L'embellissement légendaire de la fête de l’Epiphanie donnerait
envie d’en parler comme dans les contes de fée. C’est vrai qu’il y a là tous les
ingrédients : la pauvreté et le dénuement d’un couple, l’extraordinaire d’une
visite, la riche parure des mages, et sans doute tout le cortège qui les
accompagne, et surtout leurs somptueux présents. Cependant ce que nous
commémorons aujourd’hui est trop important, trop riche pour s’égarer, se
laisser éblouir et rêvasser.
Seul Matthieu parle de mages (sans en donner le nombre). Des
sages, probablement plus de la première jeunesse, assez fortunés pour
entreprendre un grand voyage, assez humbles pour aller se prosterner devant
celui qu’ils pensent être roi des juifs. Qui se souciait des Juifs à cette
époque et de leur royaume plus proche d’une principauté d’opérette dans un pays
occupé que d’une cour impériale vers laquelle accourent les grands du monde ?
Quoi qu’il en soit ils viennent de loin vénérer un roi encore inconnu. En fait
ils s’inclineront devant un nouveau-né sans fortune dans une simple maison d’une
bourgade appelée Bethléem. Dérisoire ! Et voici pourtant la fête qui nous
rassemble. Mystère d’un Enfant-Dieu révélé à toutes les nations et en qui
toutes les nations de la terre trouvent refuge et salut. L’étymologie du mot « épiphanie »
nous enseigne qu’il veut dire : révélation, manifestation, apparition de
quelque chose qui devient évident. Est-ce Jésus qui se révèle à des gens venus
d’un monde lointain et païen ou bien ces voyageurs révèlent-ils que ce modeste
enfant est roi et qu’il est digne de cadeaux en accord avec son rang : or,
encens et myrrhe ?
Epiphanie, révélation, fruit de la rencontre de deux mondes
jusqu’alors étrangers. Et là devient évident que le nourrisson n’est pas un
bébé comme les autres. L’évangile de Matthieu n’en dit pas plus. On ne sait ce
que sont devenus ces riches visiteurs après leur passage en Palestine. Cela
a-t-il changé quelque chose dans leur histoire, dans leur cœur, dans leur
relation à Dieu ? Qu’ont-ils raconté à leur retour ? Comment cela a-t-il été
perçu par leur entourage ? La révélation que Dieu fait de lui-même à
toutes les nations passent par les canaux ordinaires d’une rencontre humaine, d’une
expérience. L’Epiphanie est la révélation qui apparaît dans la rencontre. C’est
ainsi que cette révélation de l’Epiphanie n’est pas close mais qu’elle se
poursuit. Dieu continue de se révéler dans la grâce de la rencontre. Rencontre
avec Lui dans la prière, les sacrements, la méditation de sa Parole. Rencontre
avec Lui quand nous allons aussi à la rencontre du frère, plus particulièrement
de celui dans le besoin.
Vous voyez dans la crèche trois mages. Chacun porte un
présent : l’or, l’encens, la myrrhe. Vous pourrez vous demander ce que
vous apportez à l’Enfant. Mais auparavant il vous faudra vous demander si vous êtes
vous-même dans la situation de l’un de ces mages. Acceptez-vous de vous mettre
en route ? De quitter le quotidien de votre confort, de vos certitudes, de
l’aisance de votre patrimoine ? Consentez-vous à suivre le signe – parfois
ténu – que Dieu vous envoie ? Recevez-vous sa présence comme Celui d’un
Dieu proche, humble et pauvre qui vous appelle à Le suivre ? Si votre
humanité a la chance de se comprendre invitée, alors oui, comme les mages vous viendrez
de loin, de très loin. Vous n’y viendrez pas comme des curieux, comme des
badauds, mais avec la certitude qu’en approchant ce bébé encore sans pouvoir, c’est
le Dieu incarné pour notre salut que vous vénérez. Cette visite deviendra alors
pour vous Épiphanie, démarche de votre cœur pour adorer ce qui de l’extérieur n’est
pas évident, mais qui dans votre âme s’installe comme une certitude recherchée
depuis longtemps. La rencontre à laquelle vous êtes conviés est un rapport vrai
et personnel avec ce nourrisson sauveur en devenir.
Qu'une Épiphanie soit possible pour vous aujourd’hui et que
vous repartiez chez vous joyeux comme les mages au sortir de Bethléem. Je vous
souhaite non pas une belle mais une vraie fête de l’Épiphanie.
AMEN.
Michel
Steinmetz †