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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 27 juin 2014

Homélie de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul - 29 juin 2014

Il est fort étonnant que la liturgie célèbre en même temps saint Pierre et saint Paul, tout d’abord, parce que ce sont deux personnalités fort différentes, et ensuite parce que chacun d’eux méritait bien une fête particulière. Paul, juif ardent et converti, a couru avez zèle dans tous les pays, il a fondé des Eglises partout, il les a organisées avec Tite et Timothée.  Pierre, lui, a été parmi les premiers appelés. Il a suivi Jésus sur les chemins de Palestine. Il a été placé à la tête du groupe des Douze, reconnaissance manifestée dans le fait qu’il a été le premier à entrer dans le tombeau vide au matin de Pâques. « Prince des apôtres », pierre sur laquelle le Christ a décidé de bâtir son Eglise, il a trahi trois fois. Pierre qui, par crainte, s’est séparé de la table des judéo-chrétiens à Antioche, provoquant ainsi une grave scission dans la communauté chrétienne.  Paul avait alors publiquement réprimandé Pierre qui n’a rien pu faire d’autre que d’obéir à Paul. 

Deux figures qui, au final, loin de s’affronter, se sont complétées dans le dessein de Dieu. L’un, Pierre, partisan de l’annonce de l’Evangile à l’intérieur des terrains connus (le judaïsme) ; l’autre, Paul, apôtre des nations, allant témoigner aux païens. Ces deux figures devaient être unies par le martyre à Rome, à quelques années d’intervalles. Elles sont pour nous, dans leur unique fête, le rappel que l’Eglise annonce toujours le Ressuscité dans toutes les directions : aux baptisés que nous sommes et à ceux qui ne le sont pas encore. Sans relâche.
 
L'Eglise nous invite donc à nous souvenir dans une même fête de deux tempéraments fort divers, ceux de Pierre et de Paul. Ils sont appelés « colonnes de l’Eglise » parce que c’est bien sur leur témoignage, jusqu’au sang du martyre, que nous pouvons appuyer, aujourd’hui encore, notre foi. Nous sommes réunis ce matin en cette antique église, au moins en ces fondations : la plus ancienne de notre région, et nous honorons ici, dans la lignée séculaire de croyants, Pierre, le prince des Apôtres. Dans l’évangile, le Christ confie son Eglise à Pierre, nous l’entendions : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise ». Mais les clefs reçus, Jésus ne les confie pas à un homme en propre, mais à celui qui sera le garant de l’unité entre tous.
 
C'est à Pierre ou mieux encore à chacune et chacun d’entre nous que le Christ s’adresse au plus intime de notre intime pour nous demander au creux de notre cœur : « et vous, qui dites-vous que je suis ? ». Il n’y a pas de réponse toute faite qui conviendrait à tout un chacun. Pierre et Paul y ont répondu chacun à leur manière, avec leurs tempéraments, leurs histoires. Mais leur réponse a culminé et s’est rejointe dans l’offrande de leur vie à la suite du Christ. Dieu nous permet d’avancer à notre propre rythme sur le chemin de notre foi. Notre réponse dépendra dès lors de la manière dont nous le ressentons et cette perception pourra évoluer au cours de nos histoires respectives. Dieu est Dieu, le Dieu des vivants. « Et pour vous qui suis-je ? » Une réponse possible, un cri de foi, une réponse ultime :     « tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ». Oui, Seigneur tu es pleinement toi dans le mystère de la foi. Aucun concept ne nous permet de t’enfermer dans nos images réductrices. Tu es tout simplement celui que tu dois être, comme tu nous demandes d’être qui nous avons à devenir.
 
N'ayons pas peur, frères et sœurs, de nous laisser tourmenter par la question de Jésus : « pour toi, qui suis-je ? », ne craignons pas d’emmener cette question avec nous ! Il n’y a de bonne ou de mauvaise réponse. Car, au final, il n’y a qu’une seule réponse qui vaille, celle de l’amour reçu et offert. Comme la larme de Pierre à son reniement, se sachant aimé malgré sa faiblesse.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 20 juin 2014

