviennent dominatrices dans les déviances des sectes. L’inquiétude, la précarité, la solitude de nos frères sont les signes que nous avons un peu oublié l’Evangile. Notre mission est d’être frères, serviteurs de nos frères. C’est d’être humblement à l’écoute des tâtonnements de chacun, sans lui asséner nos fallacieuses certitudes de « maîtres ». C’est d’apporter convivialité, chaleur humaine et paix intérieure à ceux qui cherchent un peu de paix auprès de nous.
 

« De plus en plus, Seigneur exerce en nous ta puissance, afin que, fortifiés par tes sacrements, nous devenions capables, avec ta grâce, d’entrer en possession des biens qu’ils promettent » (Prière après la communion)
 

AMEN.
                                                                                                                                                                                                                      
 

Michel Steinmetz