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lundi 1 février 2010

Parole de Dieu et Liturgie des Heures - Notice à paraître in "Caecilia" N°2/2010

Parole de Dieu et liturgie des Heures

Alors que le diocèse de Strasbourg est engagé pour trois ans dans une dynamique visant à faire redécouvrir la place fondamentale de la Parole de Dieu dans l’existence croyante et dans la vie de l’Église, une réflexion autour de la célébration des Heures souhaite ici éclairer combien la liturgie des Heures est intimement liée à l’Écriture au point d’en être véritablement une célébration !

La liturgie des Heures est souvent méconnue dans nos paroisses. Le seul souvenir qui subsiste de la célébration des vêpres du dimanche après-midi en fait un rite démodé, sentant la naphtaline, appartenant à des temps reculés et définitivement dépassés. C’est méconnaître le Concile et c’est méconnaître la richesse de ce pilier de la liturgie ecclésiale.



La liturgie des Heures est entièrement une célébration de la Parole de Dieu, directement ou indirectement, et sans doute plus encore que l’eucharistie qui déjà, pourtant, « coule de Bible ». En effet, on peut relever plusieurs niveaux de rapport à l’Ecriture sainte dans la célébration des Heures :
- le chant des psaumes, des hymnes tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, les lectures bibliques et beaucoup d’antiennes et de répons sont issus sans altération aucune du texte biblique lui-même. Ces passages bibliques seront accompagnés d’un geste vocal qui leur sera propre suivant les moments rituels où ils interviennent : chant, cantillation, proclamation parlée…
- D’autres antiennes ou répons, les intercessions, les oraisons puisent à la source des textes bibliques et en sont une paraphrase ;
- Les hymnes sont, quant à elles, une mise en résonnance poétique du texte biblique et en incarnant la saveur au cœur d’un temps liturgique ou d’une fête du sanctoral.

b. Une école de vie et de prière


La sanctification du temps proposée par la liturgie des Heures introduit à une dimension fondamentale de la vie spirituelle du croyant. Célébrer le temps nous le fait reconnaître comme le lieu même où s’opère notre salut et nous invite à faire de chaque instant de notre existence une louange incessante en union à l’action de grâce du Christ. Cela correspond à un compagnonnage de tous les instants avec la Parole de Dieu afin qu’elle ne cesse de se sédimenter dans le cœur du croyant et qu’elle ne nous devienne à ce point familière jusqu’à nous être présente à chaque instant comme le guide de notre vie.

c. Une célébration de toute la vie


Les Psaumes forment la colonne vertébrale de la liturgie des Heures. Ils font partie de la prière de l’Eglise depuis les origines. Et il n’est pas étonnant que l’Eglise se les soit appropriés, puisque le Christ lui-même priait, comme ses contemporains, avec les textes des psaumes.
Les Psaumes prennent en charge la totalité des affects humains : chacun peut se reconnaître en eux. Si Dieu inspire ces mots, c’est qu’Il vient rejoindre l’Homme au cœur-même de sa condition. La foi s’incarne dans le sens que nous donnons à tous ces sentiments. Dans la prière des Psaumes, le priant entre dans le mystère d’Alliance. Le contact avec cette « transcendance », ce Tout-Autre s’exprime aussi par un « langage en rupture avec le langage ordinaire »[1]. Si les Psaumes sont célébrés dans l’Office comme signe de la présence et de l’Alliance de Dieu, ils se trouvent récapitulés en Christ.

d. Un défi pastoral


De plus en plus de paroisses proposent une célébration communautaire de l’une ou l’autre Heure en commun avec l’équipe sacerdotale ou pastorale ; là où quelques religieuses sont présentes, des fidèles se joignent assez fréquemment à leur prière. Il s’agit, néanmoins, d’une célébration souvent très restreinte que l’on pourrait qualifier de « célébration privée en public ». Il reste à investir les mêmes forces dans la célébration communautaire des Heures que celles investies jusqu’à présent dans la célébration de l’eucharistie. L’évolution du tissu pastoral amènera vraisemblablement, dans les prochaines années, à trouver de nouvelles formes de prière ne nécessitant pas forcément la présence d’un ministre ordonné et n’entretenant pas de confusion avec l’eucharistie, comme l’ont pu le faire les ADAP. La liturgie des Heures se révèle alors comme un lieu particulièrement intéressant et spirituellement fécond : en œuvrant à son développement, nous redonnerions d’une part la place d’honneur à l’eucharistie qui ne serait plus perçue comme l’unique modalité de la prière de la prière chrétienne mais comme son accomplissement ; et d’autre part nous serions fidèles aux vœux du Concile Vatican II[2] qui avait souhaité remettre en honneur la célébration des Heures comme prière commune à tous les baptisés. Dans ce chantier, aux allures de défi pastoral, il convient d’habiter intelligemment les gestes rituels de la liturgie des Heures et d’inventer les gestes musicaux qui leur correspondent, suivant les assemblées, les lieux et les circonstances.

