Dans son chant d’action de grâce qui termine l’épisode évangélique de la
Visitation, Marie rappelle que Dieu se souvient. Oui, frères et sœurs, Dieu n’a
pas la mémoire courte. La fidélité à sa promesse fait partie de son identité.
Marie ne fanfaronne pas auprès d’Elisabeth ; elle ne tire pas à elle la
couverture de la grâce. Sa cousine, dans sa vieillesse, est comblée par une
grossesse ; elle, jeune fille, l’est dans le mystère de sa virginité.
Marie, plutôt, découvre dans son cœur de croyante que ce qui lui arrive est
réellement une bénédiction : Dieu l’a choisie. Elle comprend très vite
aussi que ce n’est pas en raison de ses mérites propres. Sans doute, c’est
vrai, est-elle une jeune fille pieuse qui a grandi jusqu’à présent dans la foi
de son peuple, soutenue dans sa vie familiale par ses parents, Anne et Joachim.
Cela ne suffit pas. Dieu la choisit car Il se souvient d’une promesse qu’il a
faite il y a très longtemps, des siècles auparavant. Il s’est lié à un peuple
particulier qu’Il a élu comme le sien, malgré les infidélités successives et
répétées de ce dernier, et malgré l’endurcissement régulier de son cœur. Dieu a
décidé de rester fidèle à cette promesse, de ne pas se renier lui-même. Marie
comprend donc qu’elle se situe dans cette lignée de croyants ; il faudrait
même dire : dans l’appel de Dieu.
Dieu n’a pas la mémoire courte. Il est celui dont « la miséricorde
s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». « Marie parle, avec
toute l’Ecriture, de la ‘crainte de Dieu’. Il s’agit peut-être là d’une parole
que nous connaissons peu et que nous n’aimons
pas beaucoup. Mais la ‘crainte de Dieu’ n’est pas l’angoisse, c’est tout autre
chose. En tant que fils, nous ne ressentons pas d’angoisse à l’égard du Père,
mais nous ressentons la crainte de Dieu, la préoccupation de ne pas détruire l’amour
sur lequel est placé notre vie. La crainte de Dieu est ce sens de la
responsabilité que nous devons ressentir, la responsabilité de la portion du
monde qui nous est confiée dans notre vie. » (Benoît XVI, Homélie,
15 août 2006). C’est ce même Dieu qui, un jour, « dispersa les
superbes », « renversera les puissants », « renverra les
riches les mains vides ». Le même Dieu, encore, qui reconnaîtra la force,
la force et la persévérance d’aimer de tous les humbles et de tous les petits.
Marie est de ceux-là. Rien ne la destinait, aux yeux du monde, à devenir le
Mère du Sauveur. Rien ne la désignait, aux yeux du monde, à être associée, la première,
en son âme et son corps à la résurrection du Christ avant la consommation des
temps.
Dieu n’a pas la mémoire courte. Il se souvient « dans son
amour ». C’est-à-dire qu’il n’est pas revanchard, qu’il ne se plaît pas à
nous poursuivre tel un juge inique. Il nous porte dans son amour au long des
âges. Marie ouvre un chemin à tout le peuple de Dieu dans lequel le baptême
nous a intégrés. Elle en devient même la « parfaite image »
(préface). Au point que : « ‘Toutes les générations te diront
bienheureuse’: cela veut dire que le futur, l’avenir appartient à Dieu, qu’il
est entre les mains de Dieu, que Dieu l’emporte. Et ce n’est pas le dragon, qui
est si fort et dont parle aujourd’hui la première lecture, qui l’emporte, le
dragon qui est la représentation de tous les pouvoirs de la violence du monde.
Ils semblent invincibles, mais Marie nous dit qu’ils ne sont pas invincibles.
La Femme - ainsi que nous montrent la première lecture et l’évangile - est plus
forte parce que Dieu est plus fort. Certes, comparée au dragon, ainsi armé,
cette Femme qui est Marie, qui est l’Eglise, apparaît sans défense, vulnérable.
Et véritablement, Dieu est vulnérable dans le monde, parce qu’il est l’Amour et
que l’amour est vulnérable. Et toutefois, c’est Lui qui a l’avenir entre ses
mains : c’est l'amour qui l’emporte non la haine, à la fin, c’est la paix qui
l’emporte. » (Benoît
XVI, Homélie, 15 août 2006)
Dieu n’a pas la mémoire courte. Il nous le rappelle en Marie, en ce que
Lui, le Puissant, a fait pour elle et que qu’Il ne cesse de faire pour nous. Parce
que Dieu n’a pas la mémoire courte, Il est plus fort et son amour peut
s’étendre « d’âge en âge » pour terrasser toutes les forces du mal,
de violence, de recherche du pouvoir qui voudraient avoir raison de lui.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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