A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

lundi 3 janvier 2011

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent (A) - 19 décembre 2010

Matthieu ne devait pas être en très grande forme lorsqu’il a commencé à écrire son évangile. En quelques lignes, que de contradictions ! Nous découvrons que Marie avait été accordée en mariage à Joseph. En termes modernes, nous dirions qu’elle est sa fiancée. Au verset suivant, il décide de la répudier, mais pour faire cela, ils devaient être mariés et enfin, un peu plus loin, l’ange lui dit : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse ». Alors fiancée ou épouse ? Pour les esprits contemporains, il y a ici un petit problème dont les conséquences sont importantes pour la compréhension du texte.

I.- Les commentaires allaient bon train

Tournons-nous vers la culture juive de l’époque. Pour eux, les fiançailles étaient le temps qui commençait au moment où les parents avaient décidé que leurs enfants se marieraient. Vient ensuite le temps du mariage, c’est-à-dire l’année avant le mariage où les jeunes fiancés ratifiaient l’engagement de leurs parents respectifs. Nous sommes sans doute au cours de cette année-là dans le récit de Matthieu. Durant les douze mois précédant la célébration, si le fiancé mourait, la fiancée était appelée « une vierge qui est veuve ». Une séparation équivalait à un divorce. Et le mariage clôturait cette année. Comme nous le voyons, dans la culture juive, il n’y a pas de contradiction dans le texte. Pourtant l’histoire racontée par Matthieu a vraisemblablement dû faire scandale dans le petit village de Nazareth : une fiancée enceinte avant le mariage ! Les commentaires ont dû aller bon train dans les chaumières.


II.- Oser faire un retour sur nous-même

Et je crois qu’il y a deux manières de recevoir et de vivre un tel événement aujourd’hui encore. La première est de nous enfermer dans le côté sensationnel et soi-disant scandaleux de l’événement. Nous entrons de la sorte dans le processus de médisance, du ragot qui va alimenter nos conversations. Nous discutons en étant persuadés que nous avons en main tous les éléments pour évaluer la situation, la juger et surtout la condamner. Ce texte nous invite à oser faire un retour sur nous-mêmes : combien de fois dans nos vies n’entrons nous pas dans une telle dynamique, comme si le cancan mondain était quelque chose de vital.
Comment se fait-il que médire fait tellement partie de la vie ? Le ragot permet parfois de se sentir mieux que les autres ; il est un moyen de dépasser une certaine jalousie, une occasion de ne pas devoir se remettre en question, un outil pour se rassurer par rapport à ses propres failles, ou encore une façon pour se rencontrer sans se dire et sans être vulnérable. Pourtant, le ragot est quelque chose de lâche et signe de médiocrité humaine. En effet, nous pensons que nous savons. Alors qu’en fait, nous ne savons rien, nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants de la situation.

III.- Une autre manière de recevoir l’événement

Dès lors, lorsque nous nous sentons envahir par une telle dynamique, faisons en nous l’exercice d’humilité de reconnaître qu’il nous manque trop d’éléments pour vraiment comprendre. Que l’histoire de Joseph nous rappelle que nous ne comprenons pas tout, qu’il y a souvent de l’exceptionnel qui nous dépasse et qui ne nous regarde pas. Notre bonheur fondé sur le « dire du mal des autres » restera toujours éphémère et se retournera un jour contre soi.
Pour nous, Joseph a pris le risque de la condamnation parce que nous susurre-t-il, il y a une autre manière de recevoir l’événement. Une manière qui fait grandir et fait avancer. Sans comprendre, sans avoir la prétention de tout saisir, Joseph dont on sait si peu de choses, nous invite, chacune et chacun dans son for intérieur à faire l’expérience de la confiance. La confiance d’abord en l’autre. Trop d’éléments échappent à notre compréhension pour saisir la grandeur du mystère qu’il vit. Ce que Joseph a vécu est incompréhensible, est de l’ordre de l’indicible mais il a fait confiance, il a bravé la médiocrité humaine pour laisser advenir un mystère, le plus beau mystère de la création : laissez à Dieu le moment d’être avec nous. Par la confiance de Joseph en l’Esprit, Dieu-avec-nous, l’Emmanuel peut se donner et se célébrer.

Que Noël que nous fêterons dans quelques jours soit pour nous aussi une occasion de fermer en nous l’espace aux ragots pour vivre à jamais de cette confiance. Les regards que nous nous porterons les uns aux autres se transformeront et deviendront signes de Dieu-avec-nous. Alors notre communauté vivra. C’est pourquoi l’histoire de Joseph, au-delà de son mystère, est école de vie.

AMEN.

Michel Steinmetz †

Aucun commentaire: