Bénir ne se réduit pas à un «
bien-dire » (du latin bene-dicere) :
lorsque Dieu bénit ses créatures, il ne dit pas seulement une belle phrase mais
Il leur communique sa puissance de Vie pour les rendre actives, fécondes. Sa
bénédiction donne réellement sa Bonté, sa Faveur et sa Grâce. Remarquez bien la
nuance du texte : cette bénédiction, Dieu charge les prêtres d’en être les
transmetteurs : « ils apposent le Saint Nom sur les croyants » mais il est
entendu que c’est Dieu qui bénit ! En répétant trois fois le Nom trois fois
Saint, en prononçant de tout cœur la formule consacrée, en étendant les mains
au-dessus de la tête de leurs frères et sœurs, ils signifient l’acte efficace
de protection : puisses-tu être convaincu que ton Dieu ne te fixe pas d’un oeil
sévère, qu’il ne comptabilise pas tes fautes, qu’il ne se confond pas avec ton
sur-moi ou ton complexe de culpabilité. Sache que ton Dieu, ton Père, te
regarde avec amour, qu’il compatit à ta faiblesse, qu’il craint pour tes
épreuves. Son visage, c’est-à-dire sa Personne, n’est que bonté et tendresse, joie
et sérénité. Sa bénédiction entend exorciser tes peurs, écarter tes craintes,
chasser tes scrupules, consoler tes tristesses. Le visage de Dieu n’est pas
celui, grimaçant, des idoles et des masques : il est Lumière rayonnante de
Vérité.
La bénédiction biblique joue
dans les deux sens : de haut en bas Dieu répand sa grâce et, en retour, de bas
en haut, l’homme « bénit » son Dieu, il lui exprime sa reconnaissance, sa
gratitude, sa joie d’être connu et
sauvé. En somme, la bénédiction, dans son « aller-retour », est révélation d’un
Dieu bon et exultation de l’homme à sa juste place.
C'est à la lumière de cette bénédiction
que nous voulons entrer ensemble une nouvelle année civile. Nous ne nous
faisons pas de fausses illusions. Comme tous les ans, il nous faudra faire face
à l’imprévisible, au déroutant, au douloureux, mais aussi à l’inattendu et à l’inouï
que Dieu nous réserve. Nous pouvons d’autant plus facilement aborder l’année
nouvelle si nous avons pris le temps de jeter un regard en arrière pour
discerner combien Dieu nous a été présents au long des mois écoulés. L’avez-vous
fait, frères et sœurs ? Si ce n’est pas le cas, vous pouvez le faire.
Avez-vous béni le Seigneur pour les signes de sa présence à vos côtés, pour ce
qu’il vous a donné à vivre de bon et pour la force qu’il vous a envoyé dans les
situations pénibles ? Faites-le. Ne pas le faire ferait de vous des
personnes ingrates.
Le Sauveur du monde vient
pour se faire participant de notre nature humaine ; nous ne sommes plus seuls
ni abandonnés. La Vierge nous offre son Fils comme principe d’une vie nouvelle.
Aujourd’hui découvrons d’une façon nouvelle qui nous sommes ! En ces jours,
nous est rendu manifeste le chemin à parcourir pour rejoindre le but.
Maintenant, toute peur et toute frayeur doivent cesser, parce que la lumière
nous indique la route vers Bethléem. Il ne nous est pas permis de rester
arrêtés. Nous devons aller voir notre Sauveur déposé dans une mangeoire. Voilà
le motif de la joie et de l’allégresse : cet Enfant est « né pour nous », il
nous est « donné à nous », comme l’annonce Isaïe (cf. 9, 5). À un peuple qui
depuis deux mille ans parcourt toutes les routes du monde pour rendre chaque
homme participant de cette joie, est confiée la mission de faire connaître le «
Prince de la paix » et devenir son instrument efficace au milieu des nations. Pour
cela, il nous faut rester en silence et laissé parler cet Enfant ; imprimons
dans notre cœur ses paroles sans détourner notre regard de son visage. Cet
Enfant nous enseigne quelle est la chose vraiment essentielle dans notre vie.
Dans une société
souvent éprise de consommation et de plaisir, d’abondance et de luxe,
d’apparence et de narcissisme, Lui nous appelle à un comportement sobre,
c’est-à-dire simple, équilibré, cohérent, capable de saisir et de vivre
l’essentiel. Dans un monde qui est trop souvent dur avec le pécheur et mou avec
le péché, il faut cultiver un fort sens de la justice, de la recherche et de la
mise en pratique de la volonté de Dieu. Dans une culture de l’indifférence qui
finit souvent par être impitoyable, que notre style de vie soit au contraire
plein de piété, d’empathie, de compassion, de miséricorde, puisées chaque jour
au puits de la prière. »[1]
En entrant donc dans une
nouvelle année, il est bon parfois de prendre du recul et de regarder derrière
soi. Nous découvrirons le visage de Dieu et sa bénédiction. Nous pourrons l’implorer
avec plus d’assurance encore. Le Royaume n’est pas seulement au-delà de nos
efforts, il est aussi au-delà de notre regard.
Durant notre vie, nous n’arrivons à accomplir qu’une petite partie de
cette entreprise magnifique qui est l’œuvre de Dieu.
Rien de ce que nous faisons n’est complet.
C’est dire que le Royaume se trouve toujours au-delà de nous-mêmes.
Aucune affirmation ne dit tout ce que l’on peut dire.
Aucune prière n’exprime complètement la foi.
Aucun credo n’apporte la perfection.
Aucune visite pastorale n’apporte avec elle toutes les solutions.
Aucun programme n’accomplit pleinement la mission de l’Église.
Aucun but ni objectif n’atteint la plénitude.
Voilà de quoi il s’agit :
Nous plantons des graines qui un jour germeront
Nous arrosons les graines déjà plantées sachant que d’autres en
prendront soin.
Nous posons les bases de ce qui se développera.
Nous mettons le levain qui multipliera nos capacités.
Nous ne pouvons pas tout faire, mais commencer nous apporte un
sentiment de libération.
Cela nous donne la force de faire quelque chose, et de la faire bien.
Cela peut rester incomplet, mais c’est un début, un pas sur un chemin.
Une opportunité pour que la grâce de Dieu entre et fasse le reste.
Nous pouvons ne jamais voir son achèvement, mais c’est la différence
entre le contremaître et l’ouvrier.
Nous sommes des ouvriers, non pas des contremaîtres, des serviteurs,
non pas le messie.
Nous sommes les prophètes d’un avenir qui ne nous appartient pas.[2]
Avec ces pensées, avec ces
sentiments, je vous souhaite une sainte année de grâce et de miséricorde !
Michel STEINMETZ †
[2] Prière communément
attribuée au bienheureux Oscar Arnulfo Romero, mais qui a été prononcée pour la
première fois par le Cardinal John Dearden, citée par le Pape François lors des
vœux à la Curie, 21 décembre 2015.
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