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vendredi 29 août 2008

Emission radio - La Croix glorieuse (14 septembre 2008)

Emission radiodiffusée sur les ondes de France Bleu Alsace, le dimanche 14 septembre 2008, à l'occasion de la fête de la Croix glorieuse,

La fête que nous célébrons s’attache à déployer toutes les conséquences de l’évènement de la Croix, elle n’est pas plus un doublet du Vendredi Saint que la Fête du Saint Sacrement ne répète le Jeudi Saint. L’instrument lui-même, cet horrible instrument de supplice que fut la croix, est pris en considération, dans sa matière (le bois qui rappelle d’autres bois, depuis le jardin d’Eden jusqu’à la verge de Moïse) et dans la forme (l’horizontale du monde articulée sur la verticale de l’axe qui relie Dieu à l’homme). Pour lors, les lectures s’attachent à nous montrer comment se nouent selon cet axe les relations dramatiques entre Dieu et sa créature de prédilection.


Les données historiques
Les Évangiles sont les seuls documents canoniques pour connaître les circonstances de la mort de Jésus de Nazareth. Selon l'Évangile de Marc (le plus ancien en date), rédigé en grec, Jésus serait mort juste en dehors des murailles de Jérusalem, en un lieu appelé calvaire ou Golgotha (c'est-à-dire "lieu du crâne"). Là, il aurait été cloué sur un stauros et pendu à un xylon entre deux malfaiteurs que la tradition chrétienne désigne sous le nom de "bon et mauvais larrons". Une inscription portant le motif de sa condamnation aurait accompagné son supplice. Il serait mort au bout de quelques heures.
On sait grâce à l'archéologie et aux textes antiques comment se déroulait ce supplice que nous appelons crucifiement. Le condamné était d'abord attaché ou cloué (par les poignets et non par la paume des mains) à une traverse de bois (stauros en grec, patibulum en latin). Puis cette traverse était fichée dans un pieu vertical (en grec xylon, c'est-à-dire bois, et en latin crux ou furca) moins élevé qu'on ne l'imagine en général, les pieds du supplicié touchant presque le sol. Le tout formait ce que les Romains appelaient une crux (d'où l'origine du français « croix »). On pense qu'elle avait la forme d'un T. Le condamné mourait par asphyxie, après plusieurs heures de souffrances. Particulièrement douloureux et humiliant, ce genre de mort était, dans l'Empire romain, réservé aux esclaves et aux non-citoyens.
À partir du IVe siècle, l'Empire romain étant devenu chrétien, ce supplice fut abandonné car il ne convenait plus à un Empire se réclamant officiellement d'un Dieu ayant été exécuté de cette manière. On oublia donc les circonstances réelles de la mort du Christ, et l'image de la « croix » se modifia pour devenir cet objet à quatre directions couramment représenté dans les « croix » et les « crucifix » de nos églises catholiques. En outre, la traduction latine de la Bible (la Vulgate) ayant été faite après la disparition de ce supplice, cette traduction ne comprend plus les termes employés par le texte grec et traduit stauros par crux, et xylon par lignum (qui signifie « bois »). D'où l'image courante représentant Jésus en train de porter sa croix : en réalité, le condamné ne portait la plupart du temps que le patibulum.
Enfin, il convient d'indiquer l'interprétation selon laquelle le Titulus serait à l'origine de l'erreur de représentation de la Croix du Christ. Ce support cloué au dessus de la croix, sur le patibulum, lui aurait donné un peu la forme caractéristique de la croix latine. Ponce Pilate aurait fait mettre sur le titulus de la Vraie Croix un texte en latin (Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum), hébreu et grec : « Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs ».
Les grands prêtres demandèrent au Procurateur romain de rajouter "Cet homme a dit... je suis le roi des Juifs". Pilate répondit : "ce que j'ai écrit est écrit". Par la suite, les représentations chrétiennes ont transformé le texte en se limitant aux initiales I.N.R.I, (en latin I et J sont la même lettre).
Légendes sur l'origine de la Croix
De nombreuses légendes ont été diffusées sur l'origine du bois de la Croix. En effet, il semblait inconcevable aux chrétiens de ce temps que le bois ayant servi au salut de toute l'humanité soit un bois ordinaire. Il fallait donc que ce bois ait « une histoire ».
Selon une première tradition, elle aurait été faite de quatre bois différents (car il faut compter le montant transversal, le tronc, la tablette portant l'inscription et la traverse pour les pieds du Christ) : bois d'olivier (symbole de la réconciliation), de cèdre (symbole de l'immortalité et l'incorruptibilité), de cyprès et de palmier.
Une autre tradition médiévale, remontant à l'Évangile apocryphe de Nicodème, est reprise au XIIIe siècle dans la Légende Dorée du dominicain Jacques de Voragine. La Croix du rédempteur fut taillée dans le bois de l'arbre ayant poussé sur la tombe d'Adam, traditionnellement localisée à Jérusalem, sur l'emplacement même de la crucifixion. Or, cet arbre n'est autre que celui qui a poussé à partir d'une graine de l'Arbre de la Vie, semée dans la bouche d'Adam après sa mort par son fils Seth. C'est l'archange Michel qui l'a apportée à Seth depuis le paradis terrestre afin de permettre à terme le rachat du péché originel. En effet, le Christ est en général désigné comme le "nouvel Adam", qui rachète le péché introduit dans le monde par le premier homme.
L'arbre ayant poussé sur le tombeau d'Adam est alors abattu sur ordre du roi Salomon pour servir de bois d'œuvre. Destiné d'abord à la construction du Temple, il est finalement affecté à celle d'un pont, celui de Siloé. La reine de Saba, rendant visite à Salomon, s'agenouille devant cette poutre de bois, avec la prémonition qu'il servira à fabriquer la croix de la passion de Jésus. Selon une autre version, elle aurait écrit à Salomon pour lui dire qu'à ce bois serait un jour attaché l'homme dont la mort mettrait fin au royaume des Juifs. Touché par cette prémonition, Salomon ordonne alors aux ouvriers de retirer le bois sacré du pont sur le Siloé et de l'enfouir profondément sous terre. Et, à l'endroit où l'arbre était enfoui, se forma plus tard la piscine probatique : si bien que l'eau guérissait les malades. Cette version est illustrée par exemple par les fresques de Piero della Francesca à Arezzo. Il fallait encore rendre compte de la disparition du bois de la croix après la mort du Christ. Selon les versions les plus courantes, les trois croix (celle du Christ et celles des larrons) auraient été jetées dans un fossé, près des remparts de Jérusalem à quelques mètres du Golgotha.
Histoire des reliques de la Vraie Croix
L’origine de la croix est liée, aussi, à celles des reliques qui, bientôt, vont se répandre dans la chrétienté.
Le nom de "Vraie Croix" a plus particulièrement été donné à un ensemble de reliques remontant à la croix découverte par sainte Hélène au début du IVe siècle. Découpé en plusieurs fragments et dispersé entre plusieurs sanctuaires chrétiens, en particulier Jérusalem et Constantinople, le bois de la Vraie Croix représente au Moyen Âge une relique très répandue. À partir du XIIIe siècle, nombreux sont les sanctuaires qui prétendent en posséder des fragments.
Au IVe siècle, l'Empire romain devient peu à peu chrétien sous l'impulsion de l'empereur Constantin Ier le Grand. Ce dernier, converti au christianisme en 312, fait construire de nombreuses basiliques dans l'ensemble de l'Empire, en particulier sur les lieux ayant abrité la vie du Christ. L'une de ces basiliques, le Saint-Sépulcre à Jérusalem, est érigée sur l'emplacement présumé du tombeau du Christ et du Golgotha. Rapidement, cette basilique prétend posséder une relique particulièrement prestigieuse : la Vraie Croix.
Selon des récits en partie légendaires, qui apparaissent à partir des années 370, soit une trentaine d'années après la mort de Constantin, c'est sainte Hélène, la mère de l'empereur, qui aurait découvert la Croix de Jésus lors d’un pèlerinage en Palestine entrepris en 326. Le bois de la croix fut découvert sur le lieu du calvaire, après que l'on fit détruire le temple de Vénus bâti par Hadrien, afin d'y ériger la basilique du Saint-Sépulcre. C'est au cours du chantier que trois croix auraient été trouvées. Un miracle (ou une inscription, selon les versions), aurait permis de distinguer la croix du Christ de celles des deux larrons.
Il existe trois récits primitifs de cette inventio reliquarum.
En 395, l'évêque de Milan saint Ambroise précise qu'Hélène aurait retrouvé les croix dans une ancienne citerne, et qu'elle aurait reconnu celle du Christ grâce à son inscription : "Jésus de Nazareth, roi des Juifs". Une version identique est rapportée par saint Jean Chrysostome à la même époque.
La légende prend alors de l'ampleur. L'historien Sozomène (début du Ve siècle) et d’autres auteurs comme Théodoret de Cyr (même époque) précisent que les reliques furent partagées entre plusieurs églises du monde chrétien, tout particulièrement Rome et Constantinople. En effet, d'autres églises que celle du Saint-Sépulcre commencent à revendiquer la possession de fragments de la relique. On explique ainsi que la sainte impératrice aurait installé un fragment du bois de la Croix dans le palais construit par son fils Constantin dans sa nouvelle capitale, Constantinople ; elle aurait par la même occasion retrouvé les clous par lesquels le Christ avait été crucifié, autre relique revendiquée par la capitale impériale. De même, en partance pour Rome, la mère de Constantin aurait emporté avec elle d’importants morceaux du bois sacré et d'autres reliques ayant trait à la Passion du Christ. Elle aurait placé les reliques dans son palais, appelé « palais Sessorien », et serait morte peu de temps après.
L'importance de la découverte de la relique, dont la date supposée serait le 3 mai 326, donna naissance à la fête de l’Invention de la Sainte-Croix (le mot "invention", du latin inventio, est ici à interpréter dans le sens de découverte).
Dans le calendrier du rite de l'Église de Jérusalem, attesté dès le début du Ve s., la fête de l'invention de la Croix est datée du 7 mai. L'Exaltation de la Croix le 14 septembre, en partie empruntée à la liturgie du Vendredi Saint, est aussi attestée dès cette époque.

Bien des siècles, après bien des péripéties et à l’issue de la quatrième croisade, saint Louis rachète aux Vénitiens en 1238 une partie des reliques gagées par l'empereur latin de Constantinople, dont la couronne d'épines. Le 30 septembre 1241, la Vraie Croix et sept autres reliques du Christ, notamment le « Saint Sang » et la « Pierre du Sépulcre » sont acquises. Enfin, en 1242, neuf autres reliques, dont la « Sainte Lance » et la « Sainte Éponge » venaient rejoindre les précédentes.
Pour accueillir l'ensemble des reliques, dont le fragment de la Croix, le roi fait construire et consacrer en 1248 la « Sainte-Chapelle », un lieu sacré au centre de Paris, dans l'île de la Cité, au centre du palais royal (l'actuel Palais de Justice). À la Sainte-Chapelle, à l’intérieur de la chapelle haute, la Sainte Croix et les autres reliques venues de Constantinople sont enfermées jusqu’à la Révolution dans une « Grande Châsse » monumentale d’orfèvrerie, haute de plus de trois mètres. La Croix à double traverse, haute de près d’un mètre à elle seule, avait été retirée de son écrin byzantin. Afin qu'elle puisse être visible de tous, elle avait été entièrement revêtue de cristal, recouverte à l’intérieur de dorures et sertie de perles et de pierres précieuses.
La Révolution marque la disparition de cette relique. En effet, le 25 avril 1794, la Vraie Croix est dépouillée des matières précieuses qui l’ornaient et sa trace se perd. Néanmoins il reste des reliques du bois de la Croix et un clou de celle-ci, ainsi que la couronne d’épines, dans le Trésor de la sacristie de la cathédrale Notre-Dame.


Les lectures de la messe
La croix du Christ, signe d’abaissement et d’élévation. Sur elle, Jésus se révèle totalement l’un des nôtres, partageant notre condition mortelle et prenant la condition du serviteur. Sur elle, Dieu élève son son Fils et nous le présente comme gage du salut éternel.

Nombres 21,4-9
L’épisode se situe à la fin de la longue traversée du désert, avant l’entrée en terre promise. Dès le début de la marche, le peuple récrimine et traîne des pieds. Trois jours après la sortie d’Égypte, il murmure déjà contre Moïse en disant que l’eau est imbuvable. Il évoque avec nostalgie les chaudrons de viande du passé. Dieu répond au peuple en faisant pleuvoir le pain du ciel, la manne. Quarante ans après, dans l’épisode d’aujourd’hui, ce pain est traité de “ nourriture misérable ”. Le peuple est “ à bout de courage ”. Moïse, une fois de plus, est un intermédiaire efficace entre le peuple et Dieu. Il s’interpose et fait revenir Dieu de l’ardeur de sa colère.Lu de manière fondamentaliste, ce récit choque la sensibilité chrétienne d’aujourd’hui. Il faut en saisir la visée première qui est de raconter les conséquences d’une révolte contre Dieu. Regardez ce qui s’est passé chez nos pères, la génération du désert, dit l’auteur. Ils ont été sévèrement punis. On ne se révolte pas impunément contre Dieu.Le récit montre l’importance de Moïse, le législateur. Lui et son œuvre sont l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Il faut noter enfin les aspects particuliers de ce texte et plus spécialement les “serpents à la morsure brûlante ” (= venimeux). Le geste qui sauve est un peu magique. On pense aux chouettes clouées autrefois sur les portes des granges dans nos campagnes. On pense également au caducée, le symbole des professions de santé, qui représente deux serpents fixés sur un bâton. Dans notre texte, ce qui sauve ce n’est pas le serpent fixé au sommet d’un mât, mais le regard levé sur lui. Les yeux se lèvent sur une représentation du mal, le serpent, Mais est le serpent est vaincu. Il ne peut plus ramper par terre et mordre la descendance de la femme au talon Gn 3,15). Lever les yeux vers le serpent mort, c’est lever les yeux vers Celui qui l’a vaincu, le Seigneur, le maître de la vie. Le livre de la Sagesse interprétait déjà le texte ainsi : “ Quiconque se retournait était sauvé, non par l’objet regardé, mais par toi, le Sauveur de tous. ” (Sa 16,7)

Psaume 77
Le psaume est une longue méditation sur l’histoire d’Israël, depuis la sortie d’Égypte jusqu’à la montée sur le trône de David. Cette histoire est racontée de génération en génération. Relatant les merveilles accomplies par Dieu, elle redit “ les titres de gloire du Seigneur ”. Relatant également les rebellions de la génération des pères, elle sert également de leçon pour toutes les générations. Cette histoire n’est pas à ranger dans le genre vie de saints. Elle n’idéalise pas les ancêtres et ne leur attribue pas des vertus extraordinaires. Elle montre au contraire leurs incessantes rébellions contre Dieu et leurs infidélités à l’alliance. Le Seigneur a fort à faire pour éduquer son peuple rebelle. Mais il est miséricordieux et il pardonne. Il tient compte de la fragilité des êtres humains. Ils ne sont pas des surhommes. “ Ils ne sont que chair, un souffle qui va sans retour ”.

Jean 3, 13-17
L’évangile de ce jour est tiré de la rencontre entre Jésus et le pharisien Nicodème. Dans une longue tirade, Jésus lui livre les secrets de Dieu. Il peut le faire parce qu’il vient de Dieu. Nul autre que lui ne peut le faire. “Qui, étant monté aux cieux, en est redescendu ? ” s’interrogeaient les sages d’Israël (Proverbes 30,4). Personne évidemment, sauf Jésus. Avec une nuance cependant. Jésus n’est pas monté au ciel pour en redescendre. Il est descendu du ciel pour y remonter. Il a été envoyé par le Père et a été “ élevé ”.
On est très étonné de lire dans la déclaration de Jésus à Nicodème une phrase comme celle-ci : “ De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé ”. Comment peut-on comparer Jésus, même se tordant dans les douleurs du supplice, à un serpent ? Dans la Bible, le serpent est le symbole du mal. Dès les premières pages du livre de la Genèse, il fait les dégâts que l’on sait auprès de l’arbre du bonheur et du malheur. Lors de la traversée du désert, il attaque le peuple avec sa “ morsure brûlante ”. Sur le chemin de Paul à Rome, à Malte, il surgit sous forme de vipère pour bloquer l’avancée de la Parole de Dieu. Et dans l’Apocalypse il a grossi au point de devenir un dragon. Il cherche à dévorer l’enfant mis au monde par la Femme et il n’est vaincu qu’à la fin, au moment où la Jérusalem nouvelle descend d’auprès de Dieu. Comment peut-on comparer Jésus à une bête pareille ?
L’explication est ingénieuse. Reposant sur le mot “ élever ”, elle nous ouvre de belle perspective. St Jean reprend un épisode assez obscur de l’histoire d’Israël. Au cours de la traversée du désert, Dieu a permis que son peuple récalcitrant soit attaqué par des serpents venimeux. Pour le sauver, Moïse a élevé un serpent de bronze sur un mat et lui a demandé d’élever les yeux vers cette image. Le serpent ne sauvait pas par lui-même. Ceux qui levaient les yeux vers le serpent levaient les yeux vers le ciel sur lequel se détachait l’image du mal vaincu. Par delà le serpent, ils regardaient l’auteur du salut : le Seigneur. Nous comprenons maintenant la belle image utilisée par l’évangéliste. Jésus lui aussi est élevé sur le bois de la croix. Élevé par les hommes qui croient le punir. Élevé en réalité par Dieu. Car dans notre passage, l’évangéliste joue sur l’ambiguïté de l’expression. Jésus a été élevé sur le bois de la croix et il a été élevé par Dieu. Pour Jean, la mort de Jésus n’est pas un sacrifice destiné à apaiser la colère de Dieu, comme l’affirmera une certaine théologie. Elle est au contraire la manifestation de l’amour de Dieu pour les hommes. Le Père nous donne son Fils unique pour nous sauver. Ce thème de l’amour de Dieu pour les hommes figure ici pour la première fois dans l’évangile de Jean. Il sera amplement développé par la suite.


Un message pour nous aujourd’hui…

Dans l’histoire des hommes, nous les chrétiens, nous sommes fiers de la croix du Christ car nous y reconnaissons le signe de la vie : du bois de la croix a été partagé à toute l’humanité un fruit qui guérit, le fruit de l’arbre de vie du jardin de la Genèse. Que notre seule fierté, comme dit l’apôtre, soit la croix de notre Seigneur Jésus Christ.
Parce que les chrétiens sont des êtres de chair et de sang, les chrétiens ont dit leur amour du Christ en dressant des croix au carrefour des chemins, en embrassant la croix, en la fleurissant, en l’acclamant, en la mettant dans leur maison, en la portant sur eux.
Mais pour nous, quel est vraiment le signe de cette croix ? Quand, sur le quai d’une gare, ou à l’aéroport, je fais des grands gestes d’adieu à un ami ou à un être cher, il se passe entre nous deux des tas de choses qu’on ne peut exprimer : c’est peut-être la tristesse d’une séparation, c’est peut-être l’inquiétude d’un départ vers l’imprévu, c’est peut-être la confiance ou l’espoir d’un départ vers un nouveau projet ou que sais-je encore ? Tant que mes gestes sont vus du passager, il y a connivence, communication entre nous, même sans nous parler. Le geste d’adieu que je fais vers mon ami est un signe que je lui envoie, car entre nous il se passe quelque chose. Après le premier tournant, nous ne nous voyons plus. Mes gestes perdent leur sens. Ils ne sont plus reçus et, donc, ne sont plus un signe. Saint Jean nous dit que Jésus sur sa croix est pour nous le signe envoyé par Dieu à condition que nous le recevions et que donc, une connivence s’établisse entre Jésus et nous. Sinon, sa mort n’a pas de sens.
Je peux comprendre et accepter ce que dit Saint Jean, comme je peux comprendre, si on me l’explique, que la terre tourne autour du soleil. Mon acceptation est intellectuelle mais ne change pas nécessairement ma vie. Mais alors, cet homme Jésus sur une croix, qu’est-ce que cela m’a fait vraiment ? Quel est ce signe que je reçois ? Qu’est ce qui se passe entre lui, Jésus, et moi ? Comme avec mon ami sur le quai ? Et c’est là que cela commence à devenir extraordinaire ! Car je crois que l’homme a en lui quelque chose d’extraordinaire ! Il est capable d’aimer, de parvenir à faire en lui au fond de lui-même, de la place pour quelqu’un d’autre. Je crois profondément que cette capacité d’aimer que nous avons tous en nous c’est quelque chose de Dieu en nous. Quelque chose que nous avons le pouvoir de faire vivre. Quelque chose qui parfois nous envahit, nous rapproche de Dieu en ressemblant à cet homme Jésus. Cet homme, appelé Jésus, nous propose un choix de vie pour être, avec lui, nous aussi, des fils de Dieu. Et je crois que communier à son corps et à son sang c’est partager avec lui ce corps capable de recevoir Dieu et lui laisser de plus en plus de place. J’ai envie de dire que cet homme Jésus a tellement aimé, a été tellement envahi par Dieu, qu’à un moment donné, son corps n’avait plus d’importance. Il avait laissé Dieu, en lui, prendre toute la place. Sur la croix, il ne reste que Dieu. En langage humain on dit que sur la croix le Christ a rejoint la gloire de son Père. Je crois que c’est cela le message de connivence avec Jésus dont nous parle Saint Jean, que c’est cela le signe de la croix que nous sommes fiers de pouvoir dignement tracer sur notre propre corps.

Michel Steinmetz †

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