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samedi 14 novembre 2020

Homélie pour le 33ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 15 novembre 2020

Si cette page d’évangile se déroulait dans le monde de l’entreprise, spontanément, nous serions prompts à reconnaître la valeur des deux premiers serviteurs et leur capacité d’initiative. Ils osent et prennent des risques s’il le faut. Cela sera payant. Et tout aussi spontanément nous dirions du dernier serviteur qu’il est un « looser », un pauvre type qui n’a finalement que ce qu’il mérite. Assurément, il n’a rien d’un « winner ». 


Or il se trouve que cet évangile est une parabole, c’est-à-dire un enseignement et non une histoire dont nous ne serions que les spectateurs. Chacun doit se sentir concerné par les paroles de Jésus. Après l’évangile des dix jeunes filles attendant l’époux au cœur de la nuit, le Christ identifie Dieu, cette fois, au maître exigeant, mais finalement patient puisque ce n’est qu’à son retour d’un long voyage qu’il demandera des comptes. Nous nous identifions volontiers à l’un des deux premiers serviteurs de la parabole tant cela relève d’un bon sens élémentaire. Pourtant, ne jetons pas trop vite l’opprobre sur le troisième et malheureux compère. 


Nous sommes parfois comme ce serviteur écrasé, paralysé par la peur.  Il y a des parties de notre vie, des parties de notre cœur, qui sont comme mortes.  Il y a d’un côté l’expérience qui nous a appris à découvrir nos limites.  Il y a d’autres parties de notre vie qui portent les traces des trahisons, de la cruauté parfois de nos proches.  Et maintenant encore nous n’osons plus entreprendre ou faire quoi que ce soit dans ce domaine où nous avons été si bien détruits. Car il y a plusieurs manières de détruire quelqu’un.  Il y a bien entendu la violence physique, mais il y a aussi - et c’est bien plus subtil - la violence psychologique.  On peut écraser quelqu’un en lui répétant sans cesse qu’il est incompétent, en l’obligeant à faire des choses qu’il est incapable de réaliser et de lui expliquer ensuite qu’il est un incapable.  Cela peut se voir dans certains milieux professionnels, mais aussi à l’intérieur d’un couple ou entre frères et sœurs.  Avec quel plaisir sadique, certaines personnes, usant et abusant de leur position de force, peuvent ainsi faire sentir leur supériorité, toute relative d’ailleurs.


Ce serviteur a peur et c’est l’image qu’il a de son maître. Cette image et cette peur blessent profondément le maître ; de même, cette peur que nous pouvons parfois avoir de Dieu le blesse et, si c’était possible, le révolte. Dieu ne se reconnaît pas dans cette image de lui, souvent inconsciente, que nous colportons avec nous. Nous faisons alors de la Bonne nouvelle de l’évangile une mauvaise nouvelle. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, ayant lu dans l’Ecriture que Dieu rétribuerait chacun selon ses œuvres, s’interrogerait de ce qui lui arriverait, à elle qui croyait n’avoi pas d’œuvres, enfermée dans son carmel. Elle reçut alors une lumière de la part de Dieu : « J’ai compris, écrit-elle, que Dieu me rétribuerait non pas selon mes œuvres à moi, mais selon ses œuvres à lui. Plus que de renvoyer aux dons et capacités (intelligence ou autre) que Dieu a donnés à chacun, les « talents » dont parle Jésus dans l’Evangile évoquent plutôt son Amour et les dons de grâce, force et intelligence, dont il nous comble pour que nous assumions nos responsabilités. Jésus veut apprendre aux siens à bien utiliser les biens que Dieu fait à chaque homme en l’appelant à la vie, en lui remettant des talents et lui confiant donc une mission à accomplir par le biais de ces biens donnés en partage. Ici le Christ invite à ne pas avoir peur de la vie et à ne pas avoir peur de Dieu. Dieu n’est pas un maître excessivement et injustement exigeant, mais un Père qui, par le don de la Charité, se donne par la libéralité de ses grâces.


Ces talents que Jésus nous a confiés à nous, ses amis et frères, se multiplient en les donnant. C’est un trésor donné pour être investi et partagé avec tous. Il serait donc stupide de penser que les dons du Christ sont un dû, et tellement insensé de renoncer à les utiliser, cela serait manqué au but de notre existence. Et chacun reçoit en fonction ce qu’il peut réaliser. Ainsi, Dieu n’attend pas nos exploits, mais seulement que nous nous abandonnions aveuglément à son amour, acceptant qu’avec ou sans œuvres, il nous modèle en chefs-d’œuvre de sa grâce. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


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