Jésus nous dit que nous sommes des brebis ! Cette image,
interrogeons-la : Que nous dit-elle de nous-mêmes ? Qu’est-ce qu’une brebis ?
Un animal, au regard doux mais un peu vitreux, qui bêle gentiment mais moins
par conviction que parce que le voisin bêle aussi. Essayez de traverser un
champ de brebis... Il est difficile de couper un troupeau en deux, elles
veulent toutes passer du même côté même si le chemin n’est pas direct. Une
brebis isolée est comme un poisson hors de l’eau, elle est perdue. Jésus nous
dit que nous sommes des brebis, et cela n’est pas vraiment enthousiasmant. Une
brebis, c’est bête et deux brebis, c’est deux fois plus bête, alors que dire d’un
troupeau ! Il n’y a pas là un idéal capable de me mobiliser.
Mais il y a le Berger. « Je suis le Bon pasteur », dit
Jésus, celui qui rassemble et qui conduit, qui fait sortir hors de la bergerie,
Celui qui veille sur ses brebis. Il connaît leur faiblesse et, osons-le dire :
leur bêtise... Il connaît leur peu d’audace et leur manque d’imagination. Il
est le Bon Pasteur. Et c’est là qu’est la pointe de la parabole, la figure
centrale, l’intention de l’image choisie. Car une parabole se comprend par sa
pointe. Quand Jésus nous dit par exemple que « le Fils de l’Homme viendra comme
un voleur », il ne nous dit pas qu’il est un voleur mais que son retour sera
aussi imprévu que l’arrivée du voleur. Ici, c’est dans la figure du bon pasteur
qu’il faut chercher ce que Jésus veut dire quand il nous parle de brebis... Il
ne s’agit pas de rester grégaires, encore moins de le devenir, mais d’avoir un
Bon pasteur. De quoi s’agit-il ?
"Mes brebis écoutent ma voix, et elles me suivent ". Il
y a une voix à entendre. Tout n’est pas centré sur la brebis. Entendre la voix,
c’est d’abord cesser de bêler pour se taire, écouter, accueillir, recevoir. C’est,
par le même acte, consentir que quelque chose ne vienne pas de moi, que quelque
chose me soit donné. Une parole m’est offerte, et elle vient à moi, et elle
vient vers moi, et elle vient en moi. Je ne fabrique pas ma finalité. Je ne
fabrique pas les buts importants qui vont mobiliser ma vie. Cela vient d’ailleurs,
hors de moi.
J'entends cette voix. Je la reconnais. Serais-je seulement
passif ? Au contraire, je suis tout entier éveillé, réveillé, mobilisé. Ma
sensibilité coopère avec cette voix et, par ma sensibilité, tout ce que je suis
se met à vibrer. L’évangile semble clair : c’est parce qu’il y a un bon
pasteur qu’il y a des brebis. Alors je reçois cette comparaison sans aucune
honte. Je comprends que le Dieu qui m’appelle, me respecte, me veut, non pas
comme une brebis, bêlante et grégaire, mais comme un être capable d’écouter sa
voix.
Jésus nous dit ici quelque chose de très fort sur la liberté
humaine. Il dit premièrement que Dieu prend sur lui notre faiblesse, qu’il ne l’ignore
pas. Il n’a pas affaire à des surhommes et il le sait. Il dit aussi, et ce n’est
pas contradictoire, que je suis appelé à grandir et à construire ma vie selon
une finalité qui n’est pas seulement en moi. Cette finalité m’est offerte par
lui, elle m’est donnée. C’est une parole, c’est un appel venu de l’extérieur. C’est
une révélation. Tout ne dépend pas de moi et pour autant, rien ne peut se faire
sans moi. Elle est là, ma responsabilité : me demander, chaque jour, ce que
Dieu attend de moi avant de m’écouter moi-même pour entendre ce que je
voudrais.
Il y a donc une voix. Et derrière la voix, il y a quelqu’un.
La vocation, c’est l’acquisition d’une sensibilité personnelle à la voix qui me
dit : « toi, suis-moi ». Cet acquiescement demande du temps. Le dimanche des vocations nous rappelle que,
depuis des siècles, des hommes et des femmes ont choisi de vivre autrement. Ils
ont répondu à un appel. Ils ont tenté d’acquérir cette sensibilité nouvelle à
une voix qui s’adresse à eux personnellement. Frères et sœurs, arrêterons-nous
enfin de bêler stupidement pour entendre la voix du Seigneur et pour que des
jeunes parmi nous puissent l’entendre ?
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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