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samedi 17 mars 2007

Homélie du 4ème dimanche de Carême "Laetare" (C) - 18 mars 2007


« Au nom du Christ, nous vous le demandons,
laissez-vous réconcilier avec Dieu.»
2 Corinthiens 5.

Si ce quatrième dimanche de Carême nous invite à la joie, joie d’être arrivé à mi-parcours et de nous approcher de la célébration des fêtes pascales – les ornements roses de ce jour en témoignent –, joie aussi devant l’accueil et le retour en grâce réservé au fils prodigue par son père, ce dimanche nous fait méditer la grandeur du pardon. Le retour du fils de l’évangile aurait-elle seulement été possible sans le pardon préalable du père ?
Le pardon… chose belle, mais ô combien difficile. Valeur galvaudée, parfois. Valeur rabâchée, quand nous ne prêtons même plus attention aux paroles du Notre Père : « pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Et nous savons bien notre difficulté à pardonner. Si nous avons beaucoup souffert du fait de la méchanceté, de la haine d’autres personnes, nous avons d’autant plus de mal à les considérer encore comme notre prochain justement. Combien de fois ne faut-il pas entendre : « Pardonner, ah non ! Cela m’est impossible ! ». Et cela, dans bien des cas, se comprend à vue humaine.
Pourtant, aujourd’hui, saint Paul veut nous faire déplacer notre regard. Laissez-vous réconcilier, c’est-à-dire, acceptez dans cette œuvre de pardon de ne pas être vous-mêmes les sujets, acceptez d’être pris en charge, d’être comme enlacés à l’image du père envers son fils.

I.- Croire que le pardon est possible.

Pour vivre de la grâce du pardon, il faut déjà, n’est-ce pas, croire qu’il est possible. Entendez qu’on peut effectivement le vivre et en vivre. Les fils d’Israël ont peut-être trouvé rude l’absence de manne le premier matin de leur installation en Terre promise. C’est tout du moins ce que laisse sous-entendre l’insistance du Livre de Josué sur ce point. Comme toujours, il y a deux manières de voir : la confiance ou le soupçon, comme si la foi était une paire de lunettes, en somme. Suivant la paire que vous décidez de chausser, votre regard change. Bien sûr, le regard de Josué était celui de la foi : si la manne cessait de tomber, c’est qu’il y avait d’autres solutions pour ne pas mourir de faim. Dieu n’aurait pas mené son peuple aussi loin pour l’abandonner de la sorte. A partir de ce jour-là, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient les fruits de la terre (Jos. 5, 12).
Il en va de même, chers amis, du pardon. Soit nous croyons que nous ne pouvons vivre sans, soit nous croyons qu’il est impossible. Cependant, nous est-il permis de croire que Dieu aurait été jusque là, jusqu’à nous donner son propre Fils, pour en rester là ? Nous est-il permis de croire que de nombreuses paraboles évangéliques, comme celle du fils prodigue, ne seraient qu’une belle histoire tout juste bonne à faire rêver les faibles ?

II.- Se laisser pardonner, d’abord.

Pour envisager comme le pardon comme un possible, il faut, je crois, en faire l’expérience. Comment pardonner si nous n’avons jamais été pardonnés ? Scrutez votre existence. Revenez à ces moments fondateurs où vous-mêmes avez été pardonnés, soit relevés de vos fautes dans le sacrement de pénitence, soit remis en route par un proche, un ami à qui vous aviez fait du tort. A ce moment-là, on se sent exister : on est considéré par-delà notre faute, fût-elle énorme. Bien sûr, le mal que nous avons pu commettre n’est pas effacé. Objectivement il demeure comme la cicatrice qui, sur la peau, jamais ne disparaît. Mais, quand bien même la mémoire de cette souffrance demeure, elle n’est plus un obstacle à la relation, elle l’enrichit parfois.
Quoi qu’il en soit de notre vie, il est une expérience de pardon que, tous ici, nous avons déjà faite, c’est celle du pardon en Dieu. Pardon de Dieu envers nous au jour de notre baptême : par-delà le péché originel, Dieu décidait de faire de nous ses fils et ses filles bien-aimés. Pardon dans l’acte de foi : par-delà notre faiblesse, nous en appelons à Dieu : « pardonne-nous nos offenses », car nous savons qu’il est, Lui, « tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour ». Regard de la foi, donc, qui s’installe en nous à la manière du psalmiste qui sait de source sûre que Dieu entend nos cris, même silencieux. Un pauvre crie, le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses (Ps. 33, 7). Encore faut-il accepter de nous en remettre à lui. Et Dieu prend alors les traits du père de la parabole qui se résout à attendre patiemment le retour de l’enfant prodigue.

III.- Y trouver la force pour pardonner à notre tour.

Quand Paul lance ce vibrant appel : « Au nom du Christ, nous nous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu ! », il affirme deux choses. Il prend en compte la difficulté à pardonner, car ce n’est jamais évident, pour personne. Il sait que ce n’est possible qu’en trouvant en Dieu la force nécessaire pour le faire. Ainsi, il s’agit d’accueillir cette faculté à nous donnée. « Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation. […] Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ. »
A la valeur à vivre – de manière privée, pour faire court –, se substitue celle d’une responsabilité face au monde. Parce que nous sommes réconciliés en Dieu, pardonnés par Lui, parce que nous sommes les bénéficiaires de son amour, nous ne pouvons en rester là. Nous devons à la fois toujours grandir dans l’amitié de Dieu, en nous laissant relever de nos fautes, et donc en nous acceptant comme des êtres aimés, et en témoigner en pardonnant nous-mêmes « à ceux qui nous ont offensés ».

Apprenons à nous réjouir, chers amis, à la faveur de ce dimanche de la joie, de notre propre retour en grâce et du retour en grâce de tous les fils prodigues ! « Il fallait bien festoyer et se réjouir : ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est vivant ».

AMEN.

+ Michel Steinmetz.

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