A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

lundi 2 novembre 2020

Homélie pour le jour de commémoration de tous les Fidèles Défunts - 2 novembre 2020

« Tu enlèves la pax à mon âme, j’ai oublié le bonheur ». Ces paroles du livre des Lamentations, que nous entendions dans la première lecture, sont celles, assurément, qui bouleversent le cœur de Marthe lorsqu’elle se précipite vers Jésus. Son frère aimé et chéri est mort. Sa vie semble s’effondrer. Ces paroles sont sans doute aussi les vôtres, les nôtres que l’absence d’un être cher vient à blesser. Ou bien cette souffrance est encore vive parce que la mort est venue rôder il y a peu, ou bien elle ne cesse de performer nos chairs aimantes et ulcérées.


Alors Marthe délaisse la maison, et sa sœur Marie, non pas que cette dernière serait moins affectée qu’elle. Nous le savons en effet, les deuils se vivent de manière différente suivant les personnes, leurs tempéraments et leurs sensibilités. Certains auront besoin de crier leur rage et d’autres sombreront dans le mutisme ; certains auront besoin de s’activer comme pour jeter loin d’eux la douloureuse réalité, d’autres ne pourront rien faire car emprisonnés dans un chagrin carcéral. Tous cependant souffrent. Et Marthe et Marie. Et Jésus aussi. La mort de ce frère, de cet ami si cher, fait mal.


Comme dans un sursaut de vie, alors que l’évangile précise que Lazare est au tombeau depuis quatre jours déjà – c’est-à-dire dans la foi juive le moment où l’on est sûr que l’âme a quitté le corps et que plus aucun espoir n’est permis, Marthe accourt vers Jésus. De prime abord elle lui adresse le vif reproche de ne pas avoir été là. Car, aurait-il été là, les choses peut-être auraient pu être différentes. Lancinant cortège de tous ces « si » toujours en suspens. Si j’avais su, si j’avais compris, si j’avais été là… Marthe, par sa démarche, voudrait faire parler encore son frère : elle souhaite venir à bout du silence caverneux du tombeau. 


Pourtant, au cœur de cette action désespérée, elle n’oublie pas sa foi. Bien plus qu’une résignation, elle sait que malgré tout Jésus pourra venir à son aide. « Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera ». Marthe a vu tant de fois la puissance de Jésus se déployer. Elle a été témoin des miracles de cet ami. Elle est entrée dans l’intimité de son identité. « O âme, n’oublie pas les morts, car ils vivent, et leur vie n’est rien d’autre que la tienne telle qu’elle sera lorsque, débarrassée des voiles qui te dissimulent sa vraie nature, elle parviendra à son épanouissement dans le sein de la lumière éternelle », écrivait Karl Rahner. L’âme de Marthe n’oublie pas. Justement. Et à cette foi Jésus répond sans ambages : « Ton frère ressuscitera ». Tout cela la sœur éplorée en a conscience, comme on se souvient d’une leçon de catéchisme. Jésus va plus loin encore : il est Lui, Résurrection et vie. Celui qui croit en Lui, même s’il meurt, vivra. Marthe passe alors d’une foi extérieure à l’intérieur du mystère. Elle est touchée au plus profond de son cœur. Elle croit, réellement, sans plus de doute, mais dans la folie de la confiance. « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde ». Le discours ne concerne plus tant, curieusement, le frère défunt mais la puissance de vie qui se dégage de Jésus. Et c’est cette puissance qui va rendre à Marthe et Marie, pour un temps au moins, leur frère Lazare qui sortira du tombeau. Jésus ne fait rien d’autre que d’annoncer ici sa propre résurrection. Il sera vainqueur, lui, de la mort définitivement. 


A nous qui portons en nos cœurs meurtris, la blessure de la perte d’un être cher, il nous est donné bien plus que le signe de Lazare. C’est la résurrection de Jésus d’entre les morts qui nous fait entrevoir notre destinée commune. « La mort rend [à l’homme] ce que sa vie avait perdu. L’immortalité serait un fardeau plutôt qu’un profit, sans le souffle de la grâce », écrit saint Ambroise. Alors s’il nous est donné bien plus que le signe de Lazare, allons avec Marthe vers Jésus, et dépassons-la même en chemin.


AMEN.

Michel STEINMETZ †


Aucun commentaire: