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dimanche 6 décembre 2009

Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 7 novembre 2009

Deux des trois lectures de ce jour, celle d’Ancien Testament et celle d’Évangile, présentent l’une et l’autre une veuve qui donne spontanément « tout ce qu’elle a pour vivre » ou, plus exactement, « de son indigence », de ce qu’elle n’a pas. Non seulement chacune donne bien plus que tant de gens n’offrant que leur « superflu », non seulement chacune donne de son « nécessaire », mais chacune encore donne de son « manque » (v. 44).
Que ce soit un paradoxe, nous n’en pouvons douter. Pour l’approcher, la bonne voie consiste probablement à relire la première des deux histoires, celle de la rencontre du prophète Élie et d’une femme de Sarepta. Ces deux figures de l’Ecriture nous livreront alors le témoignage d’un don qui plaît à Dieu.

I.- La veuve de Sarepta.

Nous sommes alors au IXème siècle avant le Christ. Les veuves et les orphelins, privés de la présence du chef de famille, sont à l’époque les plus pauvres, les plus opprimés du peuple. En un temps de grande sécheresse, Élie a dû fuir devant la colère d’Achab, roi d’Israël, et de Jézabel, son épouse impie. Parvenu au pays de Tyr et de Sidon, au sud du Liban actuel, il croise une femme à l’entrée d’une ville. Il commence par lui demander de l’eau, ce qu’elle fait de bon cœur, puis, voyant sa disponibilité, il implore d’elle un morceau de pain. Mais de pain, en ces jours de famine générale, la femme n’en a plus. Il ne lui reste, explique-t-elle, qu’un peu de farine et d’huile au fond d’un vase et d’une jarre, juste de quoi faire un petit pain pour son fils et pour elle, avant de mourir d’inanition. Or, sans la moindre hésitation, l’homme de Dieu lui adresse ces paroles : « Ne crains pas ! Va, mais d’abord cuis-moi un petit pain et apporte-le moi ; ensuite tu feras du pain pour toi et pour ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine ne s’épuisera, cruche d’huile ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur enverra la pluie sur la face de la terre » (1 R 17, 14). Aussitôt, la pauvre veuve obéit et crut à la promesse ; aussitôt le miracle advint conformément à la promesse.
Puisque c’était pour elle donner tout ce qui lui restait, soit presque rien, se vider en quelque manière de soi-même pour son prochain, elle a donné à fonds perdus, au risque de ne plus rien avoir, au risque de perdre la vie, et le miracle s’est accompli comme si la jarre se remplissait en se vidant, comme si le vase s’accroissait en se partageant. Du don même de soi, jusqu’à épuisement de soi, est venue l’inépuisable surabondance, pour autrui et pour soi.

II.- La veuve du Temple

Alors que, dans l’évangile de Marc, Jésus a déjà fait son entrée triomphale à Jérusalem et que le moment de sa mort approche, il enseigne encore abondamment ses disciples, notamment sur l’imminence du Règne de Dieu. Il y a là un peu comme un testament. Des paraboles accompagnent cet enseignement. Parmi elles, le récit que nous entendions est une parabole vivante : nulle image, nulle comparaison ici mais une pauvre femme devenant elle-même « parabole ». Que fait-elle ? Rien d’extraordinaire. Comme beaucoup d’autres, elle s’approche du tronc à l’entrée du Temple pour y déposer son obole.
Mais, contrairement à tous les autres qui donnaient de leur « superflu », elle prend sur sa misère et donne de son nécessaire. En jetant dans le tronc ces piécettes, ces quelques centimes, elle n’accomplit pas que son devoir : elle se donne elle-même en donnant tout ce qu’elle a. Voilà le modèle du don qui plaît à Dieu et que parfois nous refusons comme trop modeste, trop absurde. Quelle erreur ! Si nous attendons d’avoir de quoi lui donner quelque chose digne de lui, quand passerons-nous aux actes ? Sans doute jamais. Rien n’est digne de Dieu sauf l’amour, et l’amour comme avec quelques centimes quand ils expriment la générosité et la confiance même dans la détresse. Si notre foi semble en hibernation, si la messe nous ennuie, si nous avons l’impression de ne pas progresser, si nous avons le sentiment que nos efforts sont vains, ne renonçons pas sous prétexte que cela « ne sert à rien ». C’est au contraire le moment de tout donner, de nous donner… en nous abandonnant à l’amour de Dieu.

III.- La force du témoignage

Il y a des moments - chacun connaît les siens - où la vie paraît au bout de ses possibilités : les forces manquent, la confiance chancelle, le chemin est sur le point de s’arrêter au prochain pas, le sol paraît se dérober sous les pieds.
Mais il suffit, en ces temps-là, d’un sursaut de foi ou, peut-être, de risque ; il suffit, sur l’appel d’une Parole, du don de ses dernières forces au service d’autrui ou, plus simplement, de poursuivre sa tâche d’homme ; il suffit que revienne en mémoire, sous le don de l’Esprit, la phrase de l’Écriture : « jarre de farine ne s’épuisera, cruche d’huile ne se videra » (1 R 17, 14), pour qu’aussitôt, sans que nous sachions comment, nous viennent des forces neuves, jusqu’alors insoupçonnées, comme si paraissait auprès de nous, invisible, un ange de Dieu frayant le chemin, ou quelque bon Samaritain déroulant à l’instant le tapis où poser nos pas, et cela contre toute attente, à partir de rien, miraculeusement.

Bref, c’est en donnant ce que nous paraissons ne pas avoir, c’est en engageant dès aujourd’hui les forces de demain que nous recevons, selon qu’il est écrit : « au-delà et plus qu’au-delà de ce que nous pouvons demander ou concevoir » (Ep 3, 20).
En ces moments-là, sachons-le, en cette obéissance de foi qui n’est jamais facile, encore moins glorieuse, nous sommes plus près de Dieu.

AMEN.

Michel Steinmetz †

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