L’autre jour, j’interrogeais un étudiant afin
de valider le semestre universitaire qui s’achève. Au cours de l’entretien, il
m’a glissé le sacrement de la confirmation faisait devenir « pleinement »
chrétien par le don de l’Esprit, alors que le baptême – premier des sacrements
pourtant – ne nous faisait que chrétiens « à moitié ». Je n’ai pas
manqué de lui demander ce qu’il entendait par là. De fait, jusqu’à la fin du IVe
siècle, l’initiation chrétienne se célébrait en une seule fois au terme d’un
souvent long cheminement de catéchuménat, c’est-à-dire de préparation et de formation
à la vie chrétienne. Le baptême comportait comme rites essentiels et communs à
toutes les Eglises le rite d’eau puis l’imposition des mains. Ces rites étaient
accompagnés de plusieurs onctions et trouvaient leur achèvement dans la
célébration de l’eucharistie.
Cette manière de faire de l’Eglise ancienne,
et que nous avons retrouvé dans l’initiation chrétienne des adultes (je fais
appel ici aux souvenirs de celles et ceux qui ont déjà pris part à une telle
célébration), dit quelque chose de fondamental non seulement sur la vie chrétienne
mais aussi sur le mystère de foi qui est le nôtre. En étant baptisés dans l’eau
et l’Esprit, au nom de Seigneur Jésus, nous acceptons qu’entre en nous ce que
nous sommes en train de célébrer ces dernières semaines. Car il ne peut y avoir
de Pentecôte sans Pâques, ni d’ailleurs de Pâques sans Pentecôte. Voilà pourquoi
le temps pascal forme une admirable unité, un seul et même jour de fête comme
se plaisait à le définir saint Augustin.
Entendez bien : si le Christ ressuscite,
c’est bien pour nous faire entrer, nous, pauvres pécheurs mortels, dans la
gloire du Père, cette gloire qu’il rejoint en montant au ciel au quarantième
jour après sa résurrection. Et c’est l’Esprit, qu’il remet filialement sur la
croix, qui le relève d’entre les morts. Car sur la croix, la dynamique énergie
divine ne meurt pas : bien au contraire, elle se manifeste avec éclat. Le projet de Dieu est de nous entraîner dans
cet élan en faisant sauter le verrou que nous pensions ultime : la mort. En
rejoignant la droite du Père, le Christ ne nous laisse pourtant pas orphelins.
L’Esprit, celui du Père et du Fils, nous est donné comme « défenseur »
et mémoire. C’est lui qui nous fait nous souvenir de ce que Jésus nous a dit.
La mémoire croyante qui est la nôtre n’a rien à voir avec des archives de la
foi particulièrement bien conservées et soigneusement transmises. Il s’agit d’une
mémoire du cœur qui éclaire l’intelligence, d’une mémoire à l’exemple de celle
qui a illuminé les disciples à l’auberge d’Emmaüs au soir de Pâques.
Ce projet de Dieu qui se rend visible de
Pâques à Pentecôte, et qui se prolonge dans la vie de l’Eglise, par le don de l’Esprit,
est notre projet. Il prend chair en nous. Comment ? A notre baptême nous
ne gagnons pas seulement un « état », celui de mourir et ressusciter
avec le Christ, celui de devenir enfant de Dieu, comme nous recevrions des papiers
attestant de notre nationalité avec les droits et les devoirs qui y sont
inhérents. Nous recevons aussi le don de l’Esprit, dans la signation avec le
Chrême. Car le disciple de Jésus est, et doit être, un être vivant rempli d’une
énergie qui n’est autre que celle de Dieu. Cette énergie nous propulse avec
entrain dans la vie, comme elle nous agrège au corps du Christ. En ces temps où
beaucoup parlent de vaccin, et l’espèrent, le sacrement de confirmation est
pour nous tel une piqûre de rappel qui nous communique une force toute
spéciale, non comme si le don reçu au baptême n’était fait qu’à moitié, mais comme
un envoi en mission. C’est ce que Pierre et Jean, allant de Jérusalem en
Samarie, ont accompli en imposant les mains. Il n’y a pas de baptême sans don
de l’Esprit, comme il ne peut y avoir de vie chrétienne sans témoignage rendu
au Christ.
Je vous invite aujourd’hui à une double
mémoire : celle de votre baptême et celle de votre confirmation. Rappelez-vous-en
la date, ou à défaut cherchez-là. Essayez de vous souvenir de l’un ou l’autre
détail pour autant que cela vous soit possible. Vous entretiendrez votre
mémoire croyante et vous vous rappellerez que Pâques et Pentecôte sont déjà
passées dans votre vie.
AMEN.
Michel Steinmetz
†
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire