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vendredi 15 avril 2016

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (C) - 10 avril 2016

Curieusement Pierre, reconnaissant que c’est le Seigneur qui s’adresse à eux – parce que Jean le lui dit, passe un vêtement avant de se jeter à l’eau ! Il est nu, comme Adam au jardin d’Eden, et éprouve le besoin de se vêtir pour se couvrir. Couvrir sa nudité qui dit sa fragilité. Pourquoi avoir honte devant le Seigneur ? N’a-t-il toujours pas compris qu’il n’a rien à craindre devant jésus, fût-il ressuscité ? Il l’a renié quelques jours plus tôt, et déjà Jésus avait posé sur lui un regard plein d’amour et de pardon.


Alors, comme s’il le fallait, une nouvelle fois, Jésus va redire son amour à son apôtre. Il va lui témoigner sa miséricorde, par-delà ses faiblesses et ses manquements. Il faudra par trois fois que Pierre s’étende dire  « je te chéris », pour finir par croire que cet amour sauve tout, sa lâcheté, sa honte et le reste. Les « je t’aime » véritables sont ceux qui ne demandent aucune réponse, si ce n’est l’espace entre deux êtres pour que de tels mots puissent se chanter. S’il est vrai qu’ils sont trop souvent encore dans notre société difficile à dire, combien plus serons-nous mal à l’aise si nous avions à poser la question, « et toi, m’aimes-tu ? ». Nous ne la posons pas, pour ne pas embarrasser l’autre et peut-être aussi pour ne pas être déçu de sa réponse. En amour, en amitié, on ne ment pas... au risque de tout perdre sinon.


Le dialogue entre Jésus et Pierre est d’autant plus intéressant qu’il se situe à deux plans différents que le texte français occulte par sa pauvreté de langage. Nous devons alors retourner au texte grec. Rappelez-vous, comme je l’ai déjà souvent dit, dans cette dernière langue, il y a plusieurs mots pour aimer. Le texte de ce jour nous en offre deux. D’abord, l’amour d’agapé, c’est-à-dire l’amour de charité, celui qui exige un acte de la volonté pour respecter chaque être qui nous entoure, lui donner l’espace nécessaire pour qu’il ou elle puisse se réaliser, s’accomplir sur le chemin de sa destinée. C’est l’amour qu’a Dieu pour nous. Vient ensuite, l’amour de philia, l’amour d’amitié, celui qui vient du cœur, que l’on ne peut justifier. Celui qui nous lie à l’autre par les sentiments. C’est ici l’amour  entendu comme sentiment humain. Amour de charité, amour d’amitié, deux types de relation. Nous savons au plus profond de nous-mêmes que nous ne pouvons nous contenter de nos solitudes, nous sommes avant tout des êtres de relation. Par trois fois, Jésus demande à Pierre s’il l’aime. Lors des deux premières questions, Jésus, dans le texte grec, pose la question en termes d’amour de charité et Pierre réponds chaque fois « oui, je t’aime » mais son amour est un amour d’amitié. Ce n’est qu’à la troisième question que le Christ pose étonnamment sa question d’aimer en terme d’amour d’amitié. Entre eux, il y a d’abord, le respect d’une autonomie nécessaire pour que la relation puisse s’établir. Ayant la conviction que cet espace existe entre eux, Jésus peut alors demander à Pierre si au-delà du respect, il y a des sentiments. Jésus se met à la hauteur de ce dont Pierre est capable. Comme les autres disciples, il a encore du mal à saisir ce qui se passe, alors aimer à la manière dont le Seigneur l’aime est trop lui demander, pour l’heure.

 
La relation entre le Christ et Pierre peut aujourd’hui encore dire quelque chose de notre propre relation à Dieu. Nous sommes conviés à ne pas nous enfermer dans une relation de raison, une relation intellectuelle, philosophique. La foi comporte aussi sa part de sentiments. Elle est un sentiment instinctif que nous essayons de comprendre tout au long de notre vie. Elle nous donne un cadre de valeurs. Et ce cadre, loin de nous emprisonner, nous donne des balises pour arriver à mieux vivre notre humanité telle que Dieu l’a vécue en se faisant homme. Pour nous le Christ devient un chemin à suivre pour vivre un jour le partage de sa divinité. Que préférons-nous, un amour de raison, un amour des valeurs ou un amour d’amitié, un amour de relation entre Dieu et nous ? Agapè ou philia ? A nous dans le plus secret de son être d’en décider. De grâce, par-delà le respect que nous devez avoir pour Dieu, n’hésitez pas à avoir pour lui des sentiments. Ne revêtez pas trop de couches de vêtements pour vous cacher, vous dissimulez à lui. Il connaît votre cœur. Il vous aime. Aimez-le en retour.

 
AMEN.
 

Michel Steinmetz

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