Homélie prononcée dans le cadre de l'assemblée générale de l'Union Sainte Cécile du diocèse de Strasbourg
Pour comprendre
exactement le message de Jésus, dans cette scène de l’évangile, il nous faut d’abord
comprendre qui sont les acteurs en présence et le sens de cet impôt à César
pour le juif pieux de l’époque. Les Hérodiens, farouches partisans de la dynastie
des Hérodes qui occupent leur fonction par la grâce de Rome, sont résolument du
côté de l’occupant romain. Les Pharisiens, eux, sont simplement soucieux de
trouver un compromis avec Rome et de garder leur indépendance religieuse.
Cependant, les deux groupes se liguent, une fois n’est pas coutume, à propos de
la très célèbre controverse sur les impôts civils. Tout comme nous, les Juifs
étaient sujets à de multiples impôts dont l’impôt religieux, la dîme au temple
et ceux dus à l’Etat romain étaient les plus importants. Les Juifs ne
rechignaient pas trop à s’acquitter des premiers, expression de leur foi et de
leur piété. En revanche, les autres étaient mal supportés et surtout des
pharisiens. En effet, ceux-ci consistaient en un impôt foncier sur les terrains
et les propriétés. Or, la Terre Sainte et Promise, était, pour eux, propriété
de Dieu et non de l’Empereur.
Jésus est habilement
piégé. Ne pas payer, c’est être un mauvais citoyen, payer c’est être un citoyen
impie ! Dans un cas, c’est le triomphe des hérodiens, dans l’autre celui des
pharisiens ! Mais Jésus dénonce là une manœuvre hypocrite et perverse. Quand
Jésus se fait apporter un denier, il est bien démontré que ni lui ni ses
disciples n’ont cet argent sur eux, tandis que les pharisiens, soi-disant
opposés à Rome, eux, en possèdent. Quand Jésus renvoie à César ce qui lui
appartient et à Dieu ce qui lui revient, il nous livre la véritable leçon de
cet épisode. Il y a autre chose à faire qu’à controverser entre soi à propos de
l’impôt.
La seule chose qui
compte, le plus important, c’est de se situer face à la prédication de Jésus,
pour ou contre Dieu, ouvert ou fermé au Royaume dont Dieu le Père est le Roi et
Jésus le prophète. Par le baptême, le chrétien est citoyen du ciel. Et seul
Dieu y règne, non par des impôts mais par sa grâce de lumière et d’amour. L’Etat
est renvoyé à sa caducité, sonore et trébuchante. L’homme est renvoyé à sa
vraie nature qui est d’être à l’image de Dieu. Si le denier est frappé à l’effigie
de César, le chrétien, lui, est crée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous
le savons depuis le livre de la Genèse quand Dieu fait l’homme et la femme à
son image et à sa ressemblance. L’image de Dieu, c’est l’humain, c’est le
visage par excellence de son Fils, Jésus. Etes-vous décidé à lui appartenir
aussi totalement que ce denier appartient à Tibère ? Voilà la conversion que
Jésus attend de nous tous.
Cet épisode nous
rappelle notre dépendance totale par rapport à Dieu. Il ne s’agit pas de
fabriquer des dieux à notre image, surtout celle de l’argent, mais de découvrir
que la seule image de Dieu, c’est nous. A nous d’en témoigner. Essayons de ne
pas être un reflet de Dieu trop flou mais bien plutôt, un reflet exaltant et un
instrument possible de générosité et de fraternité, afin que le monde en arrive
à aimer la lumière de Dieu, à travers nous. Dans un monde où l’argent est
devenu un dieu, donnez une autre image que celle d’être ses vassaux demande l’Evangile.
Il nous propose une autre manière de vivre. Que le souci du bien-être personnel
ne nous fasse pas oublier celui des autres ! Le denier, l’argent, César sont
les symboles et les signes d’une vie bouclée sur elle-même et aux antipodes de
la richesse vitale de la vie Eternelle. Si la préoccupation angoissante des
biens terrestres nous distrait des valeurs évangéliques, c’est que nous rendons
à César des devoirs que nous devons à Dieu. L’Evangile attaque le problème au
niveau le plus profond, au niveau de l’option pour Dieu. Serez-vous serviteur
du César-argent, esclave et idolâtre ou disciples de Dieu, ami et frère du
Seigneur ?
Chers amis choristes,
la même question nous est posée au cœur de l’acte de chant dans nos
célébrations. Notre chant est-il ouvert sur le Royaume de Dieu ? Est-il l’expression
de notre désir de conversion ou bien est-il seulement l’affirmation de notre
faire-valoir, de nous mettre en scène sous couvert d’un service de la foi ?
AMEN.
Michel Steinmetz †
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire