A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 5 septembre 2020

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 6 septembre 2020


L’amour ne fait rien de mal au prochain. » Cette phrase de l’apôtre semble trouver un écho dans la formule si célèbre d’Augustin : « Aime et fais ce que tu veux ». A première vue, il pourrait s’agir d’une invitation à profiter de la vie, une version chrétienne du carpe diem, voire une permissivité absolue. Tout est permis, du moment que l’on aime ! Il suffit de prononcer cette phrase devant un adolescent et de voir le sourire qui naît sur sa figure, tout en se demandant pourquoi ses parents ne lui ont jamais dit cela… En réalité, cette phrase de saint Augustin a un sens bien différent – qui peut justifier que le même adolescent soit bien puni par ses parents ! – qui nous emmène sur les chemins de la charité et de la correction fraternelle…


Cette maxime n’est pas un slogan qui revient régulièrement chez saint Augustin, même si plusieurs citations lui sont apparentées. Il s’agit d’un extrait unique d’une homélie prononcée pendant le temps pascal 407, plus précisément le samedi de l’Octave de Pâques. Imaginons les chrétiens d’Hippone se presser dans leur basilique pour écouter l’évêque qui a décidé de faire un commentaire suivi de la première épître de Jean. Et voici que le samedi, Augustin en arrive à commenter 1 Jean 4,8-9 : « En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : il a envoyé son Fils unique en ce monde afin que nous vivions par lui ». Le Père a livré son Fils, Judas l’a aussi livré, constate le prédicateur. Quelle est la différence entre les deux ? L’intention : Dieu a livré le Christ par amour pour les hommes, Judas l’a fait par amour de l’argent. Augustin en profite pour insister sur l’importance de l’intention pour juger de la valeur d’une action et de conclure : « Ainsi voilà une fois pour toutes le court précepte qu’on te dicte : ‘Aime et fais ce que tu veux’. Si tu te tais, tu te tais par amour ; si tu cries, tu cries par amour ; si tu corriges, tu corriges par amour ; si tu épargnes, tu épargnes par amour. Qu’au-dedans se trouve la racine de la charité. De cette racine rien ne peut sortir que de bon. » (Commentaire de la 1ère épître de saint Jean VII,8, traduction D. Dideberg, Bibliothèque Augustinienne 79, p. 305).


L’amour ne fait donc rien de mal au prochain quand il est orienté vers l’autre et vers son bien. Nous connaissons toutes et tous des personnes renfrognées qui disent aimer, ou le tentent, mais qui sont repliées sur elles-mêmes, avides de leur plaisir, de leur gain ou de leur pouvoir. Au contraire, celui qui aime à la manière de Dieu est tourné vers l’autre, quitte à se dessaisir de lui-même, comme le Christ l’a fait. Celui-là devient donc un guetteur pour son frère. Devenir un guetteur, c’est-à-dire devenir celui qui, du haut des murailles de la cité, remplit cette haute charge de détecter le danger lorsqu’il survient, de prévenir ses compagnons afin de garantir leur sécurité. Le guetteur accomplit son service avec zèle et attention, sans une once de relâche qui pourrait s’avérer fatale. Il est encore celui qui sait voir au loin, qui scrute et discerne. Cette mission est certes confiée au prophète, mais Jésus, dans l’évangile, nous rappelle que nous en sommes aussi dépositaires. N’avons-nous pas été faits, à notre baptême, « prêtre, prophète et roi », à la suite du Christ ?


Si Jésus nous demande d’agir avec patience et délicatesse, c’est parce que lui-même agit ainsi. Et s’il agit ainsi c’est parce que son Père agit ainsi. Il ne se décourage pas devant mes difficultés à me corriger. Là où le péché abonde, son amour surabonde. C’est ainsi que chacun de nous doit agir vis-à-vis de ses frères. Vous l’aurez compris, c’est à notre propre conversion que le Christ nous appelle. Car, comment souhaiter la conversion des autres sans d’abord penser à la sienne propre ? Et qui parle de conversion parle aussi de croissance pour nous découvrir tels que nous sommes, en vérité. 


Ainsi être chrétien, aimer ce n’est pas d’abord rechercher son intérêt propre ; mais quand on aime à la manière du Christ, en ayant le souci et le soin de l’autre, on ne fait rien de mal. « Le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour ». 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


Aucun commentaire: