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samedi 9 mai 2020

Homélie du 5ème dimanche de Pâques (A) - 10 mai 2020

Via viatores quaerit : la voie cherche des voyageurs. Cette phrase de saint Augustin exprime quelque chose d’essentiel de la foi chrétienne.
Via viatores quaerit : la voie cherche des voyageurs. Que l’on traduit plus souvent par « Je suis la voie qui cherche des voyageurs ». Dans les textes d’Augustin, la phrase exacte est un peu différente. Augustin aurait plutôt écrit Via ambulatores quaerit. Ambulatore. Des marcheurs, plutôt que des voyageurs. Qui déambulent plutôt qu’ils ne voyagent... La route demande, réclame, quémande presque, des gens qui voudraient bien marcher. La voie est faite pour cela : pour ceux qui veulent marcher. Elle n’a pas d’autre sens. Elle ne relie rien. Pourtant même si Augustin se base essentiellement sur la lettre aux Philippiens (3, 13-14), il ne saurait oublier la parole de Jésus dans l’évangile : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Jésus est à la fois la route et le terme. Chose paradoxale et étrange, pour peu que l’on y songe.
 
Via viatores quaerit. On trouve cette phrase dans deux sermons de saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone (aujourd’hui Annaba, en Algérie). L’un prononcé en l’honneur d’un certain Quadratus, martyr, dans la ville même où Quadratus mourut. L’autre à Hippone, à l’occasion du baptême de nouveaux chrétiens. Dans le premier sermon, Augustin évoque la joie de se retrouver « encore en chemin sur cette terre parmi les choses passagères ». Nous marchons, commente-t-il. Et il donne une direction à cette marche, sinon un contenu : la vie éternelle. Nous sommes en route vers cette Patrie. Augustin emploie le mot, curieusement. Puis il finit par donner un contenu à cette marche, à ce chemin, à cette voie qui cherche des marcheurs et que nous pouvons emprunter, ou non : le pas de cette marche-là, ce sont « les mouvements de notre amour » qui l’impulsent.
 
 
Et c’est alors seulement qu’il prononce cette phrase énigmatique : « Notre route veut des marcheurs.»  Augustin précise encore que cette route déteste trois sortes d’hommes : celui qui s’arrête, celui qui rebrousse chemin, celui qui s’égare.  La route se fait ainsi brusquement disciplinaire. Voie plutôt que route ou chemin qui tant égare, qui tant exalte ce monde sensible où nous aimons nous perdre. La route quémande des voyageurs, pourtant elle n’exige pas : elle cherche. Elle quémande plus qu’elle ne recrute. Des voyageurs qui accepteraient de prendre le risque de construire leur propre chemin, un chemin qui pourrait aussi bien mener nulle part et c’est pourquoi elle pose d’emblée sa crainte de voir le marcheur s’arrêter, s’égarer ou faire demi-tour. On sait où mène le chemin pour Augustin : à Dieu lui-même. On sait vaguement comment nos pas pourraient ne pas nous y porter, à s’égarer, s’arrêter, renoncer, rebrousser chemin, etc. On devine aussi comme un balancement mystique dans le rythme de cette marche, au terme duquel une communion parfaite à Celui est à la fois le chemin et le terme devrait s’établir.
 
« Je suis le chemin » : il faut non seulement vivre selon les enseignements qu’il a indiqués mais vivre en Lui, de Lui, par Lui. Etre fils dans le Fils. « Je suis la vérité » : Jésus est la Révélation plénière de Dieu le Père : le connaître c’est-à-dire se laisser aimer par lui et l’aimer en retour, c’est pénétrer dans la Vérité. « Je suis la vie » : la foi en Jésus n’est pas seulement promesse de voir Dieu un jour, plus tard. Elle permet d’expérimenter tout de suite la rencontre immédiate de Dieu. Croire, c’est déjà maintenant vivre ce qui est espéré.
 
 
En ces jours où notre corps va retrouver une liberté plus grande de mouvement, le corps ecclésial lui aussi devra vivre une sorte de rééducation spirituelle. Pour cela, il faut nous remettre en marche, dans tous les sens du terme. A nouveau Jésus ressuscité marchera à nos côtés : il est le chemin que nous permet d’avancer avec confiance ; il est la vérité qui garantit la sûreté de notre mouvement ; il est la vie qui nous dévoile le but à atteindre.
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ †

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