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mardi 26 août 2008

Article à paraître in "Caecilia" N°5-2008 sur l'onction des malades


L’onction des malades
dans le giron de la célébration communautaire

L’onction des malades a souvent été appelée – à tort – « l’extrême-onction », et cette habitude, malgré le réajustement demandé par le Concile, a parfois du mal à disparaître des esprits. Pas étonnant alors que la dimension à la fois réitérable et communautaire d’un tel sacrement ait des difficultés à s’imposer. Pas étonnant que l’importance du chant n’apparaisse pas de manière évidente là où la célébration est d’abord perçue comme privée et réservée à un contexte d’urgence au moment de la mort.

La maladie frappe l’homme dans son corps et dans son âme. Dans cette expérience humaine fondamentale, l’homme prend conscience de ses limites et de sa dépendance ; il se souvient aussi de la loi, souvent oubliée, de la mort inéluctable. Souvent cette expérience s’accompagne de celle du sentiment d’être considéré aux yeux de son prochain car différent et affaibli. Jésus a refusé cette interprétation, faisant de la maladie le lieu d’un jaillissement de sens. De plus, la passion, la mort et la résurrection de Jésus offrent la base d’une nouvelle compréhension de la souffrance. La maladie peut être considérée comme l’occasion d’une participation au mystère pascal du Christ et l’ouverture à une fécondité pour la communauté des croyants.
Le sacrement de l’onction se fonde sur cette expérience humaine. Il tente de l’éclairer et d’y apporter la présence agissante et efficace du Christ. Il faut d’emblée préciser le vocabulaire : le rituel parle des sacrements pour les malades, car la sollicitude du Christ s’exprime de diverses manières. La visite des malades, la communion, l’onction, le viatique, la célébration des sacrements avec un malade en danger de mort, la confirmation en danger de mort et la recommandation des mourants sont autant de facettes d’une présence fraternelle aux malades qu’offre le rituel[1]. Parmi eux, le geste sacramentel de l’onction occupe évidemment une place éminente.
Nous verrons tout d’abord ses fondements bibliques (I) avant d’aborder son évolution et les dérives de sens qu’il a pu subir (II). Enfin, nous nous interrogerons sur la donne nouvelle qu’introduit sa célébration en assemblée chrétienne (III).

I. – Les fondements bibliques

1) Dans les Evangiles et les Actes
Les évangiles rapportent à plusieurs reprises que Jésus accordait aux malades une attention particulière et qu’il en guérit corps et âme en grand nombre. Comme il l’a fait avec d’autres miséreux, il s’est rendu solidaire des malades et même identifié à eux, au point de déclarer, dans le discours sur le Jugement (Mt 25, 31-46), que c’est lui-même que, dans la personne des nécessiteux, on a servi ou refusé de servir. Par ailleurs, il a envoyé ses disciples en mission afin qu’ils imposent les mains aux malades et qu’ils s’en trouvent bien (Mc 16, 18). Ils leur feront l’onction d’huile (Mc 6, 13) pour les guérir (ibid. et Lc 9, 1 sq). Les Actes rapportent aussi que les apôtres ont guéri des malades après la mort-résurrection de Jésus, en son nom et en vertu de sa puissance (cf. Ac 3, 1 et 5, 15 sq).

2) L’épître de Jacques
L’épître de Jacques (5, 14) est particulièrement déterminante pour ce qui concerne le service des malades dans les communautés apostoliques. Ce service y était déjà devenu, en fait, une institution constitutive de la mission de la jeune Eglise dans l’annonce de l’Evangile qui perpétue la mission de Jésus confiée par lui aux disciples. L’apôtre joint la prière de la foi au geste de l’onction et de l’imposition des mains. Ce dernier a pour effet de réconforter le corps et l’âme, et le cas échéant aussi de pardonner les péchés[2]. Il ne s’agit pas ici de mourants, mais de malades auxquels il importe de rendre service. On s’adresse pour cela aux « presbytres » (= anciens), donc aux ministres de la communauté, et non à n’importe quel autre fidèle, fût-il même doté d’un charisme spécifique. Le service des malades selon la Bible est une affaire de l’Eglise.

Deux conséquences sont à retenir de ces données bibliques :
- Quand l’Eglise, usant de signes sensibles, agit en vue du salut de ses membres au nom du Seigneur, nous parlons de « sacrement ». L’onction est bel et bien une action du Christ lui-même.
- L’onction n’est pas une sorte de consécration de la mort, ou un passeport officiel pour l’au-delà. Elle est un sacrement qui restaure l’homme malade dans son corps et dans son âme.

II.- Une déviation de sens qui a la rancune tenace !

Depuis le haut Moyen-Age, se sont instaurées une fausse conception et une pratique déplorable. A cette époque, en effet, on retardait le plus possible le sacrement de la réconciliation jusqu’à l’article de la mort pour éviter les dures pénitences imposées alors. Le sacrement de l’onction était lui aussi administré à l’imminence de la mort puisqu’il devait être précédé de celui de réconciliation afin d’être en état de grâce. On souligne donc de moins en moins le rôle de réconfort et de guérison de l’onction au profit d’un accent sur la promesse du pardon des péchés. Au XIIème siècle, avec le terme d’ « extrême-onction » qui devait se généraliser, l’onction devenait de fait le sacrement du moment de la mort, bien que cette expression ne voulût signifier au départ que l’onction des malades était la dernière reçue chronologiquement parlant… après celle du baptême et de la confirmation !
Cette habitude a perduré durant des siècles. Divers rituels verront le jour et seront promulgués : on retiendra parmi eux celui de 1614, modifié par celui de 1925 qui maintenait les onctions sur les cinq sens mais supprimait celle sur les reins et rendait facultative celle sur les pieds. La célébration, parce qu’envisagée dans le contexte de la mort, trouvait son lieu au domicile du malade et non à l’église. Peu à peu s’était généralisée aussi la pratique, pourtant contraire aux habitudes de l’Eglise antique, de donner la dernière communion – le viatique – avant l’extrême-onction.

III.- Une célébration ecclésiale et le retour du chant

Déjà les Pères du Concile de Trente, au XVIème siècle, tentaient de se démarquer de la conception médiévale en rappelant qu’il serait heureux que l’extrême-onction ne soit pas que le sacrement des seuls mourants. Profitant du renouveau des études liturgiques et patristiques, les Pères de Vatican II, quant à eux, ont pu faire un pas de plus. Sans désavouer le terme d’ « extrême-onction », ils ont clairement affirmé leur préférence pour celui d’ « onction des malades »[3] en affirmant que le sacrement pouvait être légitimement célébré alors que survient un danger de mort par suite de la maladie ou de la vieillesse.
La formule qui accompagnait dans l’ancien rituel chacune des onctions insistait sur un seul aspect du sacrement : la rémission des péchés. Désormais la formule sacramentelle, tout en reprenant des éléments de l’Epître de Jacques et du rituel précédent, rappellent que la grâce donnée est l’œuvre de l’Esprit-Saint et que le sacrement de l’onction est un remède pour l’âme et le corps. S’il a un effet pénitentiel au point de suppléer la pénitence lorsque celle-ci est impossible, il apporte surtout une grâce de réconfort, voire de guérison. Avec le nouveau rituel, publié en 1972, le nombre d’onctions a été réduit à deux : l’une sur le front et l’autre aux mains.
Il est difficile de commenter et d’analyser ici le riche éventail de possibilités et de formulaires donnés par le rituel. Chaque ministre est d’ailleurs invité à le travailler pour répondre pastoralement de la manière la plus juste aux situations et aux attentes de chaque malade. Néanmoins, nous pouvons nous attacher à la désormais possible et souhaitée célébration communautaire et relever des pistes de réflexion particulièrement pertinentes.

1) Le moment de la célébration.
Quand, dans les paroisses, on souhaite proposer annuellement une célébration durant laquelle on donnerait l’onction, il semblerait plus judicieux de retenir le temps du Carême. Le caractère pénitentiel de ce temps liturgique rejoint celui du sacrement ; de plus, l’Eglise médite alors sur la bonté, la miséricorde et le pardon de son Seigneur. Le rituel prévoit que l’onction puisse être célébrée au cours d’une eucharistie, après l’homélie : cette possibilité permet non seulement de réaffirmer avec force l’aspect hautement ecclésial de toute célébration liturgique mais aussi de l’inscrire au cœur même du mystère de mort-résurrection du Christ que chaque eucharistie actualise. Il est souhaitable que toute la communauté se sente concernée : dans les premiers temps déjà, on percevait que le service des malades était l’affaire de toute l’Eglise ! Ainsi les malades se sentiront-ils entourés et portés par la prière de la communauté et l’ensemble des fidèles percevra mieux la vraie nature du sacrement.

