Au carnaval, le monde se déguise et se masque. Tout au
contraire, pour le carême, Jésus propose à ses disciples d’enlever leurs
masques, de se livrer, nus et libres, à Dieu. C’est pourquoi nous reprenons ce
chemin non pour comptabiliser des petites privations mais pour chercher la
vérité. Non pour prendre un air renfrogné mais pour manifester la joie de la
foi.
Jésus, après son baptême, fut conduit au
désert par l'Esprit pour être tenté par le démon. A l’issue de son baptême par
Jean, Jésus a compris et accepté la mission d’inaugurer sur le champ, comme
Messie, le Royaume de Dieu chez les hommes. A l’écart de tous, Jésus va
réfléchir dans la terrible solitude du désert. L’Esprit l’y pousse précisément
parce qu’il se doit de reprendre l’itinéraire de son peuple qui, jadis baptisé
(plongé) dans les eaux de la mer Rouge, s’était enfoncé dans le désert du Sinaï
pour y subir l’épreuve du feu. La tentation est racontée sous la forme
de trois scènes composées de la même manière : une suggestion du diable et une
réponse de Jésus tirée de l’Écriture (trois citations du Deutéronome).
Première tentation : avoir
La première tentation, celle du pain,
est du domaine de l’avoir ; elle vise la satisfaction immédiate du désir
matériel. C’est la tentation d’Ève prenant le fruit (Gn 3,6) ou du peuple
voulant stocker la manne (Ex 16,19-20). La réponse de Jésus, tirée de
Deutéronome (8,3), oppose au pain la Parole, car la citation complète dit :
«L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la
bouche du Seigneur». Manière de rappeler qu’il y a d’autres biens plus
désirables que les biens matériels. Il est à noter que Jésus ne triche pas
avec la condition humaine et refuse de faire des miracles dans son propre
intérêt : il éprouve la faim ; mais il sait aussi affirmer : « Ma
nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 4,34).
Deuxième tentation : araître
Cette deuxième tentation, celle des
royaumes, consiste à renier Dieu pour suivre des idoles assurant la puissance.
C’est la tentation du premier homme désobéissant à l’ordre de Dieu pour suivre
la suggestion du serpent (Gn 3,6) ou du peuple adorant le veau d’or (Ex 32,4),
la tentation du pouvoir. Jésus répond par une citation de
Deutéronome 6,13, montrant que l’homme est fait non pour asservir le monde ou
s’y asservir sous prétexte de le dominer, mais pour servir Dieu dans la
liberté. Le refus des royaumes de la terre ouvre l’entrée dans le vrai Royaume,
celui des béatitudes.
Cette fois-ci, c’est au tour du diable
de citer l’Écriture, en l’occurrence le psaume 90. Le diable reconnaît bien
Jésus comme Fils de Dieu, mais il lui propose subtilement d’utiliser sa
puissance pour réussir sa mission, mais en le détournant de Dieu. Jésus refuse.Cette troisième tentation, celle des
prodiges, consiste à vouloir capter et utiliser la puissance divine à son
profit, pour se satisfaire ou pour avoir barre sur les autres en les captivant
ou les séduisant. C’est la tentation d’Adam et Ève voulant « être comme des
dieux ;» (Gn3,5), ou celle du peuple, à Massa et Meriba, mettant Dieu à
l’épreuve en demandant des miracles (Ex 17,7 ; cf. Ps 78,19). La réponse de Jésus, empruntée à
Deutéronome (6,16), rappelle l’interdit de la mise à l’épreuve de Dieu ; elle
indique surtout déjà que lui-même va refuser d’utiliser sa puissance pour
donner des signes (Lc 11,29), et refuser de demander un miracle pour sauver sa
vie.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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