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samedi 8 mai 2010

Homélie du Mercredi des Cendres - 17 février 2010

A entendre les invectives de Jésus, comment ne pas nous laisser toucher par ses reproches à l’égard de ceux qui aiment se tenir en bonne place, ceux qui aiment se donner en spectacle ?
Car que faisons-nous ce soir pour entrer en Carême ? Nous nous rassemblons en communauté de paroisses, donnant plus de poids encore à notre démarche. Nous tenons à ce que l’on sache qu’aujourd’hui commence pour nous la montée vers Pâques. Dans un instant nous serons marqués des Cendres et en sortant de cette église, tout à l’heure, nous les porterons encore sur notre front. N’y a-t-il pas plus visible comme signe de notre volonté d’avoir effectivement célébré ce jour dans la prière ? N’avons-nous pas marqué cette journée par le jeûne et l’abstinence, signes eux aussi visibles parce qu’inscrits dans notre comportement ?
Alors, oui, cette démarche n’est pas qu’intérieure et nous nous sentons pris comme en porte-à-faux entre nos pratiques et les affirmations tranchées de l’évangile. Avons-nous pour autant trahi les recommandations du Christ ? Avons-nous été infidèles ?
Le geste des Cendres et ce que je désignerai volontiers comme le risque du pharisianisme – entendez : cette volonté de se mettre en avant – nous appellent à un chemin de conversion vers l’unité intérieure.

I.- Le geste des Cendres.

C'est pour tenir les quarante jours de jeûne et de privation, en dehors des dimanches qui sont toujours jour de fête et de résurrection - même en temps de Carême - que le début de celui-ci fut avancé au mercredi. Pour souligner l'entrée en Carême, ce mercredi, s'est développé le geste symbolique d'imposition des cendres. À l'origine, seuls ceux qui avaient gravement péché recevaient « le sac et la cendre » pour se vêtir durant le temps de pénitence qui préparait à leur réintégration dans la communauté chrétienne. Puis, à partir du Xème siècle, ce geste s'est étendu à tous les fidèles, marquant ainsi le début d'une démarche de conversion, de retournement et d'effort sur soi pour se tourner vers le Seigneur (c'est le sens du mot pénitence). Si la cendre évoque la faiblesse de l'homme[1] et sa fragilité[2], elle évoque aussi son regret du péché[3]. Ainsi, dans l’Ancienne Alliance déjà :
Thamar, après l’outrage que lui fit son frère Ammon, se couvrit la tête de cendre ;
David dit qu’il « mangera de la cendre comme du pain » ;
Jérémie prête le même langage à Jérusalem.
Le Livre de Job dit de Dieu que :« S’il ne pensait qu’à lui-même,S’il retirait son esprit et son souffle,Toute chair expirerait à l’instant,Et l’homme retournerait en cendre. »
Pour les chrétiens, l'imposition des cendres est avant tout encore un rite pénitentiel qui veut nous faire reconnaître que seuls nous ne sommes que bien petits, mais qu’il nous faut nous reconnaître de Dieu comme l’auteur de tout bien et la source de tout bien. Ce sera le sens même des paroles que nous recevront en même temps que les cendres : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ».

II.- Le risque du pharisianisme.

On l’aura bien compris : le geste éminemment biblique et pénitentiel des Cendres est avant tout un appel à la conversion. Les déviances stigmatisées par Jésus, celles d’être remarqué dans et pour se prière, dans et pour son jeûne, ne sont pas nouvelles ! Elles touchent le cœur de l’homme pécheur depuis sa sortie du Jardin d’Eden.
Les prophètes, déjà, ont compris ce danger d’un culte uniquement extérieur, basé sur des pratiques mais dénué de toute implication intérieure. Joël rapporte comme « paroles du Seigneur » : « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment… ».
Mais Joël sait aussi que l’homme ne saurait se passer de signes visibles pour l’aider dans sa conversion, mais qu’il a pareillement besoin de vivre ce chemin entouré de ses frères et sœurs en humanité. Alors, il n’hésite pas à demander à ce que le peuple se rassemble, comme nous l’avons fait ce soir, en « assemblée sainte ».

III.- La nécessité de l’unité intérieure.

Remarquez enfin que, dans l’évangile de ce jour, Matthieu ne nous rapporte pas les paroles de Jésus comme une condamnation de sa part des pratiques extérieures de la foi mais comme des recommandations pour qu’elles portent tout leur fruit.
Ainsi, je me risque à reprendre sous la forme de brèves pistes ce que nous pouvons retenir des paroles du Christ.
- Quand nous agissons, que ce soit d’abord pour plaire à Dieu avant de plaire aux hommes.
- Que nos gestes, nos paroles et nos actes soient guidés et mus par la gratuité. Nous ne faisons rien de bien ni rien de bon si nous attendons quelque chose, fût-elle minime, en retour.
- Quand nous prions, veillons à ce que notre cœur soit touché par les paroles que nous entendons ou prononçons.
Il en va de l’unité intérieure de notre vie : pour que nos paroles s’accordent à nos actes, et nos actes à nos paroles. Rude et difficile chemin d’accorder l’un à l’autre, mais chemin de vérité. Laissons porter par les signes que l’Eglise nous donne et nous invite à observer : les cendres aujourd’hui, la pratique du jeûne, de l’aumône, et bien évidemment une vie de prière intense dans la méditation de la Parole de Dieu et la fréquentation des sacrements.

Ce n’est qu’à ce prix-là, en étant quelque peu exigeant avec nous-mêmes, que nous ferons une place à Dieu pour « qu’il crée en nous un cœur pur » - c’étaient les paroles du psaume, qu’il renouvelle et raffermisse au fond de nous notre esprit. Ce même Seigneur, alors, saura ouvrir nos lèvres pour que notre bouche annonce sans retenue sa louange et que jaillisse dans la nuit de Pâques notre « alléluia » !

AMEN.

Michel Steinmetz †

[1] cf. Genèse 3, 19 « Souviens-toi que tu es poussière… »
[2] cf. Sagesse 15, 10 ; Ézéchiel 28, 18 ; Malachie 3, 21.
[3] cf. Judith 4, 11-15 ; Ézéchiel 27, 30.

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