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mardi 27 octobre 2015

Homélie de la solennité de Tous les saints - 1er novembre 2015

La liturgie nous suggère que ceux que nous fêtons aujourd’hui, tous ceux-là qui nous ont précédé et vivent auprès de Dieu, ont vécu les béatitudes au cours de leur vie dans ce monde, ou du moins en ont vécu quelque chose. Ces hommes, ces femmes étaient-ils donc des gens extraordinaires, leur vie était-elle différente du quotidien de nos propres vies ?
 
Nous  sommes toujours touchés par la beauté de ce texte, et en même temps inquiétés par son caractère paradoxal, qui prend à contre-pied notre perception spontanée des choses. Observons d’abord que deux des béatitudes sont au présent, alors que les autres sont au futur : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux », et « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ». Que signifie ce présent ? Jésus a annoncé que le Royaume de Dieu est déjà présent parmi nous ; il est là comme une semence, comme un germe, il est commencé – saint Jean le rappelait dans la première lecture. Il a montré par sa manière d’être et de faire comment le Royaume est déjà là. Dans l’accueil et la reconnaissance de la dignité de chacun, dans les paroles et les gestes qui redonnent sens à la vie, en faisant confiance à Dieu, en laissant la bonté de Dieu transparaître dans sa manière de faire. Finalement, il nous a montré que notre vie peut être un reflet de ce qu’elle est réellement : image et ressemblance de Dieu.
Les autres béatitudes sont au futur, celles qui évoquent les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux et les cœurs purs, les artisans de paix. Pourquoi le futur ? Parce que nous sommes en chemin : le monde est fait de contradictions, il est bien loin d’être un monde heureux pour tous. Et notre vie elle-même est marquée, pour une part, par la souffrance, la déception, les échecs et les affrontements douloureux aux autres. Mais Jésus nous dit qu’il y a une façon de vivre tout cela en s’appuyant sur Dieu qui est porteur de promesses de vie : dans l’épreuve et la contradiction, nous pouvons lui faire confiance. Faire cette confiance dans la non-violence et la recherche incessante de justice et de paix pour tous, alors qu’on sait bien qu’il y a là un objectif dont la réalisation nous dépasse. Faire confiance, parce qu’on ose croire et espérer que Dieu ne nous lâchera pas et que sa vie est plus porteuse et ouverte que le mal du monde. Cette confiance est un bonheur de vivre qui donne de tenir debout, car Dieu accomplira ses promesses.
 
Il est  bien vrai que ces béatitudes contredisent frontalement certains traits majeurs de l’esprit du monde, aujourd’hui comme autrefois. La fête de tous les saints nous dit que le monde ne se réduit pas à cela. La multitude que nous fêtons ce jour, saints des autels et saints dans le cœur de Dieu, ont vécu quelque chose des béatitudes, bien souvent sans même en avoir conscience. Et pour eux, Dieu a accompli ses promesses de bonheur. Ils n’étaient pas fondamentalement différents de ce que nous sommes, ils n’étaient pas infiniment meilleurs, ils ne vivaient pas une sainteté inaccessible. Nous pouvons être, nous sommes sans doute déjà, modestement, de ces saints, bien que ce que nous serons n’apparaisse pas encore clairement. Ce message est donc un appel qui nous est adressé : ayons le cœur assez pur, le regard assez bienveillant que pour reconnaître chez ceux qui nous entourent, ceux avec qui nous vivons, l’un ou l’autre trait de ces béatitudes qui est déjà vécu par eux et qui est source de sens, de vie, de bonheur pour eux et pour les autres.
 
Si cette multitude inconnue et oubliée, si cette foule innombrable de toutes races, cultures, langues et nations, comme le dit l’Apocalypse, participe en plénitude au Royaume de Dieu, ne nous méprisons pas nous-mêmes : malgré nos limites, nos faiblesses, nos défaillances et les failles qui nous traversent et dont nous souffrons, l’esprit des béatitudes habite aussi en nous, de façon fragile sans doute, par moments comme une flamme vacillante, et par moments de façon plus claire. C’est sous ce jour-là que Dieu nous considère avec bonté et nous accueille.
 
AMEN.
 
 Michel Steinmetz

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