Via viatores quaerit : la voie cherche des voyageurs. Cette phrase
de saint Augustin exprime quelque chose d’essentiel de la foi chrétienne.
Via viatores quaerit : la voie cherche des voyageurs. Que l’on
traduit plus souvent par « Je suis la voie qui cherche des voyageurs ». Dans
les textes d’Augustin, la phrase exacte est un peu différente. Augustin aurait
plutôt écrit Via ambulatores quaerit.
Ambulatore. Des marcheurs, plutôt que des voyageurs. Qui déambulent plutôt
qu’ils ne voyagent... La route demande, réclame, quémande presque, des gens qui
voudraient bien marcher. La voie est faite pour cela : pour ceux qui veulent
marcher. Elle n’a pas d’autre sens. Elle ne relie rien. Pourtant même si
Augustin se base essentiellement sur la lettre aux Philippiens (3, 13-14), il
ne saurait oublier la parole de Jésus dans l’évangile : « Je suis le chemin, la
vérité et la vie » (Jn 14, 6). Jésus est à la fois la route et le terme. Chose
paradoxale et étrange, pour peu que l’on y songe.
Et c’est alors seulement qu’il
prononce cette phrase énigmatique : « Notre route veut des marcheurs.» Augustin précise encore que cette route
déteste trois sortes d’hommes : celui qui s’arrête, celui qui rebrousse chemin,
celui qui s’égare. La route se fait
ainsi brusquement disciplinaire. Voie plutôt que route ou chemin qui tant
égare, qui tant exalte ce monde sensible où nous aimons nous perdre. La route quémande des voyageurs,
pourtant elle n’exige pas : elle cherche. Elle quémande plus qu’elle ne
recrute. Des voyageurs qui accepteraient de prendre le risque de construire
leur propre chemin, un chemin qui pourrait aussi bien mener nulle part et c’est
pourquoi elle pose d’emblée sa crainte de voir le marcheur s’arrêter, s’égarer
ou faire demi-tour. On sait où mène le chemin pour Augustin : à Dieu lui-même.
On sait vaguement comment nos pas pourraient ne pas nous y porter, à s’égarer,
s’arrêter, renoncer, rebrousser chemin, etc. On devine aussi comme un
balancement mystique dans le rythme de cette marche, au terme duquel une
communion parfaite à Celui est à la fois le chemin et le terme devrait
s’établir.
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