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dimanche 27 janvier 2008

Des enjeux de la célébration de la Première Communion - article à paraître in "Caecilia" N°2 / 2008


Nous poursuivons ici notre nouvelle série d’articles sur la célébration des sacrements. Après le baptême et les déplacements proposés par le rituel, nous en venons à l’eucharistie. Nous avons eu l’occasion de l’aborder rite après rite ; nous proposons ici une approche liée à sa première réception par les enfants. C’est l’occasion d’une démarche impliquant une préparation catéchétique en amont et la célébration elle-même, célébration qui loin d’avoir vocation à l’unicité en appelle beaucoup d’autres !

Le moment de la « première communion » ne s’accompagne d’aucun rite spécifique à la différence d’autres sacrements. Il ne fait appel à aucune matière autre que celle de la célébration de l’eucharistie. C’est évident puisqu’il s’agit d’une « première ». Mais cette « première » est habituellement l’occasion d’une fête pour les enfants et leurs familles. Elle marque une étape nouvelle dans l’existence à la fois humaine, spirituelle et ecclésiale de ces enfants. Elle est l’occasion d’un cheminement qui trouve son aboutissement – non son achèvement – dans cette célébration solennelle. Comment la liturgie et la musique qui l’accompagne peuvent-elles entrer en relation avec ces paramètres sans support rituel particulier ? Quelle est la finalité à tenir vis-à-vis de l’attente festive légitimement désirée ?
Nous nous intéresserons tout d’abord au moment de la première communion pour le situer dans sa singularité, puis dans l’histoire de l’Eglise, et dans le temps liturgique. Puis nous envisagerons la pastorale spécifique qui la prépare en amont avec ses tâches propres. Enfin, la célébration à proprement parler retiendra notre attention, comme le lieu de concrétisation et d’application des constats et objectifs précédemment définis.

I. – Le moment de la première communion

1. Un trait significatif


Curieusement, les ouvrages et précis de liturgie présentant le riche éventail de la ritualité catholique n’abordent de concert la première communion non dans les chapitres consacrés à l’eucharistie mais à ceux dévolus aux sacrements de l’initiation chrétienne. Ce choix est révélateur. Il oriente dès à présent l’ensemble de notre analyse. La démarche qui sous-tend la première communion n’est pas de l’ordre de l’accès au sacrement de l’eucharistie, à un âge donné et à un moment précis de son existence, mais bel et bien d’un parcours initiatique dans la foi chrétienne. Une perspective légaliste voudrait nous faire comprendre la première communion comme l’autorisation enfin concédée au terme d’un parcours catéchétique dûment et assidûment suivi d’accéder à l’eucharistie. La relier en revanche à l’initiation chrétienne la situe à l’intérieur d’un parcours plus vaste. Il est alors d’abord question de foi. Le baptisé grandit dans la connaissance et dans l’amour du Christ : sa croissance s’accompagne du don du « Pain des forts » pour la route, croissance qui se poursuivra encore par le don de l’Esprit pour le témoignage au moment de la Confirmation.

2. L’histoire

La Tradition apostolique mentionne déjà le baptême des petits-enfants, mais tous n’étaient certes pas nourrissons. Ils étaient baptisés en même temps que les adultes. Comme eux et avec eux, ils recevaient la confirmation et l’eucharistie, à moins qu’en l’absence de l’évêque, la confirmation ne soit remise à plus tard. Il en va ainsi jusqu’au XIIème siècle. C’est encore la pratique des Églises orientales. On humecte de vin consacré les lèvres du nouveau baptisé. En 1215, le concile de Latran IV décide que la première communion aura lieu entre un âge variant suivant les interprétations de 7 à 14 ans. Jusqu’à la fin du XVIème, elle n’était marquée par aucune cérémonie particulière, si ce n’est qu’elle était la première communion pascale.
A partir du XVIIème siècle, la première communion prend en France la forme d’une cérémonie solennelle à la fin du catéchisme. Puis elle devient au XIXème siècle un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte, marquant souvent la fin de la scolarité.
En 1910 dans le décret Quam singulari le pape saint Pie X demanda qu’on admette à l’eucharistie les enfants beaucoup plus jeunes, dès "l'âge de raison" vers 7 ans, soit l’âge de la responsabilité personnelle. On appela cette première communion "communion privée" ou "petite communion" et on continua à célébrer la "communion solennelle" vers 12-13 ans couronnement de l’enfance et du catéchisme.

