A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 8 mai 2010

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (C) - 18 avril 2010

Dans un permanent souci d’interactivité, la télévision sollicite de plus en plus la voix des téléspectateurs. C’est ainsi que, régulièrement maintenant, nous sommes invités à nous prononcer pour le candidat de tel ou tel jeu, de telle ou telle épreuve que nous souhaitons être parmi les finalistes…
Alors, s’il fallait conduire à la victoire un candidat dans cette page d’Evangile, ce serait assurément Simon-Pierre ! Les autres disciples sont certes présents – il est question de Thomas et des fils de Zébédée, ainsi que de deux autres disciples, dont on comprendra par la suite que l’un d’eux est Jean. A comparer l’engagement de chacun dans ce récit, il n’y a pas de doute : le nom de Pierre apparaît à lui seul 11 fois.
Pierre occupe vraiment le devant de la scène. Pourtant, il n’a de loin pas tous les atouts de son côté. Homme d’action, il est pourtant faible. Malgré cela, il sera choisi et appelé par le Ressuscité.

I.- Un homme d’action.

Pierre est génétiquement incapable de rester les bras ballants. Il sait prendre des initiatives qui entraînent les autres. « Je m’en vais à la pêche », et aux autres de lui répondre : « Nous allons avec toi ». Opèrent-ils leur reconversion professionnelle de l’après-Pâques, ne sachant plus trop que faire de leur existence après les évènements de Jérusalem ? ou jouent-ils les intérimaires de la pêche en attendant d’y voir plus clair ? Toujours est-il que tous, ils tirent au rivage la barque et son filet plein à craquer, mais, à nouveau, c’est Pierre qui le ramène au Seigneur. Déjà, il semble se distinguer comme le chef des disciples comme s’ils avaient vu en lui le charisme du leader. Cette préséance, Jésus lui-même l’honore en s’adressant à Pierre à la fin de l’Evangile.

II.- Un homme caractérisé par sa faiblesse.

Pour ce qui est du discernement, Pierre n’est pas le plus rapide. Jean, le disciple bien-aimé, le précède au tombeau vide au matin de Pâques, tout comme pour reconnaître ici l’interlocuteur du bord du lac. « C’est le Seigneur ! », s’exclame immédiatement Jean.
La triple interrogation de Pierre nous rappelle son triple reniement et le chant du coq aux abords du palais du grand-prêtre. Nous sommes au petit matin, comme ce jour funeste. Jésus n’est plus le condamné malmené et souffrant, Il est à présent le Seigneur ressuscité et glorieux. Après le déjeuner s’engage alors un dialogue de sourd, dialogue touchant de par la sollicitude du Seigneur. Jésus pose par trois fois cette question à Pierre : « M’aimes-tu ? » et, à chaque fois, Pierre y répond par l’affirmative. A se pencher sur le texte grec, on s’aperçoit que les deux, néanmoins, n’emploient pas les mêmes termes. Jésus parle d’ ̉αγαπή, l’amour chrétien de charité, l’amour dont Dieu nous aime, amour fou, sans limite et sans réserve, tandis que Pierre lui répond : φιλέω, « je t’aime » d’un amour courant, humain, faible et limité. Jésus pose la question une deuxième fois, pensant sans doute que Pierre comprendrait enfin. Rien n’y fait. Alors pour la troisième fois, Jésus repose la même question mais change de terme : il emploie le verbe que Pierre ne cesse d’utiliser. Jésus se met au niveau du chef des Apôtres, il le prend là où il en est. Car sans doute, n’est-il pas encore arrivé à ce stade de l’amour parfait, sans doute, n’a-t-il pas encore atteint ce degré de foi… Peu importe. Jésus n’appelle pas à sa suite un parfait : il choisit cet homme, celui-là même qui l’a renié, et qui, quelques jours plus tard, n’est pas encore en mesure de dire et de vivre cet amour du Christ mourant librement sur la Croix. On comprend mieux alors les paroles de Jésus sur la vieillesse de l’apôtre. Il arrivera un jour où on l’emmènera là où il ne souhaite pas aller…

III.- Un homme, pourtant, choisi et appelé

Le premier des disciples n’a donc pas été choisi sur ses seules qualités. L’évangile ne cherche pas à masquer ses erreurs. Les compétences, les prédispositions, les charismes personnels, pour importants qu’ils soient, ne font donc pas oublier les insuffisances. Des failles sont perceptibles. Autrement dit l’expérience passée de ses limites et celle du péché ne sont pas forcément un obstacle à l’appel du Christ. L’entretien d’embauche que Jésus fait subir à Pierre ne porte pas sur un bilan de ses qualités et de ses défauts, mais sur la plus essentielle des conditions : « m’aimes-tu ? »… Et de fait, on aurait beau avoir tous les atouts, la technique et l’astuce, le sens du discernement et l’efficacité, s’il manque cette amitié profonde, vraie et fidèle pour le Christ ressuscité, comment le disciple pourrait-il donner sa vie ?
C’est sur cette faiblesse de Pierre, faiblesse transcendée dans la force de l’amour du Christ, que s’édifie l’Eglise. Sainte Eglise de pauvres pécheurs… Les Apôtres ont peiné toute la nuit sans rien prendre. On n’imagine sans trop de peine leur découragement. Et pour cause… Nous aussi, nous souffrons de voir les filets vides remonter à la surface, nous peinons à annoncer l’Evangile, nous nous désolons de voir nos enfants ou petits-enfants marcher sur des sentiers plus tortueux que les nôtres, nous ne comprenons pas… Voilà que dans notre nuit, le Ressuscité nous interpelle. Voilà que se remplissent à sa voix nos filets ! Quand Pierre ouvre le filet, on y dénombre 153 poissons, autant que d’espèces cataloguées par les naturalistes de l’époque ! Toute l’humanité est amenée au Christ. Cette nouvelle est valable, aujourd’hui encore, pour ceux qui écoutent la voix du Ressuscité !

Pierre, homme zélé, homme d’action, mais homme faible, en chemin, est appelé et choisi par Jésus. Pierre se découvre pécheur à la vue du Seigneur : il se couvre, passe sur lui un vêtement avant de se jeter à l’eau, comme Adam rencontrant Dieu au jardin d’Eden. Il se jette à l’eau. N’est-ce pas là l’eau du baptême qui nous purifie, un baptême dans lequel toutes fautes, tous reniements, sont lavés dans l’amour reçu de Dieu. Un baptême qui envoie le disciple en seul témoin de l’amour qui l’a sauvé.

AMEN.

Michel Steinmetz †

Aucun commentaire: