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samedi 2 mars 2013

Homélie du 3ème dimanche du Carême (C) - 3 mars 2013

Ce passage du livre de l’Exode que nous entendions est un des plus mystérieux et un des plus essentiels de toute l’Ecriture sainte. Moïse garde le troupeau de son beau-père, chez qui il habite. Rien de plus quotidien pour un berger que d’être avec ses brebis. Mais au milieu de cette vie quotidienne, Moïse voit quelque chose d’extraordinaire, un buisson qui brûle sans se consumer. Et bientôt, il se trouve en conversation avec Dieu. Il n’y rien de plus impossible.

Dans le contexte du Carême, l’importance de ce passage est que Dieu y annonce qu’il va libérer son peuple ; c’est une libération qui préfigure la libération qu’effectue Jésus par sa passion, sa mort et sa résurrection. Mais il y a dans ce texte un mystère encore plus profond et essentiel que cela, et c’est le mystère de Dieu lui-même. Cette conversation avec Moïse est le moment où Dieu se présente, où il se révèle, où il dévoile son nom. C’est une procédure tout à fait compréhensible. Ici, Moïse et Dieu se rencontrent pour la première fois, et il est normal que Dieu, qui connaît déjà le nom de Moïse, lui donne le sien. Désormais, Moïse va connaître Dieu, il faut donc qu’il connaisse son nom. La connaissance du nom d’une personne est normalement un élément intégral de la connaissance de la personne elle-même. C’est en employant le nom de quelqu’un qu’on dialogue avec lui, qu’on pense à lui, qu’on parle de lui, et qu’on le connaît de plus en plus. Qui accepte de dévoiler son nom, de sortir de l’anonymat, accepte de se livrer à l’autre et d’entrer pleinement en relation avec lui.

Mais le grand mystère de cette rencontre est ceci : le nom que Dieu révèle à Moïse n’est pas un nom. Il dit simplement "Je suis celui qui suis". Même cette traduction n’est pas certaine. L’hébreu pourrait signifier également "Je suis ce que je suis", "Je serai ce que je suis", "Je suis celui qui je serai", etc. Si Moïse souhaite savoir qui est ce dieu avec qui il parle, la réponse "Je suis celui qui suis" n’est pas une réponse. Moïse ne connaîtra jamais le vrai nom de Dieu ; il saura seulement que ce dieu est celui qui est. Dieu, en se révélant à Moïse, révèle effectivement qu’il est inconnaissable, qu’il n’a pas de vrai nom ; il est impossible de lui imposer une étiquette qui corresponde à qui il est. Dieu est en soi mystérieux ; il n’est pas qu’inconnu, mais il est inconnaissable. Quand nous parlons de Dieu, nous parlons de celui que nous ne comprenons pas entièrement. Dans l’Ancien Testament, en parlant de Dieu on remplace toujours ce nom qui n’est pas un nom par le titre ‘le Seigneur’. On impose cette étiquette maniable à Dieu, mais elle se décolle tout le temps, la réalité de Dieu est trop glissante, trop insaisissable, pour qu’elle colle. Il en va de même pour le mot ‘Dieu’ que nous employons fréquemment. On commence à comprendre Dieu seulement quand on sait et accepte qu’Il est incompréhensible. C’est pourquoi, pour les juifs, il était toujours interdit de faire une image de Dieu. Toute image de Dieu est trompeuse ; non seulement elle ne correspond pas à la réalité de Dieu, mais elle peut aussi nous faire croire qu’elle y correspond et nous fourvoyer ainsi. Une image de Dieu est toujours une fausse image de Dieu, et elle devient facilement l’image d’un faux dieu. Il en va de même pour toutes nos images verbales. Quand Dieu accepte de donner son nom, de se révéler, ce qu’Il dit de Lui-même nous fait comprendre qu’on ne peut mettre la main sur Lui. On ne peut l’emprisonner dans ce que nous croyons connaître de Lui. Et quand nous pensons qu’Il rentre enfin dans nos catégories, c’est tout simplement que nous l’avons réduit à notre propre mesure, avec le danger de l’idolâtrie.

Entrer dans la relation avec Dieu et reconnaître qu’Il est toujours plus grand que ce nous pouvons en penser ou en dire doit nous remplir de joie. Parce que ce Dieu grand et indicible est le Dieu qui nous appeler à nous dépasser nous-mêmes, sans cesse, pour croître à sa mesure. Dieu nous invite à entrer dans son mystère. Il nous invite, avec patience, par notre baptême à mourir à nous-mêmes pour ne faire qu’un avec Lui.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

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