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mercredi 11 avril 2012

Homélie de la Messe "in coena Domini" - 5 avril 2012

L’Eglise célèbre ce soir l’institution de l’eucharistie par le Christ lui-même. Il est intéressant de signaler que c’est aussi par la Cène que nous entrons dans la célébration du mystère pascal. L’eucharistie apparaît comme le grand proche d’entrée qui nous ouvre à l’intelligence de ce que nous allons vivre et célébrer. Non seulement alors le dernier repas de Jésus, repas bien particulier de la Pâque, éclaire la suite des évènements de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection, mais éclaire aussi la manière dont nous devons vivre ce sacrement si familier de l’eucharistie. Trop souvent, me semble-t-il, nous célébrons l’eucharistie, la messe, de manière déconnectée de son événement fondateur au soir du Jeudi-Saint. Sans doute l’habitude, de dimanche en dimanche, de jour en jour, nous en fait perdre la quintessence et surtout sa dimension pascale. Tout le mystère du Christ se dit et se vit dans son eucharistie. Sa venue dans la chair, son enseignement, ses miracles, au long des années de son ministère public, son entrée à Jérusalem et tout ce que nous allons vivre ces prochaines heures avec lui, tout est comme résumé, condensé dans cette eucharistie. Ainsi, à chaque fois que nous célébrons comme Il nous a dit de le faire, c’est à tout le mystère du Christ que nous communions, c’est tout ce Christ qui nous est donné. Mais pour bien saisir encore ce qui est en jeu ce soir, nous ne pouvons séparer le contexte de la Pâque vécue dans la foi juive, ni le récit qu’en donne Paul, ni celui que relate Jean.

Jésus célèbre ce qui sera comme son repas d’adieu, son dernier repas, au cours d’un repas bien particulier qui tient tout autant de la rencontre fraternelle que de la cérémonie cultuelle. Tout dans ce repas est codifié, prévu. Voilà bien pourquoi Il envoie ses disciples, en avance, faire les préparatifs. Les évangiles synoptiques racontent que la veille de sa mort « le premier jour des Azymes où l'on immolait la Pâque » Jésus a mangé la Pâque avec ses disciples. Ce repas pascal avait lieu le 1er ou le 2ème jour de la fête de Pâque qui durait 7 jours. Pendant cette semaine appelée « semaine des azymes », on ne mangeait rien de fermenté. La fête de la Pâque était à la fois la célébration de la fertilité au printemps et le mémorial de la libération de l’esclavage des hébreux et du passage de la mer rouge. Le seder se déroule suivant une longue progression définie. En célébrant ce repas avec ses disciples, Jésus lui donne ce soir un sens nouveau : Il sera lui-même la Libération définitive. Les larmes d’autant, les herbes amères, l’errance dans le désert de la soif, tout cela est aboli. Il se donne en nourriture, une nourriture de vie éternelle.
Au cours de ce repas rituel juif, étaient prévus deux lavements des mains. Le deuxième était accompagné d’une prière de bénédiction et revêtait donc un sens spirituel. Que fait Jésus ? Il ne se contente pas de laver les mains des ses amis, il accomplit le geste du serviteur. Il quitte son vêtement, se noue un linge à la ceinture et se met à genoux devant chacun. Le renversement est prodigieux : Lui, le Maître et Seigneur, se met dans la condition du Serviteur. Alors que devant Lui tout genou doit fléchir sur terre, aux cieux et aux enfers (Ph 2), c’est Lui qui, le premier, montre l’exemple et s’abaisse. En s’abaissant à ce point, il permet à quiconque de se relever en Lui, même à celui qui est ou s’estime plus que terre. Le mot latin qui désigne le rite du lavement des pieds est mandatum. Le mandat. Mandat reçu de la part du Seigneur : « Si donc, moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns des autres ». Mandat reçu, pour nous, de faire de même. Nous sommes donc invités à la même charité, au même service désintéressé, sans rien espérer en retour. Voilà ce à quoi nous pousse la célébration de l’eucharistie : à faire comme Jésus a fait.
Enfin, quand Jésus reprend les traditionnelles prières de bénédiction du judaïsme, il leur donne un sens radicalement nouveau. Le repas pascal juif commémorait le repas que les hébreux avaient mangé avant de quitter l'Égypte et le passage de la mer rouge. Le livre de l'exode disait « Ce jour là, vous en ferez mémoire ». Mais au cours de ce repas pascal, Jésus a annoncé sa mort en disant qu’il a désiré manger cette Pâque avant de souffrir et qu’il ne boira plus de coupe de vin jusqu’au jour ou il en boira dans le royaume de Dieu. Il affirme que son sang va être versé pour ses disciples, répandu pour la multitude pour la rémission des péchés. En donnant à ses disciples le pain et le vin, il affirme qu’Il leur donne son corps à manger et son sang à boire. En donnant son sang, il fait une nouvelle alliance en son sang, comme Moïse au Sinaï avait répandu le sang des victimes sur le peuple en disant : « Ceci est le sang de l'alliance que Yahvé à conclue avec vous » (Ex. 24,8). Le « faites cela en mémoire de moi » est bien plus qu’une invitation à refaire les mêmes gestes, à prononcer les mêmes paroles, c’est une consigne à adopter la même attitude que Jésus. Demeurer dans le Père jusqu’au moment ultime dans la fidélité et l’abandon « afin que sa volonté se fasse et non la mienne » (Mc 14).
Célébrer l’eucharistie, chaque eucharistie, c’est tenir ensemble à la fois l’action de grâce pour l’action de Dieu, l’offrande de soi dans le Christ, le commandement et l’invitation à la charité. Chaque eucharistie nous rend présent tout le mystère du Christ pour que nous devenions « christs » à notre tour. Voilà bien pourquoi il nous célébrer, comme Jésus nous a dit de le faire, voilà bien pourquoi il nous communier pour demeurer uni à Lui. « Et l’on ne fait bien une action à laquelle on ne s’exerce pas souvent », disait François de Sales.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

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