Il n’est pas neutre qu’au
lendemain de la solennité de tous les saints, l’Eglise, dès le XIe
siècle, ait voulu se souvenir de l’ensemble des frères et sœurs défunts par une
journée spéciale consacrée à leur souvenir et surtout à la prière pour eux.
Pourtant, porter ainsi les défunts dans la prière au lendemain de la Toussaint
renseigne sur un aspect essentiel de notre foi. Cela indique une direction.
Nous nous souvenons de nos défunts par le prisme de la sainteté.
C'est un peu comme un vitrail qui
colore l’intérieur de notre espace. Nous sommes dans l’église encore dans la
pénombre, mais déjà la lumière arrive du dehors et nous éclaire, tout en
faisant chatoyer sur nous, sur les murs, les traces lumineuses des coloris des
vitraux.
A l’extérieur, il y a la lumière du
soleil, image de la lumière du Christ qui est toujours plus forte que nos
ténèbres. Entre cette lumière et nous, les vitraux. Certains sont plus sombres,
d’autres plus clairs. Certains ont besoin d’une lumière plus vive pour faire
danser les couleurs et être traversés par la clarté. Pour certains, il suffit
d’un rayon de soleil pour que tout s’illumine et semble briller de mille feux.
D’autres encore, salis et appauvris pour les outrages du temps, auront besoin
d’une restauration : il faudra que nous y mettions du nôtre pour qu’ils
retrouvent leur splendeur première.
Ces vitraux, ce pourrait être nos
défunts. Parvenus au terme de leur route au milieu de nous, ils se sont
approchés de la lumière du Seigneur. Ils y sont plus directement exposés.
Certains auront besoin d’un peu plus de temps pour se laisser complètement
traverser par la grâce et redevenir rayonnants. Le mystère et la complexité de
leur vie, ses blessures et ses outrages, auront eu quelque peu raison de leur
cœur. Mais devant l’amour rayonnant du Seigneur, et avec une telle puissance,
ils finiront par redevenir lumineux. D’autres au contraire, et heureux
sont-ils, auront passé leur vie à se laisser fasciner par la lumière qu’ils
pouvaient déjà contempler. Ses formes, ses chatoiements, ses traces sur leur
corps auront creusé leur désir d’être déjà, à leur manière, rayonnants de la
présence du Seigneur. La lumière reçue, ils auront déjà voulu la communiquer
autour d’eux. Pour d’autres encore, une restauration sera nécessaire. Elle
demande notre intervention. Il ne s’agira pas pour nous de nous transformer en
artisans-verriers, à manier le verre et le plomb. Il s’agira pour nous de
devenir des priants et des intercesseurs en leur faveur !
C'est bien là que notre prière
aujourd’hui prend tout son sens. Comme chrétiens, nous ne faisons pas aujourd’hui
que de nous souvenir. Nous prions. C’est tout différent. Nous intercédons pour
nos défunts auprès du Seigneur comme nous sommes sûrs qu’ils mettent à profit
leur nouvelle proximité avec le Seigneur pour intercéder aussi pour nous.
Membres d’une unique famille, la famille du Christ, dans la communion ses
saints que la mort ne vient pas rompre, nous restons unis dans une solidarité
fraternelle et spirituelle.
Ce que nous pouvons déjà saisir de
la vie qui nous attend dans notre patrie céleste est aussi un encouragement
pour nous à vivre autrement. Aujourd’hui, au lendemain de la Toussaint, notre
espérance est raffermie parce que nous avons mieux compris que Dieu nous
appelle toutes et tous à lui. Pourtant, il nous faut laisser sa lumière nous
traverser pour que nous devenions resplendissants de son amour. De là-haut, nos
frères et sœurs défunts nous y appellent ! Il nous faut rendre compte de
l’espérance qui est en nous, non comme des spectateurs passifs qui resteraient
là à contempler ce qui se passe pour d’autres, mais comme des saints en
devenir, joyeux de voir Dieu à l’œuvre ! Il nous faut montrer le Christ
ressuscité. Le montrer à travers l’annonce de la Parole, mais surtout à travers
nos vies de ressuscités. Le montrer par la joie d’être des enfants de
Dieu ! Tournons-nous vers la patrie céleste, nous aurons une lumière et
une force nouvelles également dans notre engagement et dans nos difficultés
quotidiennes. C’est un service précieux que nous pouvons rendre à notre monde
qui souvent ne réussit plus à lever les yeux vers le haut, qui ne réussit plus
à lever les yeux vers Dieu !
AMEN.
Michel STEINMETZ †
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