La quatrième partie
du Sermon sur la Montagne, que nous suivons maintenant depuis plusieurs
dimanches, aligne les mises en garde contre les cinq principaux obstacles qui
empêchent de vivre selon l’Evangile et de pratiquer les Béatitudes. La liturgie
de ce dimanche nous en présente les deux premières.
Terrifiante puissance de cet argent, instrument indispensable pour les
échanges et le commerce, mais qui insidieusement tend toujours à prendre la
première place au point de devenir le maître, le seul et vrai rival de Dieu. Chassant
les appréhensions, permettant facilités de vie, confort, luxe et voyages, l’argent
peut devenir le dieu que l’on sert. Car on rêve de ce qu’on n’a pas encore, on
envie ceux qui jouissent de biens qui nous manquent si bien qu’on souffre de
n’avoir jamais assez.
Par mauvaise conscience, on donne une pièce à un mendiant, on verse un
peu à une organisation caritative ; on appelle « charité » ce qui n’est même
pas un début de « justice ». Mais en fin
de compte, c’est bien l’Argent qui dicte les décisions importantes. La mise à
sa place de l’Argent est une mission prioritaire : tous les évangiles le
soulignent ! Servir l’argent, c’est se détourner du vrai culte de Dieu. La Vie
ou la Mort, il faut choisir.
« C'est pourquoi je vous dis : Ne vous faites
pas tant de soucis pour votre vie… Cherchez d'abord son Royaume et sa justice,
et tout cela vous sera donné par-dessus le marché. »
Evidemment il y a des soucis normaux auxquels nul ne peut échapper :
la santé, la vie de famille, l’avenir des enfants, la justice sociale, la vie
de son pays, la marche de son entreprise…
Quand Jésus lance
trois fois le même impératif « Ne vous faites pas tant de soucis », il vise
trois domaines – la nourriture, l’habillement et l’avenir – et il avertit non
de ne pas s’en soucier du tout mais de ne pas en être obsédé. L’accent est mis sur
« tant de … ». A nouveau, ces mises en garde prennent une grande actualité
quand, excités par les médias et l’opinion publique, nous devenons obnubilés
par « la bouffe » et « la mode ». « Il faut aller manger chez X… J’ai
acheté ces vêtements chez X…Comment ! Tu n’es pas allé à … ? » Que
d’enfantillages ! Jésus nous questionne : « Votre bonheur dépend-il donc de
tout cela ? ».
Ce
qui est grave spirituellement, c’est que ces soucis nous enferment dans le plan
matériel (indispensable mais non excessif) et révèlent un manque de confiance
en Dieu. Nous accaparons afin de nous rassurer à tout prix. Nous doutons de la
Providence ! Jésus exhorte ses disciples à vivre comme son Père l’avait demandé
aux Hébreux traversant le désert : la manne était donnée au jour le jour, sans
faire de provisions. Et il nous fait prier : « Donne-nous aujourd’hui notre
pain de ce jour… »
Pour
ne plus être « des hommes de peu de foi », Jésus ne nous demande pas de prendre
de bonnes résolutions (qui s’écroulent souvent comme des châteaux de cartes)
mais de rectifier et d’attiser « notre souci », à diriger notre passion vers l’essentiel
: ayez souci du Règne de Dieu d’abord.
Remettez
toujours Dieu à la première place. Demandez-vous : que faire pour que Dieu – et
non l’argent ou une autre idole - règne sur les conduites ? Quelle décision
prendre pour qu’une brèche soit faite dans les montagnes du matérialisme et que
luise un reflet d’un Dieu qui est Père ?
Le
chrétien devient alors « autre » que les autres : le début du Sermon sur la montagne
ne disait-il pas : « Vous êtes le sel de la terre » ? La foi ne se
réduit donc pas à une profession de dogmes, à des croyances et à des rites :
elle est confiance. Le carême qui commence ce mercredi nous apprendra à jeûner
de nos appétits.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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