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samedi 31 mars 2007

Notice sur la Prière universelle de la messe - article à paraître in "Caecilia" N°3 / 2007


Plusieurs éléments dans la célébration de la messe sont emblématiques de la réforme conciliaire. Outre la possibilité de recourir à la langue vernaculaire – tout spécialement pour les lectures –, la prière universelle, ou prière commune ou encore prière des fidèles, fait partie de ceux-là. Après quatorze siècles d’absence dans la liturgie latine, et après bien des débats de liturgistes, les Pères du Concile décidaient de la restaurer.

La Prière des fideles semble aujourd’hui, un peu partout, rétablie et bien accueillie dans les communautés chrétiennes. Elle ne fait que rarement polémiquer, au moins sur le fond ! Dans certaines contrées, à l’étranger, il n’est pas rare d’y recourir même en semaine, suivant en cela à la lettre la Présentation Générale du Missel Romain (N°45) qui prévoit de la faire « habituellement aux messes avec peuple ». Il faut néanmoins remarquer que si la prière universelle est devenue familière des célébrations eucharistiques, son texte, parce qu’à réécrire constamment, et sa mise en œuvre, par voie de conséquence, demandent un soin tout particulier.
Puisque les Pères de Vatican II ont décidé d’en restaurer la pratique, il convient tout d’abord de retourner aux sources historiques et d’en saisir le contexte (1). Ensuite, suivant les indications de la PGMR, il nous sera plus aisé de distinguer cinq fonctions essentielles (2). Enfin, forts de ces acquis, nous pourrons envisager successivement des points précis de mise en œuvre et de mise en musique (3).

1. Un retour aux sources.

En matière de liturgie, une des préoccupations conciliaires a été, grâce aux découvertes dues au développement de certaines sciences historiques, de revenir aux sources, tout en pensant la liturgie dans son développement organique et continu. La prière des fidèles est en cela un bon exemple.

A Rome, au milieu du IIème siècle.
Un court traité de saint Justin, connu sous le nom de 1ère Apologie, nous donne une description de la célébration eucharistique à Rome au milieu du IIème siècle[1]. On y découvre qu’après le commentaire de l’Ecriture, les chrétiens ont coutume de faire ensemble, et debout, des prières - que Justin qualifie de « communes » dans la liturgie baptismale où, alors, la communauté entière prie pour les frères, les néophytes et « tous les autres, où qu’ils soient ». C’est ensuite qu’on se donne immédiatement le baiser de paix. L’usage de la prière universelle apparaît, semble-t-il dans toutes les Eglises à cette époque. Dans la célébration, elle est une des prérogatives des fidèles : ce qui explique que les catéchumènes quittent l’église avant qu’elle ne commence.

Les usages au VIème siècle.
En Orient. Elle y prend la forme d’une litanie diaconale constituée de formulaires fixes et rythmée par une réponse adressée au Christ : Kyrie eleison !
En Afrique. Tertullien y fait allusion, mais Augustin l’atteste et termine fréquemment ses homélies en proposant des intentions de prière auxquelles les fidèles s’unissaient en répondant : « Amen ! ».
A Rome. Une forme solennelle subsiste dans notre actuel office du Vendredi-saint : il s’agit d’invitatoires suivis chacun d’un temps de silence (à genoux pendant les temps de pénitence) et d’une oraison s’ouvrant sur l’« Amen » des fidèles.
Le pape Gélase (492-496) introduit l’usage d’une prière litanique avec le répons « Domine exaudi et miserere »[2]. Avant de disparaître de la messe romaine au VIème siècle, la prière universelle a donc connu une autre forme que celle que nous connaissons encore le Vendredi-saint.
En Gaule et en Espagne. On fait état, au VIème siècle toujours, d’une « prière du peuple qui se lit après l’Evangile ». La forme en est peut-être une litanie diaconale conclue, en tout cas, par une oraison prononcée par le président d’assemblée. En Espagne, Isidore de Séville mentionne deux interventions du prêtre qui encadrent les intentions[3].
Au VIème siècle, la prière universelle apparaît bien comme l’aboutissement de la liturgie de la Parole et comme le seuil de l’eucharistie à proprement parler. Elle est un privilège des fidèles et souligne leur caractère sacerdotal.

L’Occident à partir du IXème siècle.
C’est une messe sans prière universelle qui pénètre en Gaule à l’époque carolingienne quand la messe romaine y est adoptée. Se développe à partir du Xème siècle, l’invitation adressée au peuple après le sermon des dimanches et fêtes à prier à diverses intentions en disant un Notre Père à voix basse, auquel le prêtre ajoute une oraison appropriée à chaque demande. Cette coutume s’est répandue à travers le Moyen-Age en Europe, et a été largement encouragée par le Concile de Trente et saint Pierre Canisius au XVIème siècle. Ce sont les « prières du prône ».

2. Cinq fonctions essentielles.

La constitution conciliaire sur la liturgie (1963) et la PGMR permettent aujourd’hui de distinguer cinq fonctions essentielles de la prière universelle[4].

Une fonction sacerdotale. « Dans la prière universelle, le peuple, exerçant sa fonction sacerdotale, supplie pour tous les hommes » (PGMR N°45). Puisqu’ils sont baptisés, les fidèles sont incorporés à la dignité de « prêtre, prophète et roi »[5] du Christ. A ce titre, ils ont la capacité et la responsabilité de s’associer à la prière de Christ lui-même et de prier au nom de l’Eglise qui les délègue à l’exercice de cette charge au profit de l’humanité entière.