3. Le temps liturgique

Les conséquences sur le moment opportun de la célébration de la première communion dans l’année liturgique sont évidentes. Reliée ontologiquement à l’initiation chrétienne, donc au sacrement premier du baptême, la première réception de l’eucharistie ne se comprend véritablement qu’à la lumière du mystère de mort-résurrection du Christ. Le baptême fait passer de la mort à la vie en Christ : il est logiquement célébré dans les jours où les chrétiens en font mémoire. Si l’eucharistie et la confirmation sont ainsi liées au baptême, elles ne peuvent être intelligemment célébrées que dans la même dynamique pascale. Il n’est nullement question d’efficacité du sacrement – bien sûr qu’un baptême conféré au Carême déploiera la même grâce ! –, mais il importe de faire sens. Heureusement, dans la plupart de nos paroisses, nous avons conservé le temps pascal comme moment le plus idéal pour célébrer les « premières communions ». Ce choix mériterait d’être néanmoins plus souvent expliqué et communiqué.

II.- Une pastorale spécifique en amont.

A partir du moment où la première communion intervient dans une démarche globale qui est celle de l’initiation chrétienne et qu’elle s’étend sur plusieurs années, on ne saurait imaginer qu’elle se résume à une seule célébration festive.

1. Une démarche définie par le caractère initiatique.

Qui dit « initiation », entend « intégration », apprivoisement, maturation. Nous chantons : « Il est grand le mystère de la foi ! » ; en effet, la foi suppose le quotidien tout au long d’une vie, avec des hauts et des bas. La première réception de l’eucharistie devrait être envisagée comme une étape de l’initiation chrétienne, ou en d’autres termes, de la croissance dans la foi. Elle devrait être reliée au baptême et déjà tournée vers la confirmation. Chose délicate avec des enfants en âge scolaire… mais sûrement pas impossible ! Tout cela suppose une démarche réfléchie et construite, sans doute en lien avec le catéchuménat des adultes comme dans les premiers siècles de l’Eglise.

2. Le lien à l’Eglise pour un chrétien en devenir.

Plus largement que le lien au catéchuménat des adultes évoqué précédemment, c’est encore plus largement un lien avec l’Eglise qu’il faut développer : lien avec son universalité, avec son unité et sa diversité… Bien souvent, on rétorque que les enfants doivent pouvoir comprendre et que, pour se faire, il ne faudrait les mettre en contact qu’avec une partie de la foi. Sans manquer d’une pédagogie élémentaire, on pourrait rappeler ici la remarque de saint Grégoire de Naziance : « Sans doute ne comprennent-ils [les enfants] pas très bien, mais ils sont impressionnés »[1]. Entendons par là qu’ils comprennent que quelque chose d’important, d’essentiel est en jeu. Il importe dans un cheminement vers la première communion d’avoir le souci d’une proposition de la foi en ce qu’elle est grande et belle, en ce qu’elle dépasse les âges, les classes sociales et les siècles.

3. « Il y a beaucoup de places dans la maison du Père. »

Une telle approche n’a pas de prétention à l’uniformité, bien au contraire. Elle veut se centrer sur l’essentiel en la personne du Christ. Elle a le souci d’apporter à de jeunes chrétiens encore en devenir les clés nécessaires pour poursuivre d’une part leur formation chrétienne et d’autre part leur intégration à la communauté ecclésiale. Le risque est grand - il est parfois atteint même - de perdre cette finalité : les enfants s’en trouvent alors comme bloqués dans leur cheminement, restant plus tard avec le souvenir d’une foi tout juste bonne à occuper des enfants, mais désormais si éloignée de leurs préoccupations d’adultes.

III.- Le rôle du chant et de la musique

La pédagogie consiste à intervenir à un moment du cheminement pour faire advenir un autre moment capable lui-même d’en engendrer d’autres. Notre propos concerne ici le chant liturgique à proprement parler mais peut interpeller aussi le chant catéchétique, celui qui accompagne les temps de catéchèse.

1. La notion de transmission.

L’Eglise est aujourd’hui confrontée à une crise de la transmission de la foi. Ce qui allait de soit ne l’est plus. On ne peut que rarement désormais compter sur les générations antérieures dans les familles pour transmettre la foi dans la vie quotidienne. Les enfants découvrent souvent tout en venant au catéchisme. Le christianisme est pour eux coupé de toute référence culturelle. Il est complètement nouveau. Comment célébrer à partir de ce constat ? Il est illusoire de penser que des mélodies si familières pour nous le soient pour eux. La transmission de la foi passera par le chant aussi. Il importera de trouver alors des chants rendant parfaitement la foi chrétienne et puisant aux sources vives de l’Ecriture méconnue pour ces enfants. Il conviendra de leur enseigner des refrains facilement mémorisables qui rendront la foi familière et heureuse. De même, le lien à l’assemblée chrétienne effective sera déterminant.

