A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 7 novembre 2020

8Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire A) - 8 novembre 2020

Depuis mardi dernier, le suspens était à son comble. Le monde entier avait les yeux rivés sur les Etats-Unis d’Amérique. Les commentateurs politiques s’en donnaient à cœur joie quant à leurs prévisions de l’issue du scrutin : lequel des deux candidats serait finalement élu 46ème président ? Les chaînes d’informations, elles-mêmes, en avait fait l’objet de leurs éditions spéciales, reléguant le fameux virus, pour quelques heures au moins, au second plan. Suspens haletant, donc, qui hier en fin d’après-midi a trouvé un dénuement. On comprend qu’à force d’attendre certains ont fini par s’assoupir devant leur poste de télévision ou, smartphones à la main, à force de guetter l’évolution de la répartition des grands électeurs.  


Dans l’évangile, les jeunes filles prêtes pour le cortège de la noce s’étaient elles aussi endormies à force de patienter. Et ce n’est pas une dépêche de CNN, mais le cri qui déchire la nuit qui les prévient : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. » Enfin, après de longues heures d’âpres négociations, les deux partis – les deux familles – ont réussi à s’entendre pour finaliser l’union des deux tourtereaux. Car c’est bien ainsi que s’arrangeaient les unions au temps de Jésus. Désormais donc, la fête attendue ne saurait être remise à plus tard. Le cortège nuptial doit s’ébranler et accompagner l’époux jusqu’au banquet des noces.


L’évangile nous dit que les jeunes filles sont au nombre de dix. Quelle en est la signification ? Les Pères de l’Eglise s’interrogent et plusieurs les assimilent à la figure de tout le genre humain. Ainsi Grégoire le Grand : « Tout homme possède en double chacun des cinq sens, et le nombre cinq étant doublé donne le nombre dix. Or, comme les deux sexes concourent à former la multitude des fidèles, la sainte Église nous est représentée sous la figure de ces dix vierges, et, comme les bons s’y trouvent mêlés aux méchants, et les réprouvés avec les élus, elle est comparée avec raison aux vierges sages et aux vierges folles. » Ces jeunes filles nous représenteraient donc, avec nos sens en éveil malgré notre torpeur. Nous voilà concernés.


Chose étrange, pourtant, et je l’avoue qui m’a toujours interpelé, voire choqué. Les jeunes filles « sages » refusent de partager l’huile avec les insensées. Qu’ont-elles fait de mal, celles-là, à part avoir une tête de linotte ? Et ces « sages » ne devraient-elles pas pratiquer la vertu du partage et de la charité ? Pourquoi ne le font-elles pas et pourquoi semblent-elles louer pour cela dans l’évangile ? Là encore, les Pères de l’Eglise tentent de décrypter cet apparent mystère de l’Ecriture. Si elles ne partagent pas, c’est qu’elles ne le peuvent pas. L’huile qu’elle porte serait le symbole de leurs œuvres. C’est ce qu’avance Augustin : « les lampes qu’on porte à la main représentent les œuvres, car il est écrit (Mt 5,16 ) : ‘Que vos œuvres brillent aux yeux des hommes’. » Hilaire de Poitiers est même très affirmatif : « L’huile, c’est le fruit des bonnes œuvres », et Jean Chrysostome ajoute : « l’huile, dans la pensée du Sauveur, c’est la charité, c’est l’aumône et tout autre secours donné aux indigents ». 


Le Moyen-âge a fréquemment représenté ces jeunes filles autour des portails des cathédrales, c’est le cas à Strasbourg. Pour franchir le seuil de la salle des noces, entendez du Royaume des cieux, il faudra donc pouvoir présenter, telles les jeunes filles sages de la parabole, le fruit de nos œuvres. Nous le savons : c’est à l’amour que nous aurons eu les uns pour les autres que nous serons jugés. Si cet amour peut et doit être contagieux, il ne peut se marchander ou se prêter. Aujourd’hui nous est rappelé l’urgence de notre responsabilité personnelle. Nous ne pouvons la différer à plus tard, comme en étouffant notre conscience et l’impératif de l’amour. Que viendra l’heure, nous ne lancerons pas de recours judiciaire contre Dieu pour lui faire repeser notre vie et changer l’issue de ce scrutin existentiel. Il nous faudra être prêt, de suite. La loi de ce juge sera certes non l’insouciance et la nonchalance, mais l’amour et la miséricorde. Sans faux-semblant.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


Aucun commentaire: