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mercredi 1 avril 2009

Notice sur l'adoration eucharistique à paraître in "Caecilia" N°3 / 2009

L'adoration eucharistique

Il faut l’avouer : l’adoration eucharistique connaît ses partisans et ses détracteurs. Mais il convient de rappeler aussi d’emblée que cette « dévotion » n’a rien d’illégitime puisqu’elle fait partie du trésor spirituel de l’Eglise et que le magistère récent l’a encore encouragé à plusieurs reprises. Par ailleurs, de nombreux jeunes redécouvrent cette dévotion et la tiennent en haute estime tout comme un moyen de dire leur identité. Aborder la question de l’adoration eucharistique demande compte de prendre en compte ces paramètres et d’opérer un discernement tout à la fois pastoral et liturgique.

Le Salut du Saint-Sacrement était célébré jadis dans les paroisses notamment chaque dimanche soit à l’issue des vêpres soit comme office propre. Cette « dévotion », puisque telle était le cas, prenait place à l’intérieur d’un ensemble de « pieux exercices » comme le chapelet ou le chemin de croix. Si les « saluts » étaient davantage célébrés de fait, le Saint-Sacrement pouvait être « exposé » plus ou moins longuement. De même, certains pieux exercices étaient célébrés avec adoration du Saint-Sacrement dont l’intérêt se portait davantage sur le surplus de solennité qu’il conférait que sur le culte eucharistique lui-même… Le Mouvement liturgique et le Concile Vatican II ont redécouvert pour l’un et réaffirmé pour l’autre l’importance de la célébration de l’eucharistie en tant que « faire mémoire » du mystère pascal du Christ et le rôle de l’assemblée comme Corps du Christ. De fait, l’exposition et le salut du Saint-Sacrement s’en trouvaient relativisés. Aujourd’hui par contre, l’adoration connaît un regain d’intérêt et de ferveur, particulièrement de la part des jeunes générations dont les motivations n’ont rien à voir ni avec celles des décennies passées ni même avec les modalités rituelles d’antan !
Il importe donc de revenir sur l’origine médiévale du culte eucharistique, puis d’opérer un discernement avant que de ne proposer quelques pistes pratiques.

I. – L’origine médiévale

Dans les premiers siècles de l’Église, on conservait du pain eucharistique, après la célébration, pour l’apporter aux mourants, pratique déjà défendue par le Concile de Nicée en 325. En ces temps où la messe n’était célébrée que le dimanche, il arrivait que des fidèles emportent chez eux le corps du Christ, pour qu’il soit chaque jour leur première nourriture. La coutume n’existait pas encore d’une « adoration du Saint-Sacrement ». C’est ce que vivent toujours aujourd’hui un bon nombre d’Églises d’Orient : on y entoure le pain consacré de gestes d’adoration, quand on le prend ou le transporte pour communier, mais on ne cherche pas à le placer de telle manière qu’il soit proposé à l’adoration des fidèles.
C’est au XIème siècle que, en certains endroits, notamment dans les abbayes clunisiennes, au lieu de garder la « sainte réserve » à la sacristie ou dans un coin de l’église, on la met en évidence sur un autel ou dans un autre lieu bien
visible. On commence alors à y entretenir une lampe allumée et à parler de « tabernacle », terme qui, dans l’Ancien Testament, désignait le sanctuaire du Temple de Jérusalem. C’était faire un acte de foi en la présence du Seigneur, en réaction aux idées déclarées hérétiques de Bérenger de Tours (+1088). Cette dévotion se répandit d’autant plus facilement que l’on ne communiait plus que très rarement et, au siècle suivant, s’est développée dans le peuple la conviction que voir l’hostie et la regarder longuement procurait autant de grâces que de la recevoir. Pour satisfaire cette requête de la piété populaire, on introduisit à la messe le rite de l’élévation et on voulut le prolonger, en dehors de la célébration, en plaçant l’hostie dans un reliquaire (origine de l’ostensoir) qui pouvait être exposé et contemplé à la manière dont on vénérait les restes des saints. La fête du Corps du Christ ou Fête-Dieu, instituée à Liège en 1252 et confirmée douze ans plus tard par le pape Urbain IV, avec sa procession solennelle, encouragea cette pratique, tout en s’efforçant de la cadrer. Car déjà à l’époque de la Contre-Réforme, l’Eglise dut réagir contre le risque d’une chosification de l’eucharistie.

II.- Un discernement pour aujourd’hui

Aujourd’hui alors que les fidèles communient à nouveau à la messe, le besoin de « voir » l’hostie n’est plus le critère pouvant justifier l’adoration, mais son bénéfice spirituel, qui s’est peu à peu imposé, demeure en tant que prolongement de l’action de grâce eucharistique et expérience de la présence du Christ à son peuple.[1]
a. L’adoration
Il convient de rappeler que le terme « adoration » désigne avant tout une attitude spirituelle dont la Bible ne cesse de se faire l’écho. La première forme d’adoration eucharistique en tant qu’expression de la foi en la présence réelle est dans la messe elle-même et par les gestes liturgiques eux-mêmes. On doit donc les valoriser (agenouillement, inclination profonde, temps de silence…).
b. Une présence
Alors que nous sommes dans un monde où l’attrait pour l’adoration eucharistique a peut-être son corollaire dans l’extrême sensibilité à la question du mal et à l’absence de Dieu qu’elle semble impliquer, il convient de valoriser que dans l’adoration, il s’agit d’abord de nous rendre présents à Celui qui est Présence. Autrement dit l’adoration eucharistique est une convocation.
c. Un marqueur de sensibilités
L’adoration connaît un regain d’intérêt depuis les années 1980-1990, sous l’impulsion notamment des communautés nouvelles. Le renouveau de cette pratique en notre temps est lié à une hyper-sensibilité à la présence réelle. Dans un monde où les identités religieuses sont mises à rudes épreuves, la recherche de marqueurs d’identité est forte. La confrontation permanente avec les autres religions valorise des marqueurs symboliquement forts et extérieurement repérables de l’identité catholique. Chez beaucoup de jeunes catholiques actuellement, l’Eucharistie, le Pape et la Vierge Marie, constituent trois marqueurs d’identité. Pour que le culte du Saint-Sacrement garde toute sa force, il convient de le penser toujours en lien avec la célébration de l’eucharistie qui en est sa source et son fondement.

III.- Des repères pratiques

Célébrer l’adoration eucharistique aujourd’hui, c’est avoir la volonté de faire ce que l’Eglise demande et non de céder à des accès de piété personnelle.
a. Le Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe [2]
Il s’agit un livre liturgique qui concerne trois aspects de la vie chrétienne : la communion en dehors de la messe ; la communion et le viatique portés au malade par un ministre extraordinaire ; les différentes formes de culte à rendre à l’Eucharistie, ce dernier chapitre traitant de l’exposition de l’Eucharistie, des processions et des congrès eucharistiques. Un dernier chapitre présente une série de lectures, de prières et de chants pour ces célébrations. On s’y réfèrera absolument !
b. Le lien à la célébration de l’eucharistie
Plusieurs pistes peuvent être évoquées pour signifier le lien avec la célébration de la messe : l’exposition du Saint-Sacrement se fait sur l’autel même où l’on célèbre la messe ; pendant l’adoration, il peut être judicieux de reprendre des textes bibliques de la messe du jour…
c. La place de la Parole de Dieu
Rien ne lui est supérieur ! On choisira, pour guider la prière personnelle, des textes de l’Ecriture et non d’abord des prières pieuses aussi belles soient-elles ! Pour les chants, on privilégiera de même ceux qui puisent à la source biblique.
d. Le silence
L’adoration suppose le silence qui traduit lui-même une disposition intérieure à se rendre disponible à la présence du Christ. Ce n’est pas une chose aisée. Il faudra trouver des moyens, des supports : un choix judicieux de chants, la prière de la Liturgie des Heures peuvent en être.
e. Prendre garde au risque d’instrumentalisation
Par ce mot, on vise l’utilisation d’une pratique liturgique en vue d’un but, éventuellement tout à fait louable, mais qui n’est pas intrinsèque à la pratique elle-même. Le risque apparaît lorsque l’exposition du Saint-Sacrement est destinée à créer une ambiance, à donner du poids à une manifestation ou encore à favoriser le recueillement que l’on juge difficile à obtenir autrement. Faut-il par exemple associer la célébration du sacrement de la réconciliation avec l’exposition du Saint-Sacrement ou encore prévoir systématiquement l’adoration permanente durant un grand rassemblement de jeunes ? On doit noter que ce risque concerne tout autant la célébration de l’Eucharistie.

« Le culte rendu à l'Eucharistie en dehors de la Messe est d'une valeur inestimable dans la vie de l'Église. »[3] Puisse-t-il, par une juste célébration, trouver la place qui lui revient !


[1] On pourra se reporter aux textes suivants : JEAN PAUL II, Lette encyclique Ecclesia de Eucharistia, L'Église vit de l'eucharistie, Paris, Bayard /
Fleurus-Mame / Cerf, 2003 ; PAUL VI, Encyclique Mysterium fidei, Paris, Centurion, 1965.
[2] Rituel de l’Eucharistie en dehors de la Messe, publié à Rome le 21 juin 1973 et dont une 1e version française, approuvée le 5 janvier 1978, a été publiée en 1983 et une seconde le 26 mai 1996, Desclée-Mame, 1996 (avec les modifications dues au Code de 1983).
[3] Rituel de l'Eucharistie en dehors de la Messe, pp. 69-70 (n. 86-90).

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