"J'ai vu une foule immense
que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et
langues". On les appelait les
saints. C’est l’Eglise aux cent visages qui se montre sous son beau jour. Ce
sont des gens qui ont marqué autrefois de leur empreinte toute une époque ou
une région. Témoins de Dieu, qui vécurent dans le passé ou d’autres qui furent
créés de toutes pièces par l’imagination populaire. Martyrs ou confesseurs de
la foi, des célibataires, évêques ou prêtres, des femmes, vierges ou veuves,
des gens mariés. Des saints religieux : bénédictins, franciscains, dominicains,
jésuites et autres, proposés comme modèles aux membres de ces institutions.
Fête de tous les saints : c’est
l’Eglise qui donne l’image de ce qu’elle fut : majesté des visages aux
portiques de nos cathédrales et mièvrerie de tant de nos statues et de nos
images pieuses ! Témoins qui nous conduisent à Dieu et saints à qui l’on tente
de soutirer des faveurs ou des miracles. Ceux que le peuple de Dieu reconnaît
spontanément et ceux que Rome hésite à canoniser, parce qu’ils ont un défaut ou
peuvent être gênants. Autant de visages dans lesquels nous pouvons nous
reconnaître et qui correspondent si bien à ce que nous sommes, ou ce que nous
désirons être.
Il y a peut-être bien longtemps
qu’ils ont quitté ce monde. On les appelle les saints et on les dit heureux.
Mais n’est-ce pas un rêve ? Je ne sais si vous vous êtes déjà posé la même
question que moi. Je dois l’avouer : il m’est arrivé de de me demander si l’on
ne me faisait pas miroiter un avenir meilleur pour m’endormir, pour nous aider
à supporter la vie sur cette terre, la souffrance et les épreuves. Je me suis
demandé, si l’Eglise n’enseignait pas : « Sois sage et espère. Le bonheur,
c’est pour un autre monde, c’est pour plus tard, c’est pour demain. Dieu te le
rendra au centuple ». Il pouvait alors me sembler que le bonheur, c’est
toujours pour demain.
Et puis, quand cette idée m’a
traversé l’esprit, j’ai décidé d’écouter ce que Dieu nous dit, de regarder ce
que Jésus a vécu, de m’émerveiller devant ce que l’Evangile a produit et ne
cesse d’engendrer aujourd’hui. Voir des gens qui renaissent dans la découverte
du Christ, qui retrouvent leur dignité dans le pardon qui leur est offert, qui
donnent leur vie pour les autres. Quand Jésus instruit ses amis sur la
montagne, il invitait au bonheur. « Soyez heureux, disait-il en substance, pas
demain mais aujourd’hui. Ne vous laissez pas dominer par l’argent. Ne vous
laissez pas tenter par le pouvoir. Osez plutôt vous ranger du côté des plus
faibles. Vivez le partage, la solidarité. Acceptez volontiers le peu que les
petits et les autres vous offrent en gage de leur amour. Exigez la justice pour
tous. Soyez doux et assez forts pour ne pas vous élever contre ceux qui ne vous
acceptent pas. Efforcez-vous de pardonner pour que l’ennemi d’hier soit l’ami
d’aujourd’hui. Soyez allergiques à toute forme de violence, car la violence appelle
nécessairement la violence. Arrêtez donc son escalade. Vivez comme des gens
libres, respectant les droits des autres et leur permettant aussi de s’exprimer
librement. Si vous faites cela, vous serez heureux, pas demain, mais dès
aujourd’hui. » Jésus lui-même connaissait le bonheur de vivre ainsi ! Si ses
disciples ont bien retenu ses invitations, c’est qu’ils avaient eu la chance de
vivre avec lui, qui chaque jour de son existence, les mettait en pratique.
J'ai compris alors que ce n’était
pas un rêve. Car, ils étaient vivants ceux qui cherchaient ainsi le bonheur
ici-bas, qui le répandaient et qui le partageaient, jusqu’à leur dernier
souffle au moment de quitter cette terre. Ils faisaient des heureux. Et ils
inauguraient le grand rassemblement de toutes les nations, races, peuples et
langues. Le grand rassemblement des hommes que Dieu aime parce qu’ils lui ressemblent.
Un monde tout nouveau.
Michel STEINMETZ †
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