Lorsque - sans doute
vers l’an
28 de notre ère - un certain Jean se met à prêcher et à proposer un baptême
dans les eaux du Jourdain afin d’obtenir le pardon des péchés, cette initiative
inédite étonne et scandalise puisque, selon la Loi, le pardon de Dieu ne peut
être obtenu que par des sacrifices d’animaux et certains rites précis célébrés
au Temple. Jean, fils de prêtre, effectue donc une rupture, un passage du «
prêtre » au « prophète » en reprenant le geste que le prophète Elisée avait
requis du général syrien Naaman pour obtenir la guérison de sa lèpre (2 Rois
5). En se plaçant à la frontière du pays et sur la rive orientale du fleuve,
Jean propose à son peuple un nouvel « exode » car son baptême n’est pas une
simple ablution statique, une bénédiction mais un « passage » dangereux : les
candidats juifs doivent sortir du pays pour rejoindre Jean, retraverser le
fleuve frontière et rentrer en Israël. Ils vont retrouver leur milieu, leur
famille, leurs occupations mais vont-ils « se convertir » ? Auront-ils le courage
d’adopter la manière de vivre telle que Jean leur a enseignée ?
Jean les observe et il prend
conscience de l’inefficacité de son baptême, de l’insuffisance de sa mission :
c’est pourquoi il tourne son auditoire vers l’arrivée d’un « autre » qui réalisera
ce qu’il échoue à faire. Luc présente le baptême de Jésus comme l’aboutissement
de la démarche populaire mais, pour lui, il ajoute une note capitale : « Il
priait ». Au contraire de la plupart des gens qui ont effectué le rite sans
s’interroger davantage, Jésus, lui,
prend ce bain avec sérieux : un rite n’est pas magique, il ne cause pas son
effet de façon automatique car il doit être assumé par son bénéficiaire. Ayant
traversé l’eau, Jésus ne se juge pas quitte : en silence il se met à la
disposition de son Dieu.
"Le ciel
s’ouvrit. » Depuis quelques siècles, « le ciel » semblait fermé :
Dieu était silencieux, il ne parlait plus par ses prophètes et voilà que, au
sein de la supplication intense de la prière de Jésus, la communion avec Dieu
est rétablie. « L’Esprit-Saint, sous une apparence corporelle, comme une
colombe, descendit sur Jésus… ». Il y a trois références à d’autres
moments du Salut : à la Genèse, lorsque l’esprit de Dieu planait sur les
eaux (Gn 1, 2) ; au Déluge, lorsque la colombe en vint annoncer la fin,
avec un rameau d’olivier dans son bec (Gn 8, 11) ; dans le Cantique des
Cantiques, où la Bien-aimée, symbole du peuple élu, est appelée « ma
colombe » (Ct 2, 14).
Voilà pourquoi Jésus est «
plus puissant » : parce qu’il a reçu l’Esprit, la Force, l’Amour Infini de son
Père, il peut ouvrir le Royaume, donner naissance à une humanité nouvelle. Jean
ne pouvait qu’exhorter, faire la morale : Jésus, lui, spiritualise, divinise.
Dès l’origine, la foi
chrétienne n’est pas un sentiment privé : elle doit être une entrée dans une
communauté concrète par le rite du
Baptême. Aujourd’hui on voudrait volontiers nous faire croire le contraire et
nous convaincre toujours plus que nous devons vivre notre foi, dans notre coin,
en catimini, sans surtout en témoigner pour ne choquer personne… Quand Dieu se
révèle dans le baptême de son Fils au Jourdain, il est entendu que le Christ
n’a pas besoin en lui-même d’être baptisé, purifié de ses fautes. Il est sans
péché. Mais si le Christ consent à passer par les eaux du Jourdain, c’est pour
nous. Ce jour-là, c’est toute notre humanité, qu’il a prise sur lui, qui est
appelé à se laisser réconciliée avec Dieu. Cela, il le rend possible en sa
personne. Dès lors, comme le dit saint Paul : « Lorsque Dieu notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son
amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos
propres actes, mais par sa miséricorde ».
Quand nous sommes baptisés,
nous passons ainsi – et chacun de nous – à la rive d’une vie nouvelle. Elle est
désormais à notre portée, cette vie de Dieu. Ne nous perdons pas en
chemin ! Ne perdons pas courage au milieu des eaux ! Il nous appelle
et nous attend pour notre renaissance !
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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