Homélie de la solennité du Corpus Domini - 22 juin 2014

Le jour de la Fête-Dieu, tout le monde, jadis, se mettait en procession. Il ne manquait pas une personne. Toutes les maisons du village étaient présentes. Non comme une obligation, mais comme un honneur : honneur de pavoiser les rues, de décorer les maisons, de monter les reposoirs, de couvrir les rues de tapis de fleurs. Honneur de saluer le Seigneur, présent dans son eucharistie, passant au milieu de nous et venant à notre rencontre. C’était l’expression de toute une vie communautaire des villages d’autrefois autour de l’eucharistie. Aujourd’hui, cette forme de piété se fait plus rare. D’ailleurs, une procession n’exprime plus la foi d’un village tout entier. Les chrétiens sont plutôt parsemés dans le monde, au risque même de ne plus retrouver leur unité. Il est important, plus que jamais, de se retrouver ensemble comme chrétiens, pour célébrer notre foi, pour se former, pour construire une communauté, dans une société qui ne transmet plus la foi chrétienne de manière automatique.
 
L’eucharistie est la réunion la plus importante de la paroisse. Parfois on a dit : N’est-il pas plus important de se donner à la charité, plus que d’aller à la messe ? Pourtant, l’un n’exclut pas l’autre, bien au contraire : les deux choses s’impliquent. Dans nos jours, il est normal d’entendre dire : que vaut une messe si on ne vit pas dans la charité ? C’est vrai, mais curieusement, l’inverse est moins évident : est-ce quelqu’un qui essaie de vivre dans la charité chrétienne, a-t-il encore besoin d’aller à la messe ? Pour beaucoup de fidèles, la réponse à cette question n’est pas si facile... Pour beaucoup aujourd’hui, aller à la messe semble plutôt être quelque chose d’optionnel. Pourquoi vais-je encore à la messe ? Est-ce parce que je suis engagé dans la paroisse ? Est-ce que j’irais encore quand je n’aurais plus d’engagements dans la paroisse ? Peut-être pas...
 
En tout cas, il faudrait à nouveau découvrir que l’eucharistie est la racine de toutes nos communautés chrétiennes, la raison d’être de toutes nos assemblées, de toutes nos équipes paroissiales, de tous nos engagements ecclésiaux. Pourquoi ? C’est le Seigneur Jésus lui-même qui nous appelle chaque fois au rendez-vous, pour nous dire sa parole, pour nous donner sa vie, pour nourrir notre vie. L’eucharistie, il faut bien la préparer, bien sûr, mais à la limite, l’eucharistie est quelque chose que nous ne pouvons pas faire ou produire nous-même. Le danger de la participation active à l’eucharistie est un peu que on se laisse aveugler par des choses pratiques et de se passer de l’essentiel, pourtant l’unique nécessaire : la rencontre avec le Christ.
 
Célébrer l’eucharistie dans l’esprit de la liturgie nous procure un trésor de spiritualité et ouvre vraiment nos yeux et nos oreilles pour une autre dimension. L’eucharistie sera « sauvée » par notre pauvreté, notre pauvreté d’esprit. Nous devons réapprendre, je crois, à désirer la nourriture de notre âme qui est Jésus, d’entendre sa Parole qui donne la vie. L’Eglise à beaucoup mis l’accent sur le fait que le Seigneur est réellement présent dans l’eucharistie, qu’il se donne vraiment lui-même en nourriture. Sans cette conscience de la présence réelle, l’eucharistie se vide, perd son contenu et devient plutôt une expression de nous-même. En fait, nous nous célèbrerions nous-mêmes.
 
Est-ce que nous savons pourquoi Jésus a choisi le moyen d’un repas et de la nourriture pour nous rencontrer ? C’est que la nourriture entre vraiment en nous et se transforme en nous. Personne peut descendre en nous si profondément que Jésus le peut, et il peut nous toucher là où nous ne pouvons pas être présent à nous-mêmes. Jésus entre en nous et nous transforme de l’intérieur. L’eucharistie, c’est la Parole de Jésus, de nouveau devenue chair et sang pour nous, nourriture de vie éternelle. Faisons route avec lui, comme les disciples d’Emmaüs, pendant toute une vie, et à la fin, nous serons complètement guéris et transformés en Lui. Nous aurons la vie que Jésus nous promet dans l’évangile d’aujourd’hui : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »
 
 
AMEN.
 
