« On ne
rencontre qu’ingratitude en ce bas-monde », dit un proverbe. Aujourd’hui Jésus
rencontre des lépreux qui s’approchent timidement d’un village. Ils implorent son
aide. Sans doute leur apparaît-il comme l’ultime recours. Leur maladie les rend
impurs et les met mis au ban de la société. Ils n’ont pas le droit de
s’approcher de ceux qui sont en bonne santé et tout le monde les fuit. Ils sont
donc abandonnés à eux-mêmes et n’ont plus qu’à attendre leur mort dans la
souffrance. C’est un sort un peu comparable qui attend Jésus à Jérusalem.
Abandonné de tous, il sera conduit à l’extérieur de la cité, au Golgotha, et
mis au ban de la même société, crucifié sur le bois de la honte entre deux
malfaiteurs. Il va mourir sur cette croix, méprisé, rejeté, proscrit, tel un
lépreux. Est-ce la raison de sa piété envers ces exclus ? Sans craindre de
les toucher, Jésus s’approche de ces malheureux dont la seule vision dégoûte la
plupart des gens.
Dans une région aux
populations très mêlées, située entre la Samarie et la Galilée, on n’était pas
vraiment dans le cœur le plus pur de la nation juive ! C’est pourtant dans ce
territoire que Jésus purifie ces dix lépreux, ou plus exactement, qu’il les
envoie faire reconnaître leur guérison comme c’était prévu par la loi. Tous se
dépêchent d’aller se montrer aux prêtres. Ils veulent que les « autorités
locales » les inscrivent au plus vite sur les registres des citoyens en
bonne santé, pour être à nouveau pleinement intégrés dans la société. Un seul
revient pour le remercier et surtout il revient « en glorifiant Dieu
à pleine voix ». Celui qui revient n’est pas un Juif mais un Samaritain.
Quelle est la cause de sa guérison ? A qui doit-il attribuer le miracle dont il
a bénéficié ? Il n’est pas non plus un grand connaisseur de la tradition juive.
Il ne possède pas les clefs d’interprétation de la révélation. C’est un
Samaritain, et c’est lui à qui Jésus répond : « Relève-toi ; ta foi t’a
sauvé » (Lc 17,19). Les autres n’entendront pas cette parole : seulement l’étranger.
Les autres ont certes été guéris avec lui ; lui est sauvé et c’est tout
différent. Il se relève, et cette attitude nous renvoie déjà à une autre, celle
de Jésus qui se « relèvera » du tombeau.
La foi n’est pas
simplement une adhésion à des doctrines, à des systèmes, à des idéologies. La
foi, c’est la reconnaissance que quelqu’un agit dans le monde. Dieu agit dans
le monde. Cette reconnaissance, dans le cas de Naaman le Syrien, comme dans le
cas du Samaritain, s’appuie sur le miracle dont l’un et l’autre ont bénéficié.
Cela signifie qu’ils cherchent une explication, une compréhension, une cause
aux événements auxquels ils participent, ou aux événements qui surviennent dans
leurs vies, aux événements heureux. Nous connaissons bien le mécanisme qui
consiste à attribuer à une puissance cachée et inconnue tout le mal qui nous
arrive, pourvu que l’on ne cherche pas en nous-mêmes, mais il est beaucoup plus
rare que l’on se passionne pour considérer le bien qui nous arrive ! Quelle est
cette force bénéfique, quel est ce regard miséricordieux qui se pose sur la vie
humaine ? Comment sommes-nous capables de scruter notre vie personnelle,
l’histoire de notre existence telle que nous la connaissons, mais aussi notre
vie collective, l’histoire de notre société, l’histoire de notre Église ?
Comment nous entraînons-nous à scruter cette histoire pour discerner comment
Dieu a agi, pour comprendre comment à travers des décisions humaines tout à
fait conjoncturelles, c’était pourtant la volonté de Dieu qui était à l’œuvre.
Ainsi, rendre grâce, ce n’est pas simplement dire merci parce que l’on est
content, ce n’est pas simplement remercier d’être nourri, d’être à l’abri,
d’être en bonne santé et de tous les biens que nous espérons pouvoir conserver.
Rendre grâce, c’est reconnaître que ces biens dont nous bénéficions, nous les
devons à quelqu’un, nous les recevons de quelqu’un, nous bénéficions de
l’assistance permanente que Dieu donne à l’humanité. C’est pourquoi rendre
grâce est un acte de foi.
Que notre prière
cette semaine ne se construise pas uniquement autour des « s’il te
plaît », mais qu’elle trouve aussi les chemins des « mercis ».
Car on vit mieux, on croit mieux en disant « merci ».
AMEN.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire