Au cœur de cette nuit si particulière, alors que l’histoire semblait ne
connaître aucune surprise – l’occupant romain continuerait son oppression, les
prêtres du Temple de faire la loi, les pharisiens d’exiger des d’autres ce qu’ils
ne s’appliquent pas à eux-mêmes, les pauvres d’être pauvres, les bergers de
garder leurs troupeaux – voilà que se produit la plus grande des surprises,
inattendue, étonnante, déroutante. Un petit enfant est né. Vous me direz ;
il y a du en naître d’autres cette nuit-là. Oui, mais celui-là est différent.
Dans la pauvreté de sa naissance, entouré de Marie et de Joseph, réfugiés dans
une étable « car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle
commune », Dieu se révèle comme le Sauveur de son peuple. Ses anges
viennent en renfort pour annoncer la nouvelle. Quel étonnement ! C’est
peut-être d’ailleurs la clé pour entrer dans le mystère de Noël. L’étonnement.
Que de fois, ne croyez-vous pas ?, nous sommes blasés, ou bien repus de
tout, de notre confort, ou bien paralysés par notre morosité et notre déprime.
Rien ne peut changer. Personne ne peut y faire quelque chose.
Il y a quelques jours, le Pape a expliqué que pour bien fêter Noël, nous
sommes appelés à nous arrêter sur les lieux de l’étonnement. « Quels sont
ces lieux de l’étonnement dans la vie quotidienne ? »[1],
a demandé le Saint-Père. Il y en a trois. Et je me propose de les reprendre
avec vous. Recevez-les comme trois invitations que je vous lance.
Le premier lieu d’étonnement est l’autre, dans lequel nous devons
reconnaître un frère, parce que depuis la Nativité de Jésus, chaque visage
porte sur lui la ressemblance avec le Fils de Dieu. Surtout quand il s’agit du
visage d’un pauvre, parce que c’est pauvre que le Seigneur est entré dans le
monde, et par les pauvres, avant tout, qu’il s’est laissé approcher. De nos
rencontres avec des personnes âgées, malades, défavorisées, rencontres souvent
fortuites et qui exigent de nous le courage d’aller précisément à la rencontre,
de tendre la main, d’échanger quelques paroles, de poser un regard bienveillant,
de ces rencontres, donc, jaillit le plus souvent la joie. Pourquoi ? Parce
que nous recevons plus que nous n’avons donné, parce que le Christ a agi en
nous et par nous. Nous sentons alors qu’avec Lui nous devenons plus forts, plus
aimables, meilleurs tout simplement.
Le deuxième lieu est l’étonnement de l’Histoire. Nous croyons souvent la voir du bon côté, et
nous risquons, au contraire, de la lire à l’envers. Cela arrive, par exemple, « quand
celle-ci semble déterminée par l’économie de marché, régulée par la finance et
les affaires, dominée par les puissants du moment ». Aujourd’hui, on veut
nous persuader du sens de l’Histoire, à grand renfort de spécialistes,
d’experts et de politiques invités sur les plateaux des journaux télévisés. Le
Dieu de Noël par contre continue de brouiller les cartes. Le signe de l’Enfant
dans la mangeoire à Bethléem ne cesse d’avoir du sens. Pas celui des puissants,
des oppresseurs, des forts, des bien-pensants, des terroristes.
Le troisième lieu d’étonnement est l’Eglise. La regarder avec l’étonnement
de la foi signifie ne pas se limiter à la considérer seulement comme une
institution religieuse, qu’elle est, « mais de la sentir comme une Mère
qui, sous les tâches et les rides, […] laisse transparaître les traits de l’Epouse
aimée et purifiée par le Christ Seigneur ». Une Eglise qui sait
reconnaître les nombreux signes d’amour fidèle que Dieu lui envoie
continuellement. Une Eglise pour laquelle le Seigneur Jésus ne sera jamais une
possession à défendre jalousement, ceux qui font cela se trompent, mais
toujours Celui qui vient à sa rencontre et qu’elle sait attendre avec confiance
et avec joie, donnant voix à l’espérance du monde. Une Eglise mère qui va
au-delà de ses portes pour chercher avec son sourire de mère toutes les
personnes éloignées et les conduire à la miséricorde de Dieu.
C'est cela l’étonnement de Noël ! A Noël, Dieu se donne tout à nous en
donnant son Fils, l’Unique, qui est toute sa joie. La rencontre avec Jésus nous
fera aussi ressentir ce grand étonnement. Mais nous ne pourrons avoir cet
étonnement, nous ne pourrons rencontrer Jésus, si nous ne le rencontrons pas
chez les autres, dans l’histoire et dans l’Eglise.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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