                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz

vendredi 13 juin 2014

Homélie de la solennité de la Trinité (A) - 15 juin 2014

Peu à peu, au fil des siècles, les croyants ont saisi que Dieu, leur Dieu, est un dieu unique et un. La Bible témoigne de cette longue aventure croyante. Même la puissance romaine ne parvint pas plus que d’autres avant elle à éradiquer le judaïsme et elle dut se résoudre à tolérer sa singularité de sorte que, au milieu des plus grandes nations adorant leurs multiples dieux, Israël continua à être fidèle à sa foi. Chaque père de famille apprenait à ses enfants à réciter, matin et soir, le shemah, confession centrale de la foi vétéro-testamentaire : « Ecoute Israël : YHWH notre Dieu est YHWH unique. Tu aimeras YHWH ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force ». YHWH : IL EST : le mystérieux tétragramme (c.à.d. 4 lettres) ne peut même pas être prononcé. On disait Adonaï : Seigneur.
 
En Jésus de Nazareth, ce Dieu se révèle dans tout son mystère. Il est Un en trois personnes : Père, Fils et Esprit-Saint. La Trinité que nous fêtons aujourd’hui n’est pas un concept figé, fermé, hermétique. Et de grâce ne la réduisez pas à cela ! Elle est même plus qu’un dogme à croire : elle est l’identité de notre Dieu. Ce Dieu se veut ouvert. Parce qu’il est Un en trois personnes, il veut nous introduire à la relation. Son Esprit fait la communion. C’est bien le souhait trinitaire, emprunté à saint Paul, qui ouvre nos eucharisties : « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit-Saint soient toujours avec vous ! » (2 Cor 13, 13).
 
Cependant, dans les premières communautés chrétiennes, cette foi trinitaire a fait l’objet de nombreux et houleux débats. Quand bien même Jésus ressuscité avait-il envoyé ses disciples en mission en leur demandant de « baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » ! Si Dieu est unique, Jésus n’est-il pas qu’un saint homme « adopté par Dieu » lors du baptême ? L’Esprit n’était-il pas qu’une force surnaturelle ? En 325, le premier concile de Nicée énonça le credo : « Je crois en un seul Dieu le Père….Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, Dieu né de Dieu…Je crois en l’Esprit-Saint qui est Seigneur et qui donne la vie… ».
 
Dieu n’est pas une Transcendance lointaine, un Juge impassible : nous pouvons en vérité le nommer « Abba – Père ». Jésus est son Fils qui a donné sa vie pour que nous soyons pardonnés de nos péchés. L’Esprit n’est pas qu’un secours dans les épreuves, un envol dans l’idéal : il est Présence divine qui nous introduit dans la communion avec le Père, le Fils et entre nous. Si les premiers apôtres ont voulu proclamer d’urgence cette Bonne Nouvelle à toutes les nations, si tant de simples fidèles ont été torturés et ont donné leur vie  pour cette foi, si tant de penseurs ont confessé ce credo, c’est bien parce qu’ils étaient convaincus que là était la Vérité qui éclaire enfin le mystère de Dieu et le mystère de l’homme. La foi en un Dieu Père, Fils et Esprit leur donnait l’expérience de la grandeur et de la liberté de l’homme, les entraînait à lutter pour la communion et la paix et à espérer dans la victoire de l’Amour. C’est là ce qui nous distingue comme chrétiens au cœur du monde. C’est aussi là souvent et pour beaucoup l’objet d’un scandale. Ce témoignage de la foi est pourtant capitale parce qu’il révèle aux hommes l’identité du Dieu qui nous fait vivre.
 
Le Pape François, l’an dernier, s’exprimait ainsi : « Nous pouvons faire toutes les œuvres sociales, on dira : ‘Qu’elle est bonne l’Eglise !’. Mais si nous disons que nous faisons cela parce que ces personnes sont la chair du Christ, alors vient le scandale ! Or sans l’Incarnation du Verbe, le fondement de notre foi vient à manquer. L’Eglise n’est pas une organisation de culture, de religion, ni même sociale : elle n’est rien de cela. Elle est la famille de Jésus…Jésus est le Fils de Dieu qui s’est fait chair : c’est ça le scandale ! On nous dit : ‘Chrétiens soyez un peu plus normaux, ne soyez pas aussi rigides’. Derrière cette invitation se trouve la demande de ne pas annoncer que Dieu s’est fait homme, parce que l’Incarnation est un scandale ! ». Le Pape invitait encore : « à ne pas avoir honte de vivre avec ce scandale de la croix, à ne pas nous laisser prendre par l’esprit du monde qui fera toujours des propositions courtoises, civilisées. … »                     (Homélie 1.6.13)
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 6 juin 2014

