Comme c’est étrange !
C’est précisément quand tout commence à aller très mal que Jésus dit :
maintenant, c’est magnifique ! Jésus bouleverse vraiment toutes nos
conceptions des choses. Selon des critères humains, ce qui arrive à Jésus,
maintenant, est tout sauf magnifique, et c’est alors qu’il dit avec une
certitude et un aplomb aussi déconcertant que joyeux : maintenant, je suis
glorifié ! Comment le comprendre ?
L'évangile d’aujourd’hui se
déroule à Jérusalem dans le cénacle, la « chambre haute », où Jésus mange
l’agneau pascal avec ses proches pour célébrer la fête de Pâque, Pessah. Judas, lui, a promis aux
autorités juives de leur livrer Jésus dès qu’il trouvera un moment favorable.
Il sait qu’à la fin du repas Jésus et ses amis sortiront en direction du jardin
des oliviers à Gethsémani. L’occasion est donc toute trouvée. Il sort du repas
en pleine nuit, après que Jésus a fait comprendre qu’il a saisi son intention.
Il va mettre son plan à exécution. Jésus sait donc ce que Judas fomente, et ce
qui va arriver : sa trahison, son arrestation, les souffrances de sa mort.
Et c’est à ce moment –
« maintenant », dit l’évangéliste – qu’il dit que lui, Jésus, le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu
en lui. Comment comprendre cela ? Souvent, me semble-t-il, nous
faisons le contraire. Quand quelque chose de pénible nous arrive, nous ne
voyons que le problème, la souffrance, l’accablement. Cela nous bouche
l’horizon à la manière d’une haute montagne insurmontable : une opération,
la perte d’un être cher, une dure épreuve. Certains, même, se laissent défaire
et engloutir devant cette perspective.
Comment Jésus fait-il pour
ne pas être accablé, pour ne pas perdre courage face à la Passion qui
l’attend ? Son mystère ne se fonde-t-il pas sur le fait qu’il projette son
regard par-delà la souffrance du présent, sur le positif qui vient après ?
Il entrevoit dès maintenant le bien que Dieu va opérer à travers sa souffrance.
Il a cette confiance totale et radicale, chevillée au cœur et au corps, que
tout ira bien, même s’il faut que commence d’abord la sombre nuit de l’épreuve.
Vous comme moi, sans doute,
vous vous demandez comment il est possible d’en venir à une telle attitude. Où
Jésus puise-t-il cette force et cette confiance ? Est-ce de l’idéalisme,
de l’inconscience ? Je crois qu’il nous donne une réponse dans l’évangile
que nous entendions. Il appelle cela « le commandement nouveau », ce
qui veut dire simplement : « aimez-vous les uns les autres ».
Quand on se sent entouré, dans l’amour, la souffrance perd beaucoup de son
effroi. Celui qui aime et est aimé, n’est pas seul. La croix et la souffrance
sont insupportables pour celui qui se sent seul. Certes l’amour n’évite pas la
souffrance mais il la rend plus supportable. Malheureux celui qui n’a personne
pour partager sa souffrance et la porter avec lui ! Jésus dit qu’on
reconnaîtra ses disciples au fait qu’ils auront de l’amour les uns pour les
autres. C’est d’autant plus abject quand des personnes se haïssent et se font
souffrir alors qu’elles se disent bons disciples de Jésus. C’est triste que
cela arrive si souvent, et on se réjouit d’autant plus quand on assiste à la
réciprocité dans la bienveillance et la bonté.
Jésus a subi beaucoup de
rejet et de haine. Souvenez-vous ce que nous avons célébré ces dernières semaines
encore. La trahison du Judas a dû profondément le blesser : il faisait
partie du cercle des plus proches, des intimes. Le fait de connaître la
souffrance qui l’attendait sur la croix a dû être horrible pour lui, en tant
qu’homme. Sa presque jubilation : « Dieu est glorifié »
maintenant, n’a rien à voir avec le cri d’un exalté ou d’un illuminé. Je ne
peux la comprendre qu’ainsi : Il savait que l’Amour triomphera.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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