2. Le lien à l’assemblée.

Nos assemblées dominicales connaissent dans la plupart des endroits un vide démographique autour des 25-55ans. On peut donc parler de fracture de classe d’âge dans une assemblée dominicale ordinaire accueillant en son sein des enfants en route vers la première communion, car malheureusement, leurs parents ne les accompagnent par forcément. Se pose la question de leur faire une place ! Cela peut générer des tensions, les plus anciens refusant d’être bousculés dans leur manière de célébrer ! Parfois alors, on célèbre uniquement avec les enfants. Sans doute aucune manière de faire n’est mauvaise en soi. Il est bon d’avoir néanmoins présent à l’esprit plusieurs finalités : le but est de « faire Eglise », comme on dit, c'est-à-dire d’éprouver ensemble le fait de ne former qu’un seul Corps dont le Christ est la tête. Aucune tension ne peut y contribuer, qu’on se le dise ! Célébrer avec les enfants sans penser au lien avec la communauté effective est dangereux : comment grandiront-ils dans la foi sans expérimenter que le Christ intéresse et rassemble petits et grands, bien-portants et malades, riches et pauvres ? Comment comprendront-ils que c’est là le but même de toute catéchèse ?

3. Adultes et enfants ensemble

Nous l’avons déjà souligné : aucun rite spécifique n’accompagne la première communion et celle-ci s’insère à l’initiation chrétienne. De ce fait, on ne saurait trop imaginer un répertoire de chants propre à cette fête. Dans les premiers temps de l’ère chrétienne, on baptisait et « eucharistiait » les enfants et les adultes dans une même célébration aux alentours de Pâques. Forts de l’enseignement de l’Histoire, ne pourrions-nous pas être créatifs pour faire du neuf à partir de l’ancien ? Il est des rites de l’eucharistie qui offriraient aux enfants une belle place. Ils pourraient chanter tel refrain, se charger de telle strophe dont les mots leur seraient familiers et accessibles ? Et s’ils chantaient le psaume depuis l’ambon ? Et si, à proximité de l’autel, on leur confiait le chant de la fraction du Pain ? Pourquoi, encore, ne pourraient-ils pas apporter le pain et le vin à l’autel en alternant un vrai processionnal des offrandes avec la chorale paroissiale ? Peut-être même que parmi eux il en est qui aient quelques dons musicaux et jouent d’un instrument ? Ne pourraient-il pas servir eux aussi la méditation recueillie de l’assemblée ? Surtout, ils ne seraient pas les « petits génies » que l’on exhiberait au milieu d’une assemblée revigorée par un peu de jeunesse. Non ! Ils tiendraient tout simplement la place qui leur revient, au milieu de leurs frères et sœurs aînés et au cœur de l’assemblée célébrante ! Ils seraient progressivement, pédagogiquement initiés à la célébration de la foi. Prenant de l’âge, ils en recueilleraient les fruits, tous les fruits. Saint Cyrille, évêque de Jérusalem au IVème siècle, est bien connu pour ses « catéchèses mystagogiques ». Celles-ci consistaient à ne pas expliquer les rites avant leur célébration mais après ! Bien sûr les néophytes étaient spirituellement préparés, mais c’est à la lumière non seulement de la pratique du rite mais de son éclairage par la foi qu’ils découvraient alors la plénitude de la grâce du rite.

Gageons que la méthode de saint Cyrille pourrait encore faire recette aujourd’hui ! Trop souvent nous abordons la liturgie de manière conceptuelle et rationaliste : elle demeure pourtant avant tout une expérience de la Rencontre, faisant appel tout à la fois à des règles et à des signes sensibles. La liturgie est l’acte de toute l’Eglise pour tous les baptisés. Si nous avons le souci des enfants, notre mission est de les aider à devenir adultes dans la foi [2](c’est le but de l’initiation chrétienne !). Cela passe aussi par les chants.

[1] Grégoire de Naziance, Oratio 40 In sanctum baptisma 28, PG 36, 400.
[2] On se réfèrera avec grand intérêt à Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation, Documents d’Eglise, Paris : Bayard Editions - Fleurus-Mame - Les Editions du Cerf, 2006 et Conférence épiscopale de France, Aller au cœur de la foi, questions d’avenir pour la catéchèse, Paris : Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2003.

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