Homélie de la solennité de Pentecôte - 8 juin 2014

La mondialisation devient de plus en plus évidente, les territoires – dit-on – doivent toujours plus s’élargir, jusque nos régions. Au cœur de ce processus, la barrière des langues reste pour beaucoup un obstacle. Le miracle de la Pentecôte nous fait rêver. Pouvoir franchir les barrières linguistiques ! Mais pas à la manière d’un anglais qui tend à l’emporter sur toutes les autres langues ! Que chacun s’exprime dans sa langue maternelle et que tous l’entendent aussi dans leur propre langue, fidèlement et en simultané, nous en connaissons l’avant-goût dans les rencontres internationales mais c’est encore un gros travail et la fête de Pentecôte se présente comme un horizon où le ciel et la terre se rejoignent.
 
Alors que « l’unité dans la diversité » ne signifie pas toujours souplesse et harmonie, fêter la Pentecôte, c’est s’inscrire dans un élan, prendre force et inspiration pour trouver un nouveau souffle et vivre l’enthousiasme d’un grand projet qui ne soit pas seulement humain mais le projet de Dieu ! Si la Pentecôte nous rappelle un évènement passé, elle est plus encore un processus, un incendie qu’une étincelle a allumé un jour en Palestine et qui se répand progressivement sur tous les continents. Déjà dans les Actes des Apôtres, la Pentecôte se déroule en trois étapes : à Jérusalem, entre Juifs de différentes langues, puis en Galilée avec les Samaritains, enfin chez les nations païennes. Ce souffle de Pentecôte ne s’est jamais éteint depuis, tout simplement parce qu’il est le souffle de Dieu à l’œuvre au cœur du monde. L’Esprit de Dieu donne à ceux qui le reçoivent la grâce de la communion : en étant en Dieu, ils sont aussi capables de communion entre eux, tout en n’étant pas asservis les uns aux autres. Cet Esprit continue son œuvre quand il donne à des croyants, désunis par l’Histoire, de refaire une route commune. Je voudrais vous inviter à rendre grâce aujourd’hui pour les fruits du voyage du Saint-Père en Terre Sainte dans les relations avec nos frères orthodoxes. Je voudrais encore vous inviter à vous unir de cœur à la prière qui réunira autour du pape François demain après-midi le patriarche de Constantinople et les présidents israélien et palestinien.
 
Vivre la Pentecôte, c’est vivre d’un Souffle qui permet de surmonter la tentation du communautarisme fermé, bien sûr mais aussi la tentation permanente d’une fausse unité, celle qui ne respecte pas la diversité. Le mythe de la tour de Babel nous montre le risque permanent d’une uniformité brutale qui écrase les individus dans un projet où l’orgueil et le désir de puissance échoue à rejoindre le ciel et sombre dans la folie. Des tours gigantesques se construisent partout. Le bruit assourdissant des armes, le jargon informatique, le langage des chiffres et de l’argent n’ont pas besoin de traduction.
Vivre la Pentecôte, c’est vivre d’un Esprit qui n’est pas celui de la domination mais celui de l’amitié, du respect et de la communion. L’Esprit de liberté relativise les règlements pour mettre l’homme, le prochain, au cœur des préoccupations : les pauvres, les faibles, les enfants, les vieillards, les cultures dominées. Cela nous pousse clairement à renoncer à l’idéologie qui nie la différence entre les sexes, ou qui s’attaque à la vie naissante ou à la vie finissante.
Vivre la Pentecôte, dans un monde désenchanté, c’est l’émerveillement sans cesse renouvelé de la présence de Dieu en nous, frères ennemis réconciliés, différents et semblables. C’est la vie de Dieu versée à profusion dans notre cœur, l’amour plus fort que la mort, la vie libérée de la peur. C’est vivre l’Alliance scellée en Jésus Christ, l’amour définitif, offert sans retour.
 
La Pentecôte, le feu qui prend parce que la communauté initiale n’est pas un refuge mais un tremplin ; c’est être descellés de l’origine, propulsés à l’extérieur, envoyés. La Pentecôte nous fait prophètes Parce que nous avons tout donné, nous n’avons plus rien à perdre, mais tout à offrir, à proposer, parce que la faiblesse de Dieu est plus forte que le monde et que seule la pauvreté peut désarmer les puissants. C’est faire le pas d’aller de l’avant, à la rencontre du différent, pour le découvrir et le valoriser. C’est vivre debout, pour la gloire de Dieu !
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz