Trois versets seulement.
Voilà ce qu’il faut à saint Marc pour nous relater le passage de Jésus au
désert. Si le récit est court, il n’en est pas moins dense. Le décor planté est tout simple : un désert, des
bêtes sauvages et des anges.
Un désert, tout d’abord.
Spontanément, le désert peut évoquer la solitude, le manque, la privation,
voire la stérilité. Mais pourquoi alors, y être poussé par l’Esprit ? Le désert
que nous sommes invités à fréquenter durant ce temps de Carême n’est pas ce
désert de solitude. Le désert est justement ce lieu où on ne peut survivre tout
seul. Il est ce lieu où nous reconnaissons que nous avons besoin d’un autre
pour nous conduire ; c’est un lieu où nous nous sentons dépendants. Dans ce
désert, il y des anges et les bêtes sauvages. Lorsque nous nous risquons à visiter
ces lieux déserts en nous-mêmes, il n’est pas rare d’y trouver quelques bêtes
sauvages, un peu de violence, de l’égoïsme, une vague envie de domination, et
des anges de toute-puissance : toutes ces choses qui en définitive nous isolent
et nous empêche d’être libres. La réaction spontanée est de fuir ces parts
menaçantes et de nous tourner vers une part de nous idéalisée, angélique. C’est
tout le contraire que nous sommes invités à faire. Vivre en paix, être libre, c’est
apprivoiser nos ombres sans être angélique. C’est vivre avec une animalité
maîtrisée sans se croire plus haut que ce que nous ne sommes. Jésus vivant tant
avec les bêtes sauvages et les anges nous montre un chemin d’une humanité
réconciliée avec elle-même, une humanité démasquée. Une telle réconciliation ne
peut se vivre que dans le désert, lieu où les fantasmes s’effondrent, où nous
pouvons vaincre celui qui nous divise intérieurement, le lieu où l’homme se
découvre lui-même, puisqu’au désert, il n’y a pas d’ombre pour se cacher.
" Convertissez-vous
et croyez à la Bonne Nouvelle. » Nous avons souvent entendu cet appel de
Jésus. Toutes les semaines, mais surtout en carême, l’église nous invite à nous
convertir, à ne plus pécher, à vivre dans la vertu et pas dans le péché. L’appel
à la conversion ne retentit pas dans le bruit des villes, dans le tumulte de
vies agitées : il se fait entendre au désert. C’est bien là que les
masques tombent quand nous sommes mis face à nous-mêmes. Entendre cet appel à
la conversion demande que nous fassions la vérité avec nous-mêmes. Souvent nous
passons beaucoup de temps à nous convaincre que nos péchés, nos petits péchés,
sont des broutilles, que tout le monde a ses défauts, qu’il n’y pas mort d’homme,
etc… Alors nous hésitons à abandonner cette part d’ombre de nous-mêmes, à nous
en débarrasser parce que nous nous y sommes accoutumés. Mais, il n’est pas
tout à fait exact de dire la conversion, la pénitence, est un rejet du péché.
Quand nous nous convertissons - si nous nous convertissons - nous ne nous
détournons pas du péché. Nous nous tournons plutôt vers Dieu. Si la conversion
est un concept important pour Jésus, ce n’est pas parce que le péché lui semble
tellement laid ou horrible. L’importance de la conversion vient de la beauté de
Dieu. Même si le péché n’était pas très intéressant, ce ne serait pas la peine
de s’en détourner. Pour que nous regardions ailleurs, il faut quelque chose de
plus attrayant, un meilleur bien, qui attire nos yeux, notre attention. Pour
Jésus, c’est Dieu qui est plus attrayant, le plus attrayant. C’est lui qui
attire, c’est lui qui satisfait nos désirs les plus importants et les plus
profonds. Quand il parle de la conversion, c’est toujours la conversion vers
Dieu. Il ne condamne pas le péché, il ne condamne pas les pécheurs, il leur
offre quelque chose de meilleur, de plus attrayant, de plus satisfaisant. C’est
seulement parce qu’il y a une bonne nouvelle, quelque chose de meilleur, que
cela vaut la peine de se convertir.
Le but de la
conversion n’est pas un rejet. Un simple rejet nous laisse avec rien. Le but
est plutôt de voir la beauté, l’attrayant, de Dieu. Et c’est important, parce
que c’est Dieu qui est notre destin, pas le péché. Nous ne sommes pas faits
pour le péché. Nous sommes faits pour Dieu.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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