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mercredi 14 juillet 2010

Homélie du 11ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 13 juin 2010


Lorsque les historiens juifs de la Bible tentent d’expliquer pourquoi Israël, le peuple élu de Dieu, vit sous le joug des armées étrangères, ils portent toujours le même diagnostic : nous sommes punis parce que nous n’avons pas observé la Loi de Dieu (cf. 2 Rois 18, 12 ; 24, 3). C’est pourquoi, dans le sillage du mouvement de réforme initié par le scribe Esdras, des Juifs très pieux décidèrent de s’appliquer à la connaissance précise et à la pratique de toute la Torah, convaincus que seule l’obéissance intégrale aux lois et aux traditions rendrait à Israël sa liberté et permettrait la venue du Messie. On les appelait les Pharisiens - qui signifie « séparés » - car leur application minutieuse de toutes les prescriptions les distinguait du petit peuple, incapable d’observer des exigences parfois pénibles. Certes parmi eux, il y avait quelques hypocrites mais en général, ces hommes faisaient preuve d’une grande droiture et ils veillaient soigneusement à éviter tout contact avec les pécheurs réputés « impurs » et infréquentables.

I.- Une pécheresse à la quête de pardon

L’évangile de Luc, en ce dimanche, montre Jésus acceptant une invitation à aller manger chez l’un de ces Pharisiens nommé Simon. Celui-ci a sans doute envie de connaître ce prédicateur itinérant au sujet duquel courent toutes sortes de rumeurs : ce Jésus est-il un authentique envoyé de Dieu ? Si oui, pourquoi ne pratique-t-il pas l’ascèse comme Jean-Baptiste ? Ne dit-on pas de lui qu’il est « un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs? » (7 ,34)
Pour comprendre la scène, il faut savoir que les banquets festifs se déroulent à la manière grecque : les convives sont allongés sur des divans formant demi-cercle et les plats sont servis par l’intérieur. Tout à coup un incident inattendu éclate : une femme se faufile subrepticement dans la maison ouverte et, par derrière, elle se précipite vers Jésus. Elle apportait un vase précieux plein de parfum. Tout en pleurs, elle se tenait à ses pieds et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum.
Surpris par cette intrusion inattendue, Simon et ses amis sont extrêmement choqués. Comment cette femme a-t-elle osé ? Et pourquoi Jésus tolère-t-il ces contacts odieux, ces gestes presque obscènes ! En voyant cela, le pharisien se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse ! » Jésus remarque le scandale provoqué chez son hôte et il lui propose la parabole.

II.- Le pardon, don de l’amour

Il faut évidemment corriger la traduction liturgique qui donnerait à penser que Jésus pardonne à la femme parce qu’elle multiplie des gestes de gratitude : ce serait retomber dans le pharisaïsme qui s’imagine obtenir le salut par des œuvres. Au contraire cette femme a reconnu en Jésus le prophète qui apporte le Royaume de Dieu donc le pardon des péchés et, par conséquent, elle a osé cette démarche un peu folle. Elle était tellement éblouie, émerveillée, bouleversée par la grâce reçue qu’elle tenait à manifester sa gratitude sans nul souci des convenances. Simon, au contraire, en bon pharisien vertueux, n’ayant guère à se reprocher, avait reçu Jésus comme « un maître » avec une politesse correcte et en tout cas pas comme quelqu’un autorisé à lui offrir le pardon de Dieu ! « Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour ».
Saint Luc – sans doute lui-même un converti – se plaît à raconter la folle joie qui saisit cette femme et tant d’autres, libérés de leur prison par grâce. L’évangéliste aime montrer Jésus à table : s’il mange avec des pécheurs, ce n’est pas qu’il approuve leur conduite mais il s’approche d’eux afin de leur montrer qu’ils ne sont pas des condamnés et qu’ils peuvent être sauvés, délivrés du mal. Le banquet chez l’ex-publicain Lévi est le banquet de noces de l’Epoux qui refait alliance avec une communauté de pécheurs pardonnés.

III.- Notre assemblée, communauté du pardon reçu

Ce texte nous interpelle : nous considérons-nous comme « des gens bien », d’honnêtes pratiquants qui se contentent de répéter du bout des lèvres « Seigneur prends pitié » sans réaliser la faveur extraordinaire du pardon ? Pourquoi la miséricorde du Seigneur nous laisse-t-elle de marbre ? Pourquoi n’exprimons-nous pas mieux notre allégresse pour ce don immérité ? Ne serions-nous pas des pharisiens : peu pardonnés donc aimant peu ?
Comme la belle demeure de Simon, « le séparé », l’intègre, nos assemblées de demain seront sans doute secouées par l’arrivée de convertis, de gens que l’on n’attend pas, d’hommes ou femmes longtemps souillés par des fautes graves et qui ne pourront retenir leur joie d’avoir été extraits des ténèbres du mal. Ils « montreront beaucoup d’amour » parce qu’ils auront été beaucoup pardonnés ! Nos paroisses seront-elles scandalisées ? Il ne faudra plus qu’il y ait des «séparés » soucieux de se préserver des « mauvaises fréquentations ». Ensemble nous chanterons la Bonne Nouvelle : tous, nous sommes gratuitement aimés.

La conscience d’être pardonné vaut mieux qu’une collection de vertus.
« Dieu ne nous aime pas parce que nous sommes bons et beaux : Dieu nous rend bons et beaux parce qu’il nous aime », disait saint Bernard.

AMEN.

Michel Steinmetz †

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