Homélie prononcée
dans le cadre de la sortie jubilaire de la communauté de paroisses
en la chapelle Notre-Dame du Haut de RONCHAMP
« Le Fils de
L’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? ».
C’est sans doute là la question la plus anxiogène et la plus redoutable pour
nous. Un jour, au soir du monde, le Christ, à son retour quand il viendra juger
les vivants et les morts, trouvera-t-il encore la foi ? Ou pour formuler
les choses d’une autre manière : il nous demandera des comptes. Qu’aurons-nous
fait de ce que nous avions reçu et comment l’aurons-nous transmis ? Ce
jour-là, toutes les bonnes et fausses excuses ne tiendront plus car nous serons
dans la vérité, sans pouvoir désormais nous dérober. Paradoxe de notre
temps : la nécessité est admise de transmettre une terre plus propre et
plus vivante aux générations à venir, la question de la foi ne semble guère
préoccuper. Il me semble qu’il y a là une pathologie. Et vous me permettrez
d’en pointer les symptômes et les manifestations. Je repère trois catégories de
malades.
Il y a les résignés. Ceux-là sont persuadés, parfois même
ouvertement, que les belles années sont derrière nous. De toute façon, la fin
est inéluctable, elle serait même proche. Parce que des églises se vident,
parce des enfants ou des petits-enfants ne découvrent pas spontanément le
chemin de la foi. Alors ils se résignent à accepter cela, parfois comme une
blessure. Mais ils se taisent. Ils ne font rien pour que cela change. Ils
subissent. Ils oublient la parole de Jésus : « je suis venu pour
allumer un feu sur la terre ». Ceux-là ont peur même d’une étincelle dans
leur vie.
Il y les tièdes. Ceux-là sentent bien les enjeux et les défis,
mais ils n’osent pas. Parce qu’ils ne sentent pas capables, parce qu’à leurs
yeux la tâche est trop considérable, parce qu’ils ne veulent sacrifier ni leur
tranquillité ni leur confort de vie. Il semble dire au bon Dieu :
« vois-tu, tu me permettras quand même de finir ce que je faisais, d’avoir
mon dimanche matin… ensuite, je viendrai ».
Il y a les hypocrites. Ceux-là font tout
pour mettre les responsabilités sur le dos des autres. Ils excellent souvent en
la matière, en générant même un sentiment de mauvaise conscience pour leur
interlocuteur alors qu’eux dorment sur les deux oreilles. Ce sont ceux qui
pensent que le voisin devrait commencer par se bouger, que le curé devrait tout
faire. Cette semaine encore, on me faisait remarquer bien insidieusement quand
il s’agissait d’aller à la rencontre des gens – fût-ce au détour d’une quête –
que c’est le propre du prêtre. Sauf que nous partageons le même baptême et que
nous sommes tous envoyés en mission comme « prêtre, prophète et roi »
par l’onction que nous avons reçue.
Frères et sœurs, vous
avez acceptez aujourd’hui de vous mettre en mouvement, de dépasser vos
frontières habituelles pour vivre la rencontre de l’autre en étant en communion
avec le Christ. Je vous pose cette question, non en mon nom propre, mais au nom
du Christ qui m’impose de le faire résonner : êtes-vous prêts à Le suivre
sans délai ? Car sa charité nous presse. Etes-vous prêts à ne pas vous
résigner, à dépasser vos tiédeurs, à devenir des collaborateurs de la
vérité ? En ne cédant pas aux réponses toutes faites des populismes qui
gangrènent nos sociétés, ensemble projetons-nous dans l’avenir avec réalisme
mais aussi avec courage. Osons proposer la foi en ne nous laissant paralyser
par les carcans de fonctionnements paroissiaux perçus comme éternels. Ils ne le
sont pas. Seul le Christ l’est. Allons au-devant de tous, brisant la géographie
étriquée de nos églises pour gagner les périphéries. Qui serions-nous pour
affirmer de manière péremptoire qu’un tel ou une telle n’est pas intéressé par
la Bonne Nouvelle de l’Evangile si nous ne lui annonçons pas, si d’emblée nous
ne lui permettons pas de la découvrir au détour d’un échange, d’un service
rendu, d’une banale conversation ? Serons-nous les complices de
l’effacement de la foi autour de nous ? Le Christ serait-il venu pour
rien ? Serait-il mort pour rien ? Serait-il ressuscité pour
rien ? Jamais je ne pourrai m’y résoudre. Voulez-vous entrer en résistance
spirituelle avec moi ?
AMEN.
Michel STEINMETZ †
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