2) La présence du chant.
Penser de fait une célébration communautaire, de surcroît à l’église, demande qu’on se préoccupe de la question du chant. On peut aisément comprendre qu’une célébration dans l’urgence ne laisse guère le temps de chanter, ou qu’une célébration avec un nombre très restreint de personnes ne soit l’occasion d’explorer un répertoire encore pauvre, mais, au cœur d’une eucharistie, la donne change ! Il ne faut pas néanmoins exclure tout chant des cas cités plus hauts : il peut se révéler, même pauvre, maladroit, peut-être inapproprié, un facteur de cohésion, de réconfort, et d’intense émotion.

3) L’insertion dans une eucharistie.
Au cours d’une eucharistie, on pourra développer tout particulièrement le rite pénitentiel. Faut-il faire l’aspersion ? La question mérite d’être posée et elle peut faire sens puisque le rituel prévoit que le prêtre, arrivant au domicile du malade, salue les fidèles et les invite à se signer précisément avec l’eau. Sinon, on veillera à développer les invocations du rite pénitentiel, pourquoi pas sous la forme d’une grande litanie pénitentielle ?

4) La célébration du sacrement.
Elle suit immédiatement l’homélie et comporte plusieurs temps : la litanie et l’imposition des mains, l’action de grâce ou la bénédiction de l’huile, l’onction, la prière après l’onction. On peut remplacer la litanie initiale par une prière universelle qui suivra alors la prière après l’onction. Ces différents moments peuvent être l’occasion de prendre un refrain, la strophe d’un chant ou une acclamation soit en préambule soit en conclusion de chaque partie. L’unité mélodique sera recherchée afin de mettre en relief l’unité des parties qui, ensemble, forment le sacrement.
Le refrain de la litanie, si on la fait, sera des plus brefs pour conserver le caractère justement litanique de la prière. Quoi qu’il arrive l’imposition des mains se fera toujours en silence, sans le soutien ni du chant ni d’un instrument.
Pendant le temps de l’onction, il sera indiqué de prendre un chant, de préférence méditatif, ou de laisser à l’orgue ou à un autre instrument le soin d’accompagner cette démarche.
Après l’homélie, un chant de la Parole aurait toute sa place pour introduire les fidèles au sens et à l’intelligence du sacrement de l’onction.

5) Les autres chants.
Il faut bien l’avouer le répertoire consacré à l’onction des malades est relativement pauvre et celui qui existe demeure largement méconnu des assemblées. Pour favoriser la participation de tous, on n’hésitera pas à faire précéder l’entrée en célébration par un temps d’apprentissage. Les chants d’entrée, de communion, voire d’envoi seront choisis en pensant aux harmoniques déployés par le sacrement lui-même : caractère ecclésial de sa célébration, aspect pénitentiel, réconfort dans la maladie, guérison de l’âme et du corps, action de grâce pour la présence du Christ au cœur de la souffrance …

6) L’huile des malades.

Dans le monde antique, l’huile jouait un rôle important d’aliment, de remède ou de cosmétique ; pour les chrétiens, elle est devenue symbole d’élection divine, de bénédiction et de fécondité. L’huile des malades est bénie par l’évêque durant la messe chrismale et, théoriquement, chaque paroisse en possède. Le rituel prévoit qu’une place soit spécialement préparée pour l’huile durant la célébration. Pourquoi alors ne pas l’apporter en procession à l’entrée et la disposer dans un endroit approprié du chœur distinct de l’autel ?

En menant une réflexion de fond autour de la célébration de l’onction des malades, ses modalités de célébration, et en trouvant une juste articulation entre le rite célébré et le chant qui sera tout entier à son service, tous seront plus à même de mieux percevoir la grandeur de ce sacrement, et surtout d’en faire une expérience porteuse de grâce et de vie !



[1] Sacrement pour les malades, pastorale et célébrations, Paris : Châlet-Tardy, 1977, tout particulièrement les notes doctrinales et pastorales, p. 11-16.
[2] A. Adam, La liturgie aujourd’hui, Turnhout : Brepols, 1989, p. 185.
[3] Vatican II, Sacrosanctum Concilium, N° 73.

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