e. Des fonctions variées


Le chapitre V de la PGLH[3] prévoit les différentes fonctions à remplir et les fonctions du chant dans la célébration publique ou commune. Le n. 253 rappelle, en préambule, le principe commun à tout acte liturgique : « chacun, ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques »[4]. Les différentes charges qui s’exprimeront ainsi donneront une belle image de l’Eglise : des charismes variés, des fonctions variées mais unies dans l’acte même de la célébration. Puis, la PGLH prévoit différents cas : office présidé par l’évêque[5] (n. 254) ou un autre ministre ordonné, prêtre ou diacre (n. 255), office présidé par un ministre non ordonné « qui ne se distinguera pas de ses égaux » (n. 258). À part la fonction de présidence, d’autres personnes interviennent : un lecteur fera la lecture brève ou longue « à l’endroit approprié » (n. 259), un ministre peut prononcer les intercessions[6], un ou plusieurs chantres se chargent d’entonner les antiennes, les psaumes ou d’autres chants (n. 260).
Beaucoup peuvent donc prendre part à l’animation d’un tel office ; leurs fonctions devront être soigneusement définies au préalable et judicieusement coordonnées. On se souviendra que la Liturgie des Heures est avant tout l’expression d’une louange de tout le peuple rassemblé : ce sera l’enjeu de ces mises-en-œuvre.

f. Un dispositif musical


En ce qui concerne la fonction même du chant, la PGLH ne peut être plus explicite : « la célébration chantée de l’office divin est la forme qui s’accorde le mieux à la nature de cette prière » (n. 268). Le n. 270 précise la valeur de la musique : « le chant ne peut être considéré comme un ornement surajouté comme du dehors de la prière ; bien plutôt il jaillit des profondeurs de l’âme qui loue Dieu, et il manifeste pleinement et parfaitement la nature communautaire du culte chrétien ». Pour ce qui est de la musique instrumentale, son apport « apparaît tout spécialement précieux dans le chant communautaire, car un ample soutien instrumental étoffe le chant d’assemblée et donne de l’audace à ses membres les plus timides » [7]. Les instruments ont, en outre, un rôle éminent lorsqu’il s’agit d’introduire un chant, de le prolonger ou de conduire progressivement au silence. Le jeu musical devient rite à son tour et constitue un temps liturgique accordé à une fonction précise.
La PGLH propose d’introduire le concept de solennité progressive[8] : parce que tous les éléments de la célébration ne sont pas à mettre sur le même plan, parce qu’à chaque moment convient un geste adéquat. Cette notion de « geste » est déterminante : c’est elle qui permet de maintenir du relief. Dans les grandes traditions liturgiques, tout était chanté, et cela ne saurait poser, aujourd’hui, de problèmes tant que la variété des formes sera préservée. Le principe ainsi posé est intéressant à plus d’un titre : il permet de ne pas être l’otage d’un nombre de participants ou de chantres à réunir obligatoirement ; il permet, par sa flexibilité, d’ouvrir des voies nouvelles dans la célébration commune de l’office[9].

Entrer dans la connaissance et la célébration de la Liturgie des Heures, y prendre part et l’habiter, sera à n’en pas douter une manière, parmi d’autres sans doute, d’honorer et de chanter cette Parole de Dieu qui « aujourd’hui s’accomplit » (Lc 4, 19).


[1] Louis-Marie Chauvet, Les sacrements. Parole de Dieu au risque du corps, collection « Vivre, croire, célébrer », série « Recherches », Paris : Éditions de l’Atelier, 1997, p. 119.
[2] Sacrosanctum Concilium, 84 et 90.
[3] Présentation générale de la Liturgie des Heures.
[4] Voir aussi Sacrosanctum Concilium, 28.
[5] On se reportera au Cérémonial des évêques, n. 197 à 211 pour la célébration des vêpres dans leur forme solennelle ou simple.
[6] On notera qu’à ce n. 258 rien n’est dit sur l’endroit duquel sont prononcées les intercessions : ce peut être au siège dans le cas du prêtre, à l’ambon ou à un autre lieu. On peut donc légitimement trouver un lieu réservé à cet usage : un simple pupitre disposé entre la nef et l’autel pour signifier la prière de tout le peuple qui monte vers Dieu et où le lecteur se tiendrait tourné vers l’autel ou la croix?
[7] Claude Duchesneau et Michel Veuthey, Musique et liturgie, le document « Universa Laus », collection « Rites et symboles », Paris : Cerf, 1988, p. 88.
[8] Cf. PGLH 273.
[9] La PGLH va même jusqu’à parler de « grand espoir de découvrir de nouvelles voies et de nouvelles formes pour notre époque » (n. 273) !

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