Au cœur de la Semaine
sainte, le Triduum nous plonge, au cœur du mystère de la foi. Nous vivons une
immersion totale dans la liturgie. La messe en mémoire de la Cène du Seigneur,
au soir du Jeudi-saint, hier, ne comportait aucun renvoi liturgique, mais
l’invitation à demeurer – au sens johannique de persévérer – dans la prière.
Par l’adoration silencieuse au reposoir, nous avons voulu persévérer avec Jésus
et nous entraîner à la même fidélité que lui. Par-delà les craintes, les angoisses,
l’ombre de la mort qui rôde autour d’eux, nous avons prié, unis à Jésus : « Mon
Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » (Matthieu 26,
39). La liturgie des Heures, ce matin notamment et demain encore, continuera de
nous entretenir dans la prière en nous souvenant du moment où Jésus a été
conduit à la croix à la troisième heure, où il a été mis en croix à la sixième
heure, puis, ici et maintenant, de la célébration de sa passion et de sa mort.
En venant adorer la croix du Seigneur, nous allons faire physiquement le geste
de l’agenouillement. Nous comprendrons alors l’abaissement du Christ, « prenant
la condition de serviteur » (Philippiens 2, 7), lorsqu’il décidait hier de
laver les pieds de ses disciples. A nouveau, nous avons entendu – c’était l’acclamation
avant la Passion – l’hymne aux
Philippiens comme au jour des Rameaux. Dimanche dernier, en entrant dans la
Semaine sainte, nous contemplions de manière encore un peu lointaine
l’abaissement du Christ, qui allait appeler le nôtre en retour ; dans un
instant, nous allons nous abaisser nous-mêmes devant la croix et Celui s’est
abaissé pour nous. Et nous entendrons les Impropères,
ces reproches que le Dieu souffrant fait à son peuple : « O mon
peuple, que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je contristé ? », Lui
qui n’a cessé de montrer sa bonté. Nous serons là devant lui, l’Innocent mis à
mort par amour, à cause de notre péché.
L'eucharistie que nous
recevrons avant de nous disperser ne pourra s’appréhender que par le prisme de cet
abaissement jusque dans la mort par amour. « Sachant que l’heure était venue
pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui
étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jean 13, 1). Alors que la communion eucharistique hier
soir nous rappelait sacramentellement l’institution de l’eucharistie et notre
volonté de communier à la mort et résurrection du Seigneur, celle de ce
vendredi évoque – de par sa forme liturgique spécifique – notre dernière communion, en viatique au
moment de la mort. Celle de la nuit pascale, demain, ravivera le souvenir de notre
première communion.
A la fin de la célébration du Vendredi-saint, il
n’y aura encore aucun renvoi, mais une formule de bénédiction qui nous fera
comprendre qu’il s’agit, encore, de demeurer là. On vient d’entendre la lecture
de la Passion qui se termine par la mise du Christ au tombeau. Il s’agit donc
de rester là, auprès de la croix du Seigneur et auprès du tombeau. Rester avec
la Vierge Marie, elle qui a cru à la résurrection, contre toute évidence, alors
que son fils était mis au tombeau. Souvent, la dévotion populaire a invité les
fidèles à prendre part au chemin de croix ; là, en se déplaçant de station en
station, ils refont l’itinéraire de Jésus sur la via dolorosa, pas à pas en laissant encore le récit de la Passion les
émouvoir et les transformer. C’est ce que nous ferons tous ensemble ce soir avant
de demeurer dans la prière silencieuse près de la croix.
Mais vous remarquerez
que si notre célébration ne comporte pas de renvoi, c’est parce que la mort de
Jésus n’est pas une fin. Elle est elle-même un passage, une attente. La route
se poursuit, elle ne prend pas fin au sommet du Golgotha. Elle n’est pas la
constatation d’un échec. Voilà pourquoi vous ne devez en rester là. Voilà
pourquoi vous êtes obligés de prendre part à la célébration de la Résurrection demain
soir si vous voulez que la Pâque de Jésus vous transforme et vous fasse passer
de ce qui semble être pour vous une mort, une fatalité, un deuil, un échec
personnel, à la libération de vos entraves, à la grâce des nouveaux
commencements et d’une vie nouvelle.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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