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dimanche 23 mars 2008

Homélie de la Messe "in coena Domini" - Jeudi-Saint 20 mars 2008

Alors que le jour baisse, Jésus célèbre avec ceux qui sont devenus ses plus intimes, la Pâque. Nous sommes rassemblés ce soir avec Lui, autour de Lui et nous prenons la place de ses disciples. Avec Lui, nous nous apprêtons à célébrer le repas pascal comme il nous a dit de le faire « en mémoire de Lui ». Nous commémorons ce soir l’institution de l’eucharistie.
L’ambiance que nous suggère d’adopter la liturgie est quelque peu paradoxale : sentiments mêlés de joie, de gravité et d’effroi. Car nous mesurons l’importance de l’instant : l’eucharistie nous est transmise pour notre salut et le corps du Seigneur s’apprête à être livré aux mains des méchants, à la vindicte populaire.
En cette heure, Jésus est conscient de son sort ; il sait que son heure est venue. Pourtant, il peut encore renoncer à aller au bout ; sa liberté est sauve. Mais il décide, là, au cœur de la nuit, d’aller à Géthsémani et entre dans une prière tout à la fois profonde, angoissée et confiante. Là au cœur de la prière qui l’unit à son Père, il décide de demeurer fidèle à la mission reçue de Lui.

I.- La fête de la Pâque.


Le repas juif de la fête de la Pâque fait mémoire de celui que les Hébreux prirent au soir de la libération d’Egypte, la première lecture nous le rappelait. Ce repas était celui où avait été consommé l’agneau que l’on avait choisi et immolé à cette fin ; son sang avait été répandu sur les linteaux des portes des habitations afin d’en protéger les habitants de l’ange exterminateur. Ce repas avait été pris « en toute hâte » car c’était la Pâque du Seigneur, « ceintures aux reins, sandales aux pieds, bâton à la main », dit l’Exode. Depuis ce jour, commémorer cet évènement par ce repas était devenu pour Israël une règle édictée pour le Seigneur. Voici que, ce soir-là, pour Jésus, une hâte d’un genre différent annonçait l’imminence de la Pâque véritable, de sa Pâque.
Ce qui est frappant dans la récit de l’Exode, c’est aussi l’idée de mouvement : le Seigneur va traverser l’Egypte, le peuple va se mettre en marche ; de même dans l’évangile, Jésus et ses disciples vont prendre la route à l’issue du repas. Au chant des psaumes, ils iront vers le mont des Oliviers. Là le Seigneur va passer, commençant en Jésus l’œuvre définitive de libération. La marche qu’il entamera dans la nuit sera celle de son arrestation, de son emprisonnement, de sa torture, mais cette marche sera aussi celle dorénavant ouverte jusqu’à la fin des temps de la libération de tout péché et de toute mort. Au bout du chemin, il y aura la croix, puis le tombeau vide.

II.- Jésus fête la Pâque.

Jésus est fidèle en tout aux prescriptions rituelles. Le repas ne s’éternise pas, mais au chant des psaumes, Jésus décide avec les siens de se mettre en mouvement comme le peuple de la Pâque. Géthsémani devient le nouveau désert qui prépare au passage ; à celui de la Mer rouge à pied sec avec Moïse succédera celui de la mort à la vie avec Jésus. Désormais, Jésus le sait, sa présence aux siens devra se vivre sous le signe d’une modalité nouvelle. Bientôt, il acceptera de mourir par amour pour que le monde soit sauvé et que la puissance de Dieu soit manifestée.
Le repas de la Pâque prend un sens nouveau : il demande aux siens de le réitérer en mémoire de Lui jusqu’à ce qu’Il revienne. En se donnant dans le Pain et le Vin, Il donne à ses amis les secours nécessaires pour marcher à sa suite. En lavant leurs pieds, Il leur montre l’exemple à suivre, ultime testament de son amour : se faire toujours et partout le serviteur de tous, gratuitement et dans la joie. C’est dans la prière que Jésus, terrorisé face à son destin, à ce qu’il l’attend désormais, à l’issue fatale de sa vie, décide de dire « oui » : « Père que ta volonté soit faite, et non la mienne ».

III.- Jésus s’offre dans cette nouvelle Pâque.

C’est dans la prière ce soir à Géthsémani que les paroles de Jésus à la Cène, déjà, se réalisent, se concrétisent, prennent chair même. Car déjà les mots se traduisent en fait. Voilà que tout est joué ! Alors l’heure est certes grave mais elle est aussi sereine. Parce qu’elle est sereine, elle est solennelle. D’ailleurs quand Jean-Sébastien Bach met en musique le texte de la Passion selon saint Matthieu, il est éclairant d’entendre combien le musicien-théologien insiste à maintes reprises sur l’expression « aus Liebe », « par amour ». Nous chanterons tout à l’heure, en apportant le pain et le vin à l’autel Ubi caritas et amor, Deus ibi est (Où sont amour et charité, Dieu est présent). Il est encore saisissant d’entendre chez Bach résonner les paroles de la Cène : au cœur d’une écriture complexe, voire agitée, « Ceci est mon Corps ; ceci est mon Sang » sont bouleversants de joyeuse et digne gravité. Ce ne sont pas les mots d’un condamné qui subirait son sort bien malgré lui, ce sont ceux d’un homme debout, libre et aimant. Jésus est bien la victime offerte pour nos péchés en cette nuit : son sacrifice est définitif. Il nous vaut aujourd’hui notre salut.

Puissions-nous célébrer ce soir ce repas avec Lui ! Puissions-nous, avec la même confiance que Lui, nous mettre en route à sa suite à l’issue de cette célébration, l’accompagner à Géthsémani et demeurer quelques instants pour prier avec Lui. Que déjà la grâce de Pâques nous vale d’unir notre « oui » au sien, alors déjà l’œuvre même de résurrection commencera en nous !

AMEN.

Michel STEINMETZ +

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