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dimanche 7 février 2010

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 7 février 2010

C’est sur sa propre barque, et en plein travail, que Simon, le petit patron pêcheur, s’est fait interpeller par un charpentier, qui n’y connaissait rien dans le repérage des bancs de poissons, ni dans le lancer des filets. Tellement peu qu’il s’est fendu d’un conseil saugrenu et dangereux. Mais Simon-Pierre lui fait confiance jusqu’à prendre le risque d’avancer au large. En réalité, l’objectif de Jésus était tout autre. Il s’agissait de confier à une poignée de pêcheurs une toute autre mission. Celle que recevront plus tard tous les baptisés. Non pas une mission de pouvoir, mais une mission de service.

À première vue, l’idée de prendre des hommes comme on prend des poissons peut choquer. N’oublions pas que la Bible procède par images dépendantes d’une culture qui nous est pour une bonne part étrangère, et que les images ont toujours besoin d’être interprétées. Pour le judaïsme, terrien avant tout, la mer est le lieu des forces obscures et maléfiques. Sortir des hommes de ce milieu-là, celui du mal et de tous les dangers, c’est donc les sauver ! La mission qu’assigne Jésus à ses apôtres est de cet ordre-là. Il ne s’agit ni d’appâter ni de capturer. C’est d’abord notre comportement, à la fois personnel et collectif, qui doit poser à ceux qui en sont témoins des questions sur notre foi. Remarquons que la première démarche de Pierre et de ses compagnons consiste à laisser tout le reste, tout ce qui faisait leur vie jusque-là, pour suivre Jésus. Attachement personnel, relation d’amour naissant : le reste viendra plus tard et ne sera qu’une expression de cet amour. À vrai dire, le « laissant tout pour le suivre » peut se vivre de bien des manières. Pour la plupart, il s’agit de vivre autrement ce que la vie leur a donné à vivre. Notons que la première réaction de Pierre devant la « pêche miraculeuse » est la frayeur. Pour tout laisser et suivre le Christ il lui faudra passer de la peur à son contraire, la foi. Ce passage n’est possible que dans une rencontre préalable et fondamentale. Expérience décisive, encore, qui fait accéder à la vraie liberté.

De la peur à la foi

Passer de la peur à la foi, de la tristesse des pêches nulles à la joie de l’espérance, cela nous concerne tous et ce n’est jamais fait une fois pour toutes. C’est à refaire tous les jours. Mais s’ouvrir au don de Dieu n’est pas si facile. Fonder sa vie sur un message qui nous a été délivré il y a deux mille ans, nous attacher à un Christ que nous n’avons jamais vu demande de franchir bien des apparences. Le seul miracle permanent qui puisse nous convier à la foi, c’est sans doute la foi de tous ceux qui adhèrent encore au Christ depuis si longtemps hors de vue. Foi inexplicable. Le Livre que nous ont légué les premiers témoins ne suffit pas. Mais il y a, visible de tous, son corps qui est l’Église, nous tous rassemblés. Comme l’écrit Pierre dans sa première lettre (1P 1,8) nous aimons le Christ sans l’avoir vu, nous croyons en lui sans le voir encore. Ainsi parle celui qui fut le premier pêcheur d’hommes.

L’éblouissement de la rencontre

Ainsi, Pierre et ses compagnons sont requis pour donner au Christ son nouveau corps, celui de la seconde naissance. Il faut prendre en considération le fait que l’appel ne vient que dans un second temps : il est précédé par une expérience. Pour Isaïe, son envoi est précédé par une théophanie, une révélation, éblouissante. Pour Pierre, c’est la pêche miraculeuse, impensable en plein jour et insensée par la quantité de poissons pris. Pour Pierre comme pour Isaïe, ces manifestations divines leur font prendre conscience de leur indignité. Dans les deux cas, c’est Dieu lui-même qui les rend aptes à leur mission. Tout cela nous révèle le sens d’une expérience que nous avons tous à vivre. Nous pouvons accepter longtemps les certitudes que nous propose la foi d’une manière abstraite, sans impact réel sur nos existences. Mais un jour, nous pouvons brusquement réaliser que tout cela est vrai et qu’Il est là, dans notre vie. C’est l’éblouissement de la rencontre. Tout à coup il nous devient évident que nous ne sommes pas seuls et qu’un Autre est là, pour vivre avec nous et en nous notre aventure humaine. Sans une expérience de ce genre, notre foi risque d’être vécue dans la morosité d’une obéissance passive aux « dogmes ». C’est en nous liant d’amour avec le Christ que nous accédons à la liberté.

« La vérité vous rendra libre »

Il est notable qu’Isaïe et Pierre passent de la peur à la foi, passage que nous avons tous à refaire sans cesse. Chaque fois, remarquons-le, le passé, discutable, est comme aboli et une route nouvelle s’ouvre vers l’avenir ; un avenir de messager pour Isaïe, un avenir de pêcheur d’hommes pour Pierre et ses compagnons : « Laissant tout, ils le suivirent ». Notons bien que le Christ n’est pas un maître parmi d’autres et qu’au fond, le suivre n’est pas facultatif : il est en effet le Verbe qui donne existence et sens à tout l’univers de la création. Le suivre est suivre la vie. Pas facultatif et pourtant dépendant du choix de notre liberté. C’est en effet la vérité qui rend libre et nous avons toujours la possibilité de choisir la servitude et la mort : « Vois, je te propose aujourd’hui la vie avec le bon, ou la mort avec le mauvais (...) Choisis la vie afin de vivre, toi et ta postérité, en aimant Yahvé, ton Dieu, en écoutant sa parole et en s’attachant à lui » (Deutéronome 30, 15 et 19-20.) Ni Isaïe, ni Pierre ne vivent une aventure différente de la nôtre. Ils mettent en évidence le chemin que nous avons tous à suivre.

L’expérience initiale, celle qui fait passer notre vie de foi de l’intellectuel au réel, peut être aussi fulgurante que l’aveuglement de Paul sur le chemin de Damas. En règle générale elle se produit quand nous sommes un peu écœurés de nos pêches nulles, quand nous aspirons à autre chose. Ne désespérons pas, alors, de ces moments de doutes, de révoltes intérieures, de nuits de la foi ! Au creux du mystère de nos vies, faisons place à Dieu !

AMEN.

Michel Steinmetz †

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