Imaginons la scène. Jacques et Jean, les fils de Zébédée,
sont des braves gens. Ils ont trouvé leur maître. Celui-ci parle d’un Royaume
qui se met en place. Ils préparent leur avenir. C’est naturel. Jésus, lui, a
annoncé à ses disciples, et pour la troisième fois, sa Passion et sa
Résurrection maintenant toute proche. Plus les jours passent, plus il sait
comment va s’écrire l’histoire. Ses disciples ne comprennent toujours pas. Ils
sentent bien que quelque chose se prépare : « ils étaient effrayés
et avaient peur », nous rapporte saint Marc. C’est dans cette
imminence, dans cette urgence, que Jacques et Jean se décident à interpeller
Jésus : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande ».
Et quelle est-elle cette demande : plus qu’un portefeuille ministériel au
prochain remaniement, siéger à la droite et à la gauche de Jésus dans son
Royaume !
Quoi de plus
légitime, de plus normal, de plus compréhensible que de préparer son avenir, et
qui plus est lorsque les temps sont troubles, incertains ? N’avons-nous
pas connu pareille tentation ? Faire jouer du piston, comme on dit, pour
arriver à tel ou tel poste, pour avoir, enfin, un avenir assuré et tranquille,
pour avoir, peut-être même, le pouvoir et être servi ? Ne jetons pas trop
vite la pierre à Jacques et Jean ! Leur demande est légitime. N’en
n’aurions-nous pas fait autant ?
"Vous ne savez pas ce que vous demandez ! ».
Voilà la réponse de Jésus. Il recadre les choses. Siéger à la droite et à la
gauche du Fils de l’Homme, ce n’est pas rien ! Le Christ rappelle, si
besoin était, que d’accorder cela ne lui revient pas mais relève de
l’initiative du Père. Lui-même se reçoit du Père et reçoit de lui son pouvoir. Boire
à la coupe que Jésus s’apprête à boire, recevoir le baptême dans lequel il va
être plongé, voilà les conditions sine qua non pour accéder au Royaume.
La coupe est souvent, dans l’Ancien Testament, un symbole de la
souffrance ; à cette image, Marc ajoute celle du baptême, qui désigne la
mort à soi-même pour la renaissance en Dieu. Jésus, en effet, ne vient-il pas
d’annoncer pour la troisième fois, sa Passion, alors même que, déterminé, il
fait route vers Jérusalem ?
Jacques et
Jean réponde à l’interrogation de leur maître de manière on ne peut plus
claire : « Nous le pouvons ». Et ils le pourront, en
effet : leur vie de foi toute entière vouée à l’annonce de l’Evangile et
couronnée par la gloire du martyre n’en est-elle pas l’expression
parfaite ? Ils ont persévéré, ils ont tenu fermes. « A cause de
ses souffrances [ ou, comme nous le suggère un autre traduction : ayant
payé de sa personne], le Serviteur verra la lumière, il sera comblé »,
nous dit le prophète Isaïe.
Isaïe parle de « payer de sa personne ».
Peut-être est-il bon de nous rappeler de temps à autre que venir en aide à
nos frères, se faire le serviteur de tous demande toujours un effort. Le Christ
nous invite, pour le rencontrer, à nous faire solidaires les uns des autres. Il
nous exhorte, comme il le faisait pour Jacques et Jean, à boire avec lui la
coupe du salut, c’est-à-dire non à courir au devant des souffrances ou de faire
de notre volonté de service l’étendard de notre vanité, mais à persévérer dans
la foi.
Alors nous comprendrons, au
travers, parfois, d’âpres moments de combat et de purification intérieure, que
c’est celui qui persévèrera jusqu’à la
fin qui sera sauvé. Il y a de plus de joie et de bonheur à donner sa vie pour
les autres que de rester renfermer sur sa petite personne. Nous ne serons sans
doute pas dans la tonalité exacte à laquelle nous convie sans cesse la société,
mais nous vivrons de la joie et de la paix du Christ, des valeurs sûres qui,
elles, ne passent pas. Cette gloire-là vaut pour l’éternité !
"Pouvez-vous boire au calice où je vais boire ? »
C’est-à-dire : êtes-vous prêts à donner votre vie pour vos frères par-delà
toute souffrance ? Voici la question que nous retiendrons avec cette
consigne : en attendant la gloire, mettez-vous au service de vos
frères ! Voilà la seule manière d’imiter le Christ et de lui ressembler,
la seule manière de ne pas se tromper quoi qu’il advienne !
AMEN.
Michel Steinmetz †
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