A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 5 janvier 2008

Homélie de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur - dimanche 6 janvier 2008


Que resterait-il de la fête de l’épiphanie sans les « galettes des rois » ? Sur la pente doucement irrésistible du sacré au sucré, notre dévotion pâtissière rejoint la liturgie, et c’est tant mieux ! Oui, que reste-t-il de la fête de l’épiphanie ? Nous n’avons pas à réduire la visite des mages en une aimable scène folklorique ou allégorique permettant de mettre un peu de couleur dans les crèches que nous faisons. Le récit de saint Matthieu est un récit théologique.
Le titre de Jésus, ce" roi des Juifs" que cherchent les mages venus d’au-delà des frontières du Peuple de Dieu, nous le retrouvons sur l’écriteau de la croix en un texte décidé par le païen Ponce Pilate. Saint Jean, en mentionnant cette inscription en trois langues, révèle que l’élévation de Jésus sur la croix dépasse le peuple juif et se rattache en même temps à toute la tradition prophétique qui fait advenir le salut pour toute la terre.
Pour mieux percevoir la portée de cette grande fête, intéressons-nous aux mages…

I.- Qui sont-ils ?

L'évangile ne mentionne ni le nombre de trois, ni ne leur donne la qualification de rois. On pense que ce nombre provient des trois cadeaux apportés (or, encens et myrrhe) et que le prix de ces denrées à l'époque laissait supposer une fortune personnelle importante des mages en question. Ces présents sont associés à Jésus qui est roi (l'or), vrai Dieu (l'encens, utilisé pour le culte) et vrai homme, donc mortel (la myrrhe servait à embaumer les morts). De plus, les mages venant d'Orient représentent les trois pouvoirs: pouvoir royal (l'or), pouvoir sacerdotal (l'encens), et pouvoir spirituel (la myrrhe). Ces trois pouvoirs correspondent aux trois mondes symbolisés par les trois couronnes sur la tiare de Saint Pierre. Les noms traditionnels de Gaspard, Melchior et Balthazar apparaissent, quand à eux, pour la première fois dans un manuscrit du VIème siècle.
Mages, prêtres, savants ou rois ? D’où viennent-ils ?
Dans l'Antiquité, on confondait souvent le pouvoir religieux et le pouvoir politique. Tertullien, théologien né vers 160, écrit que l’Orient fut presque toujours gouverné par des mages. (Adversus Marcionem, III, 13). C’est sans aucun doute le psaume 71 qui fait penser que ces personnages aient pu être des rois : « les rois de Tarsis et des îles apporteront leurs présents, les rois de Saba et de Seba feront leur offrande ; tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. » Or on ne sait pas exactement à quoi correspondent ces territoires ! On estime que Tarsis et les îles désignent l'occident, peut-être l'Espagne, Saba le sud de l'Arabie, Séba le nord du Soudan. Ainsi les Mages d'Orient sont devenus les trois rois représentant l'Europe, l'Asie et l'Afrique et, par là, l’annonce de l’universalité du message du Christ : Jésus n’est pas qu’envoyé au peuple juif, il est le Messie de Dieu donné à toutes les nations.

II.- Que représentent-ils ?

Les mages représentent toute l’humanité ; on peut voir en eux Sem, Cham et Japhet, puisque le livre de la Genèse fait découler de la descendance de ces trois personnages l’ensemble de l’humanité. Ils sont encore Ephraïm, Benjamin et Manassé, ces juifs dont parle le psaume 79 : « Berger d’Israël écoute, toi qui conduis Joseph ton troupeau : resplendis au-dessus des Kéroubim devant Ephraïm, Benjamin, Manassé ! ». Mais ils sont aussi bien Noé, Daniel et Job, ces trois païens qui ont la vie sauve, dans le livre du prophète Ezékiel, quand le pays voit la perte de ses enfants. On rapproche encore les rois mages et les trois enfants du livre de Daniel. Ananias, Azarias et Misaël refusèrent de se prosterner devant le roi païen Nabuchodonosor. Voilà bien la merveille, trois enfants des Hébreux ne s’inclinent point devant un roi païen, mais trois rois païens se prosternent en ce jour devant un enfant hébreu !
Pour Paul et l’auteur de la lettre eux Hébreux, les trois mages représentent l'état idéal auquel l'être humain peut accéder pour réaliser son plus haut niveau de compétence : roi, prêtre, prophète. Rappelez-vous qu’au baptême, le prêtre, en faisant l’onction de Saint-chrême, dit : « Dieu te marque de l’huile du salut… Tu es prêtre, prophète et roi. »

III.- Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?

Il me semble que nous pouvons retenir deux leçons fondamentales de toutes ces informations. La première est que Dieu se révèle – c’est le sens même du mot « épiphanie » – à toutes les nations et à tous les hommes. Il nous faut nous rappeler que nous ne pourrons jamais prétendre à posséder Dieu, à être les uniques bénéficiaires de sa grâce. Cela transforme mon regard sur les autres et sur le monde. Je suis appelé à voir en tout homme un être pour lequel le Christ est venu se révéler. Je ne peux dès lors enlever à nul être ce don, quel qu’il soit, quelle que soit sa vie ou sa faute. C’est précisément ce qui oppose les chefs des prêtres, les scribes et les mages dans l’évangile. Il y a d’un côté, les mages qui n’ont pas d’idées préconçues ; ils sont à la recherche du Messie et ils finiront par le trouver. De l’autre, il y a ceux qui savent, qui peuvent citer les Ecritures sans faute, mais qui ne bougeront pas le petit doigt ; ils ne feront même pas le déplacement de Jérusalem à Bethléem.
La deuxième leçon réside dans la manière même dont Dieu se révèle. Les mages suivent une étoile. Il importe en définitive bien peu de préciser de manière scientifique ce phénomène ou de prouver sa véracité. Car cet astre s’est levé : il a été un signe. Il s’est immobilisé au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Là encore, bel exemple de dépossession. Les mages ont été à l’écoute, ils se sont laissés guider. C’est la création, le cosmos qui se met en mouvement pour révéler l’Enfant-Dieu. Quand Marie visite sa cousine Elisabeth, Jean-Baptiste « tressaillit d’allégresse au-dedans d’elle » ; quand Jésus meurt en croix, les ténèbres se firent sur toute la terre, il y eut un tremblement de terre et le rideau du Temple se déchira en deux. Autres phénomènes qui accompagnent une révélation de la puissance de Dieu. Des phénomènes, des signes. Sommes-nous assez sensibles aux signes que Dieu nous donne ? Non pas à des signes surnaturels, mais aux lieux où il se manifeste en vérité : en son Eglise, dans les sacrements, dans le sacrement de l’amour fraternel ? Sommes-nous assez sensibles aux signes que Dieu donne pour témoigner de sa présence à tous ?


AMEN.

Michel Steinmet +

Aucun commentaire: