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vendredi 8 mars 2013

Homélie du 4ème dimanche de Carême (C) - 10 mars 2013

En ce dimanche, nous avons la joie de réécouter une des plus émouvantes paraboles de Jésus. Pour la comprendre, il importe au préalable de remarquer qu’elle surgit dans une situation de conflit.
Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui: « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et il mange avec eux !». Alors Jésus leur dit cette parabole: « Un homme avait deux fils...»
Le père est évidemment l’image de Dieu et les deux fils correspondent aux deux groupes qui entourent Jésus.

I.- L’abandon de Dieu

Avec quelle impatience il attendait ce jour ! Il lui était devenu insupportable de rester plus longtemps dans cette maison : le poids du père l’étouffait. Exiger son héritage, c’était comme vouloir la mort du père. Il voulait être adulte, décider à sa guise, ne plus obéir à un maître, cesser d’obéir comme un gosse. Et il s’en alla, loin, le plus loin possible. Enfin il se sentait libre, indépendant, autonome. Avoir, posséder : c’est la toute-puissance arrachée à Dieu. Mais le pays loin de Dieu, le monde de la non-foi, conduit à des lendemains qui déchantent. Quand l’homme veut « s’éclater » comme on dit, il arrive toujours un moment de saturation, de dégoût. Lorsque la liberté devient licence, elle bascule dans l’esclavage. L’homme devient misérable, dépouillé, sans ressources. Ainsi, en quelques mots, Jésus esquisse l’horreur d’une société qui veut s’édifier sans le Père : elle promet tous les plaisirs, la fin de ce qu’elle appelle « l’aliénation religieuse », la suppression des interdits, l’épanouissement, l’explosion sans frein de la vie et elle se révèle une jungle où un jeune nanti peut assouvir ses passions en multipliant les partenaires, où un patron peut faire fortune en réduisant son personnel en esclavage. Dans ce « pays », l’homme y est un loup pour l’homme.
Mais quand perce la conscience du désastre, il peut commencer à penser. Aucune honte sur sa conduite, aucun remords d’avoir peiné son père. S’il envisage de rentrer, c’est parce qu’il y est forcé. En route, il se demande, anxieux, si son père l’acceptera. Ne va-t-il pas lui claquer la porte au nez, le chasser avec colère, le punir durement ?

II.- Découvrir enfin le vrai visage de Dieu

Lorsque nous avons tourné le dos à Dieu, que nous nous sentons voués à la mort, que nous craignons le châtiment éternel, voici au contraire que nous découvrons le Père qui se révèle dans sa tendresse infinie. Le père est certes affligé par le départ de tant de ses enfants mais il ne les ramène pas de force. Comme dit Péguy, Dieu ne veut pas « des prosternements d’esclaves ». Et s’il n’exige pas « la contrition parfaite », il faut au moins que l’homme perdu bégaie un appel, manifeste un début de démarche. Mais dès qu’il le perçoit, Dieu est ému, bouleversé. Le sentiment du père n’est pas la «pitié» mais la miséricorde.
Le jeune murmure un début d’aveu: « Père, j’ai péché, je me mérite plus...». A celui qui présente les blessures de ses fautes, Dieu ne peut que tendre les bras. Que son enfant soit à ce point abîmé par le péché lui est intolérable ; il le restitue dans sa beauté.
« Bienheureuse faute qui nous valut un tel rédempteur », nous fera chanter l’Exultet de la nuit pascale, bienheureuse faute qui nous libère des caricatures de Dieu pour enfin le découvrir comme un Père qui veut la gloire de ses fils. L’Eucharistie à laquelle nous prenons part est le banquet de la joie où le Père nous convie et où le Fils se donne pour la multitude.

III. – La pratique sans cœur

Mais il y a l’autre, l’aîné ! Il est demeuré à la maison : fidèle, droit, travailleur, bon pratiquant. Lorsqu’il apprend que le père a organisé un festin pour fêter le retour de son frère, il se met en colère et refuse d’entrer. A son père sorti à sa rencontre, il crache sa hargne. Il enrage : il s’est toujours efforcé de mener une vie obéissante, avec beaucoup de sacrifices, dans la routine des jours, et voilà que le père organise une grande célébration pour fêter le retour du débauché. A quoi sert-il donc d’être un bon croyant ? Mais Dieu ne partage pas nos conceptions mesquines : il n’est pas un roi qui punit ses sujets félons, ni un patron qui chasse un employé. Il est Père de façon irrémissible.
L’aîné non plus n’avait pas compris Dieu : il obéissait avec une mentalité servile sans jouir de sa liberté, sans goûter le bonheur de croire et de demeurer dans la Vie.

Oui, le cadet a très mal agi, mais pour Dieu il ne peut y avoir de conduite impardonnable. Ce fils a été très malheureux, il a eu désir de rentrer, il a reconnu son péché : cela suffit pour que son père soit bouleversé. Son frère vit et il n’en est pas heureux ? Alors que va faire l’aîné ? On attendrait qu’il comprenne, qu’il entre dans la maison pour aller embrasser son cadet et se joindre à l’allégresse générale. Eh bien non, la parabole finit mal, sur un échec de Dieu. Le refus du pardon au frère est pire que la débauche.
Et nous, face au Père, qui serons-nous ?

AMEN.

Michel STEINMETZ †

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