Une fonction d’actualisation. La prière universelle conclut la liturgie de la Parole : cette dernière a été entendue dans les lectures, chantée dans le psaume, assimilée dans l’homélie. Les fidèles sont appelés à rendre, à traduire en prière le bénéfice ainsi reçu. « Nourri par la Parole, le peuple supplie avec la prière universelle pour les besoins de l’Eglise et pour le salut du monde entier » (PGMR, N°33).

Une fonction d’annonce. La Parole de Dieu a au sein de l’assemblée une fonction d’annonce prophétique. Il ne s’agit pas tant de se lancer dans un examen de conscience de mauvais aloi ou dans une analyse des problèmes du monde que de formuler une prière qui transforme déjà les réalités concrètes de la vie.

Une fonction universelle. La prière des fidèles a pour fonction de leur faire saisir qu’ils ne prient pas d’abord pour eux ! La prière de cette assemblée-ci, limitée à ce lieu et à ce temps, s’élargit à la mesure de l’Eglise universelle. Toute célébration eucharistique est la prière de l’Eglise universelle pour l’Eglise universelle. C’est pourquoi une communauté peut se dire « catholique » : elle ne célèbre pas sa liturgie mais la liturgie de l’Eglise, elle ne se célèbre pas mais célèbre son Seigneur.

Une fonction à exercer. Concrètement, parce que revenant aux fidèles, la prière commune est à faire, à rédiger ! De même elle n’a pas lieu sans cette préparation et sans la réalisation que vont en faire le prêtre, le diacre et les fidèles. Cependant, dans l’acte liturgique, elle n’est plus leur prière, mais celle de Celui qui est « toujours vivant pour intercéder en faveur des hommes » (Hébreux 7, 25).

3. Pour la mise en œuvre et la mise en musique.
Après avoir distingué cinq grandes fonctions de la prière universelle, il nous est d’autant plus aisé d’aborder maintenant des questions précises de mise en œuvre.

Le lieu. La PGMR prévoit que la prière universelle se fasse « de l’ambon ou d’un autre lieu approprié » (N° 132). Pour manifester le lien avec la Parole entendue, l’ambon apparaît néanmoins comme l’endroit le plus approprié… à moins que le prêtre n’ouvre et ne conclut la prière depuis l’ambon, comme le Missel lui en laisse la possibilité. Dans ce dernier cas, rare, on fera les intentions depuis un autre endroit.

Les intervenants. C’est toujours le prêtre qui introduit et conclut (PGMR N°47). Les intentions sont, quant à elles, dévolues « au diacre, au chantre, ou à un autre » ! L’assemblée entière participe « soit par une invocation commune […], soit par une prière silencieuse ».

Le nombre d’intentions. La constitution conciliaire (SL 53) aussi bien que la PGMR proposent un schéma quadripartite : 1. pour les besoins de l’Eglise, 2. pour les dirigeants des affaires publiques et le salut du monde entier, 3. pour tous ceux qui sont accablés par une difficulté, 4. pour la communauté locale. On aura tout intérêt à se tenir à cette répartition qui évite des longueurs rapidement insupportables !

La rédaction des intentions. On se souviendra en premier lieu de la place de la prière universelle à l’intérieur de l’ensemble de la célébration : elle conclut la liturgie de la Parole et mène à la liturgie eucharistique. Les intentions seront donc à la fois imprégnées des lectures bibliques et largement ouvertes à l’universalité de la prière.

L’équilibre dans l’alternance entre l’intention et le refrain. Souvent, l’intention est trop longue et parfois aussi le refrain (surtout quand on choisit un refrain de cantique). L’ensemble devient vite trop pesant. S’il y a trop de choses dans l’intention, on ne sait plus pour quoi on prie quand arrive le refrain. Il convient de trouver un rythme harmonieux.

L’accompagnement instrumental pour les intentions ne semble habituellement pas opportun. Cette solution demeurera exceptionnelle, pour favoriser la méditation et conduire au silence. Il vaudrait mieux chanter les intentions ! à condition de les avoir bâties en conséquence et d’avoir une heureuse formule de cantillation…

Le silence. Il est bon qu’il y ait, même quand on utilise un refrain en réponse aux intentions, un bref espace de silence propice à la médiation. Mais si le silence clôt l’intention, comment redémarrer ensemble pour le refrain ? On peut imaginer que la formule du genre « Ensemble, prions » soit dite ou, mieux encore, chantée selon une formule mélodique qui permette un retour naturel au refrain après ce temps silence[6]. Une autre solution consisterait à bâtir les intercessions sur le modèle du Vendredi-saint : d’abord une invitation (ex. « Pour la sainte Eglise…), puis un temps de silence et enfin l’intercession («afin qu’elle… ») qui se terminerait par une formule à chaque fois identique (dite ou chantée comme ci-avant : ex. « Ensemble, prions »).

Puisse la « prière universelle » devenir pour nos communautés un moment intense, nourri de la Parole du Dieu vivant et déjà tourné vers l’action de grâce eucharistique ! Elle nous introduira pleinement au mystère !

[1] Justin, Apologies, I, 65 et 67, 3-5.
[2] « Seigneur, écoute et prends pitié ! » Ce formulaire sera traduit, adpaté et mis en musique par Joseph Gelineau (cf. les partitions à découvrir dans ce numéro).
[3] Isidore de Seville, De ecclesiasticis officiis, I, 15 ; PL 83, 752.
[4] Nous suivons en cela l’heureuse classification proposée dans CNPL, Du bon usage de la liturgie, Guides « Célébrer, Cerf, 1999.
[5] Liturgie du baptême, oraison précédant l’onction avec le Chrême.
[6] C’est une exphonèse. La solution est souvent préconisée par le P. Gélineau.

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