Cette page de l’évangile – le récit de la
Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth – nous est bien familière. Sans
doute certains parmi vous la connaissent même si bien qu’ils la connaissent par
cœur, au moins pour le cantique de la Vierge Marie, son Magnificat, que l’Eglise reprend chaque jour à l’office de vêpres.
Et une telle familiarité avec la parole biblique est heureuse, mais parfois
dangereuse aussi quand elle devient synonyme de routine. Goûtons-nous encore
suffisamment chaque moment, chaque parole de cette rencontre entre deux
promesses ? Celle de Dieu de donner
encore un fils à Elisabeth malgré sa vieillesse et celle donnée à Marie
d’enfanter en elle, encore vierge, le Fils de Dieu. Quel est donc le
dénominateur commun à ces deux femmes réunies par leur grossesse
miraculeuse ?
L'une et l’autre ont cru. Tout simplement. Sans
artifice. Marie s’est bien posé quelque question. Elle en a fait part à
l’ange : « Mais comment cela va-t-il se faire ?... ». Sitôt
cette interrogation posée, elle a fait confiance : « Qu’il me soit
fait selon ta parole ». L’ange la quitta et commençait pour elle le temps
de l’attente, le temps où elle allait sentir la Promesse de Dieu grandir en
elle. C’est la joie de cette toute jeune fille qui la pousse à affronter
« la région montagneuse » pour partager sa joie avec Elisabeth. Saint
Luc parle même de son « empressement », comme si elle ne pouvait ni réfréner
sa joie ni différer sa visite. Devant les paroles de salutation enlevées de
Marie, l’enfant que porte Elisabeth – ce sera Jean, le Précurseur – atteste en
« tressaillant » dans son ventre de mère que c’est le Seigneur
lui-même qui entre dans cette maison de Judée. Alors Elisabeth est
« remplie d’Esprit-Saint ». C’est ce même Esprit de Dieu qui la
pousse à reconnaître dans la foi que Marie, sa cousine, « est bénie entre
toutes les femmes » et « que le fruit de ses entrailles est
béni ». Vraiment elle est la « mère du Seigneur ». Et avant que
Marie ne réponde par sa louange au Seigneur, Lui qui « s’est penché sur
son humble servante », Elisabeth poursuit par une phrase ici capitale.
J’aimerais que vous en mesuriez en ce jour toute la portée :
« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent
dites de la part du Seigneur ».
Nous comprenons mieux ici ce que l’Eglise nous
invite à fêter aujourd’hui dans la fête de l’Assomption de la Vierge Marie. Ne
vous y trompez pas : nous ne célébrons pas la prévenance filiale du
Seigneur envers sa mère qui l’appellerait à le rejoindre en son âme et son
corps. Elisabeth avait bien compris la vraie gloire de la Vierge Marie. Car ce
n’est pas en solitaire que le Christ triomphe de la mort. S’il est victorieux
des puissances du Mal, ce n’est pas pour lui-même mais bien « pour nous
les hommes et pour notre salut », comme nous le chanterons tout à l’heure
dans le Credo. Le Fils entraîne à sa
suite la foule de ceux que sa mort et sa résurrection vient sauver.
« C’est dans le Christ que tous recevront la vie », dit saint Paul et
– y avez-vous prêté attention ? – il ajoute : « mais chacun à
son rang ». Ainsi il revenait à Marie d’être la première à bénéficier de
la grâce pascale, car c’est elle la première qui avait répondu à l’appel du
Seigneur et n’avait fait qu’un avec Lui.
Aujourd'hui donc nous saisissons mieux, et avec
émerveillement, jusqu’où va l’accomplissement de la Parole. Bien au-delà même
de ce que pouvait imaginer cette petite jeune fille de Nazareth. Nous avons
devant les yeux de notre foi ce que fait Dieu pour nous. Que de fois il me
semble que nous donnons l’impression de ne pas y croire, ou d’y croire
seulement un peu, de n’être capables que de le dire du bout des lèvres, bien
en-deçà de ce que fait Marie dans le Magnificat.
C’est comme si nous ne prenions pas Dieu au sérieux. Au mieux l’attendons-nous,
exigeants et râleurs, dans un quotidien matérialiste et consumériste quand nous
marchandons avec Lui comme avec un marchand de tapis. Pourtant, Il nous promet
bien plus, bien mieux. Par-delà les difficultés et les âpretés de cette vie,
aujourd’hui, il laisse le ciel s’entrouvrir pour que nous y voyions Marie,
« élevée dans la gloire du ciel, parfaite image de l’Eglise à venir,
aurore de l’Eglise triomphante » (préface). Frères et sœurs, levez les yeux et demandez à
Marie de guider et soutenir votre espérance, vous qui êtes encore en chemin.
Comme elle, ne doutez pas que, pour vous, le Puissant fait merveille.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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