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vendredi 26 juin 2009

Notice sur la prière du soir - à paraître in "Caecilia" N°5/2009

La prière du soir

Comme pour la prière du matin dans le précédent numéro de la revue, les mêmes remarques préliminaires s’imposent. Ici, nous entendrons « prière du soir » comme célébration spécifique marquant un moment de la journée et regroupant des fidèles pour une prière commune. Ainsi, cette « prière du soir » s’inspirera plus de la liturgie de l’Eglise, en ce qu’elle est la prière publique et officielle du peuple de Dieu, que d’une pratique privée et personnelle, relevant avant tout de la dévotion.

Bien souvent sans doute, des chrétiens sont désireux de marquer par un moment de prière, en fin d’après-midi ou le soir, la fin d’une rencontre, d’une formation, ou même le jour du Seigneur alors que la célébration de l’eucharistie n’est pas possible. Ils pourront alors se tourner vers la « Liturgie des Heures » qui, rappelons-le, n’est pas la prière propre aux seuls ministres ordonnés mais d’abord celle de toute l’Eglise au cours des heures de la journée. Ils pourront aussi s’en inspirer et, forts de repères théologiques et historiques, trouver des formes de célébration cohérentes et signifiantes.
La liturgie est finalement une célébration de la vie chrétienne ou de la vie spirituelle. La liturgie des Heures est, elle aussi, ni plus ni moins qu’une célébration de ce que nous sommes devenus et continuons de devenir dans le Christ. Nous le faisons en commun précisément parce que toute vie chrétienne est une vie partagée. Le peuple de Dieu partage de même la vie de louange du Christ et se joint à lui[1].Traditionnellement, c’est l’office du matin et celui du soir qui, avec l’eucharistie, ont été les moyens principaux par lesquels l’Eglise a accompli cette mission de louange. De soi, il n’y a pas de signification mystique spéciale à accorder au matin et au soir en tant que temps de prière. Ce sont le début et la fin du jour, et de la sorte, il se trouvait tout indiqué de les retenir comme moments symboliques pour exprimer ce que doit être la qualité d’une journée dans son ensemble. Dès le Vème siècle, les offices de type cathédral[2] avaient revêtu l’austère squelette de la psalmodie d’une parure très riche de rites qui présentaient les Heures du matin et du soir comme des « sacrements » des mystères du Christ. En effet, pour le chrétien, tout, le matin et le soir, le jour et la nuit, le lever et le coucher du soleil, peut être un moyen de se rapprocher de Dieu : « Les cieux racontent la gloire de Dieu et le firmament publie l’œuvre de ses mains » (Ps 18,1). Néanmoins, le symbole naturel fondamental d’où jaillit cette élaboration rituelle est, évidemment, la lumière. Ce thème peut être suivi jusque dans l’Ancien Testament, et même au-delà, dans l’usage qu’en fait le paganisme du monde méditerranéen. Cette symbolique, cependant, ne semble pas avoir affecté le rituel de la prière juive du matin et du soir, même si la prière de bénédiction à la synagogue mentionne la lumière dans le contexte de la création.

I. – Les deux pôles de l’office quotidien.


La constitution Sacrosanctum Concilium a insisté fortement sur l’importance des Laudes, le matin, et des Vêpres, le soir, qui d’après la tradition de l’Eglise constituent les deux pôles de l’office quotidien (duplex cardo officii quotidiani). Ce double temps de prière qui était marqué dans le culte juif par les sacrifices du Temple, que, dès la fin du IIème siècle, Tertullien présentait aux chrétiens comme obligatoire, dont, à partir du IVème siècle, dans toutes les Eglises d’Orient et d’Occident est organisée la célébration, n’a cessé aux siècles suivants d’être recommandé par les conciles. Ces deux « heures » s’inscrivaient dans le rythme naturel de la vie humaine.
« Chaque jour, dit saint Ambroise, allant à l’église ou nous appliquant à la prière dans notre propre maison, nous commençons le jour par Dieu et nous l’achevons en lui. Que tout le jour de notre vie ici-bas et le cours du jour trouve en lui son principe et s’achève en lui. »[3]
Notons ici que le dernier moment de la journée, celui avant le repos de la nuit, habituellement dévolu à l’office, historiquement plus tardif et d’usage monacal, des Complies ne saurait se confondre ici avec celui de l’office du soir, dont le symbolisme est spécifique.

II.- Le symbolisme de l’office du soir.

Cet office rend grâce pour le jour qui s’achève, mais aussi pour les œuvres salvifiques du Christ au soir du Jeudi-saint et pour le sacrifice de la croix. Le soir, aussi, quand est terminé le travail du jour, le fidèle se tourne vers Dieu dans la prière. La fin du jour nous rappelle les ténèbres de la passion et de la mort du Christ, et la nature éphémère de toute la création terrestre. Les vêpres clôturent en quelque sorte la journée, et, tout comme l’office du matin, celui du soir s’achève par des intercessions pour les besoins de l’humanité alors que dans l’oraison finale et la bénédiction jaillit l’action de grâce pour le jour écoulé et avant tout pour la victoire du Christ sur les forces des ténèbres. Nous demandons encore pardon pour les fautes commises et sollicitons la protection de Dieu pour la nuit qui vient, comme l’exprime la prière tirée des Constitutions apostoliques (VIII, 37) :
« Toi le Dieu sans commencement et sans fin, le créateur et protecteur de toutes choses par le Christ […], toi qui as créé le jour pour les œuvres de lumière et la nuit pour nous reposer en raison de notre faiblesse, veuille accueillir favorablement notre action de grâce vespérale. Toi qui nous as conduits à travers tout le jour et nous a menés jusqu’à l’orée de la nuit, garde-nous par ton Christ ; accorde-nous une soirée paisible et une nuit sans péché et sans cauchemar, et juge-nous dignes de la vie éternelle par ton Christ, par qui à toi gloire, honneur et puissance, dans le Saint-Esprit pour les siècles. Amen. »

III.- Deux rites particuliers.

Le rite du lucernaire a existé dans presque toutes les Eglises de l’antiquité ; celui de l’offrande de l’encens n’a pas été aussi universel et a revêtu des significations variées dans les diverses liturgies.
a. Le rite de l’allumage des lampes, ou lucernaire
L’Eglise romaine ne l’a conservé que pour la vigile pascale, avec le chant de l’Exultet ; il semble qu’en Afrique c’était l’acte initial des vigiles. Dans le rit de l’Eglise de Milan, un répons l’accompagnait, alors que dans les Eglises orientales il suivait la psalmodie et était considéré comme le sommet de la célébration avec le chant de l’hymne « Joyeuse lumière ».
On constate combien le rite du lucernaire affirmait sans autre recours au discours que, alors que le jour baisse, le Christ-lumière continue d’éclairer la nuit et les ténèbres de notre cœur. Mais en utilisant l’allumage des lumières au coucher du soleil, l’Eglise rend grâce pour la lumière et rappelle la vision johannique de l’Agneau qui est la lumière de la Jérusalem céleste.
b. L’offrande de l’encens
De même que le matin évoque la résurrection du Christ, la prière du soir rappelle la Passion. On a en effet adopté universellement comme psaume du soir le psaume 140 : « Que ma prière devant toi s’élève comme un encens, et mes mains, comme l’offrande du soir. » Mais le sacrifice du soir du Temple de Jérusalem n’était que l’ombre de celui du Christ, « le vrai sacrifice vespéral », selon l’expression de Jean Cassien. Cette offrande de l’encens est assortie du thème de la pénitence et de la réconciliation, comme c’était le cas chez les Syriens. Ailleurs elle fait partie du lucernaire.

III.- Proposition de trame de célébration

La proposition faite ici s’inspire de la trame des vêpres. Elle gagnera à être respectée dans sa structure interne mais aussi, éventuellement, à être enrichie en fonction des circonstances et des lieux :
- Allumage des cierges de l’autel pendant le chant de l’hymne antique « Joyeuse lumière »
- Verset introductif (« Dieu, viens à mon aide… » et doxologie (Gloire au Père…)
- Chant du psaume 140 (ou de quelques versets) pendant que l’on verse de l’encens sur des charbons ardents. Ces derniers pourront être contenus dans une vasque disposée devant l’autel ou devant la croix.
- Hymne (en lien avec l’heure du soir)
- Psaume
- Lecture biblique brève
- [ Répons]
- Magnificat
- Intercession
- Notre Père
- Oraison
- Bénédiction conclusive.

On notera la simplicité de la théologie liturgique de l’Eglise primitive qui se reflète dans la structure fondamentale et l’esprit de la louange du matin et de l’office du soir. Ces prières, comme toutes celles de l’Ancien et du Nouveau Testament, sont une glorification de Dieu jaillissant de la proclamation joyeuse des actes de salut : « Le Puissant fit pour moi des merveilles : Saint est son Nom ! » (Lc 1, 49). C’est le noyau de la prière biblique ; on se souvient, on rend grâce et on demande à Dieu de poursuivre son œuvre aujourd’hui pour nous. Par le symbole, le geste et le texte, nous rendons présent chaque fois, à nouveau, la réalité que nous célébrons. Puisse notre prière du soir en être empreinte !


[1] Cf. Vatican II, Sacrosanctum Concilium, 83 à 85.
[2] Cf. Caecilia 4/ 2009.
[3] Ambroise, De Abraham, livre II, c. 5, n. 22.

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