A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 8 mai 2010

Homélie du 1er dimanche de Carême (C) - 21 février 2010

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert ». Luc 4, 1.

Saint Paul ne se trompe pas lorsqu’il déclare : « la Parole de est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur », puisque même le démon, instruit de ces vérités, décide de tenter Jésus en dévoyant la Parole de Dieu. Toutes les phrases qu’il prononce à l’égard de Jésus sont des citations bibliques. Le Seigneur ne se laissera pas abusé et il répondra au démon en utilisant le même procédé que lui : il citera l’Ecriture, lui redonnant son juste sens.
Pendant quarante jours, le Christ mène un combat. En effet, être tenté, ce n’est pas seulement être attiré, séduit, provoqué par une réalité qui serait interdite ou mauvaise. Être tenté, c’est entrer dans un combat contre le Tentateur, contre le démon. Luc précise que Jésus « passe à travers le désert » : il passe au travers de ces épreuves de foi, comme il passera au travers des griffes de la mort.
Jésus passe… il passe au travers des tentations qui ont été celles de son peuple, le Peuple élu, lors de son errance dans le désert. Il montre ainsi, en passant de la sorte, que la faute et la chute ne constituent plus les derniers mots de l’existence humaine.

I.- Jésus passe au travers des mêmes tentations qui furent celles d’Israël.

Situé, dans l’évangile de Luc, entre le récit du baptême de Jésus et celui des débuts de sa mission à Nazareth (Lc 4, 16 sq.), le récit de l’épreuve de Jésus au désert peut être mis en relation avec les nombreuses traditions qui, dans l’Exode, le Livre des Nombres et le Deutéronome, relatent les épreuves d’Israël au désert.
Jésus est tenté durant quarante jours, comme le peuple d’Israël fut jadis tenté pendant quarante années, et les tentations qu’il affronte sont les tentations mêmes auxquelles Israël fut confronté. Rappelons-nous.
La tentation d’une possession sans limite de nourriture évoque la convoitise du peuple. Le Livre des Nombres nous le rapporte (Nb 11).
La tentation de l’idolâtrie, qui fut celle d’Israël lors de l’épisode du veau d’or, est relatée dans le Livre de l’Exode (Ex 32). La tentation, enfin, de la mise à l’épreuve de Dieu lui-même qui fut, selon le chapitre dix-septième, celle de Massa et de Meriba.
La tentation ne porte pas sur la séduction du mal, mais sur ce que Dieu me donne. Être tenté ne consiste pas à être fasciné par le mal pour lui-même, mais à être tellement fasciné par le don de Dieu que j’en viens à oublier le Donateur. S’incliner devant le démon, c’est mettre la main sur le don de Dieu en écartant Dieu qui donne. Du coup, nous comprenons que la tentation sera toujours à la mesure des dons que nous avons reçus de Dieu. Plus les dons que j’ai reçus seront importants et plus la tentation sera redoutable.
Le démon éprouve le Christ en lui faisant miroiter sa condition de Fils de Dieu et en lui demandant d’oublier Celui de qui il tient cette condition : « Allez, tu te rends compte, tu es le Fils de Dieu, donc tu peux faire de cette pierre du pain…». Il en était de même pour le Peuple élu tenté d’oublier Dieu comme le principe central de son existence et de son salut.

II.- La faute et la chute ne constituent plus les derniers mots de l’existence humaine.

Là où telle une fatalité à laquelle il serait humainement impossible d’échapper, là où l’on pensait devoir toujours retomber, Jésus manifeste prodigieusement dans la simplicité et le dénuement du désert qu’il est possible d’espérer. Sans doute avons-nous chacun fait cette expérience démobilisante de retomber quasi-inévitablement dans les mêmes travers, dans le même péché, alors nous nous disons que telle doit être notre nature et qu’il est impossible de la changer, de la dresser. Alors nous éprouvons un sentiment de lassitude en même temps que celui d’un enchaînement. Le bien que nous voudrions faire, nous le faisons pas, et le mal que nous ne voudrions pas faire, nous le faisons.
De la même manière donc dont Israël surmonte le temps du désert, et parvient finalement, malgré bien des infidélités, au salut en prenant possession du pays qui lui est promis, Jésus, lui aussi, « traverse » le désert pour en sortir victorieux. Il le « traverse » bien mieux que n’a pu faire le peuple élu ; sur Lui, le péché n’a pas de prise. C’est un perpétuel exercice de mémoire auquel Israël est obligé : « souviens-toi, Israël… », souviens-toi des merveilles que le Seigneur a faites pour toi depuis les origines, depuis le jour où tu as été appelé… Jésus, lui, s’il vit dans un lien de tous les instants avec le Père, ne fait pas que de se souvenir : Il est, lui, la concrétisation des toutes ces espérances. Nous-mêmes, en ce Carême, nous sommes appelés à faire pareil exercice de mémoire, en re-parcourant l’Histoire sainte, celle du peuple des sauvés, la nôtre propre : comment Dieu y intervient-il ? De quels dons ne cesse-t-il de nous combler ? Cette fidélité-là à Dieu, qui se porte sur l’auteur des dons avant que de s’attacher à ce qui est donné, est pascale : parce qu’elle est passage au cœur de la tentation, du péché, du mal. Elle établit en Dieu, la source de tout bien. Jésus passe bien aujourd’hui au travers du péché et vainc le Tentateur, ici il est déjà victorieux. Sa victoire sur les tentations du désert est ainsi annonciatrice de la victoire sur la mort, dans la confrontation ultime de la croix, qui ouvre définitivement à l’humanité le chemin du salut (Rm 10, 9).

Le propre du démon est de semer le doute et d’éprouver. Il parle à Jésus au conditionnel : « Si tu es le Fils de Dieu », « si tu te prosternes devant moi ». « Si vous mangez du fruit de l’arbre, vous ne mourrez pas ! », dit-il déjà à Adam et Eve au jardin du Paradis. Ces mêmes conditions nous viennent à l’esprit, parfois aux lèvres : Si Dieu était bon, le monde ne serait pas ainsi… Si Dieu faisait un miracle, je croirais… Si Dieu est miséricorde, il peut tout pardonner… si, si, si et si ! Mais alors, tout compte fait, à quoi bon ? Georges Bernanos (in Les grands cimetières sur la lune) a écrit : « Le démon de mon cœur s’appelle à quoi bon ». Que de conditions imposées à Dieu pour que nous croyions en Lui, que de doutes distillés dans notre esprit ! Que d’occasions de tout remettre en cause !
Que ce temps du Carême soit propice à raffermir notre foi ! A l’exemple de Jésus, ne cessons de croire que Dieu peut tout et qu’Il est notre seul appui ; qu’avec Lui nous allions au désert pour passer des tentations à la joie et à la grâce de croire !

AMEN.

Michel Steinmetz †

Aucun commentaire: