Certains parmi vous se
souviennent sans doute encore du sketch fameux de Roland Devos : « Sens
interdit ». L’humoriste y racontait comment il avait été entraîné à s’engager
dans un sens giratoire et, après « avoir fait un petit tour pour rien »,
se rendait compte que toutes les sorties lui étaient défendues car comportant toutes
un « sens interdit ». Coi et penaud, il continuait ainsi de tourner
tout en engageant la discussion avec ses compagnons d’infortune. L’ambulancier,
qui lui disait tourner ainsi depuis un mois, l’informait que son patient était depuis
passé au corbillard un peu plus loin. Et le policier qu’il interrogeait, devant
le tournis de la situation, de lui répondre que, s’il se sentait mal, il y
avait de la place dans l’ambulance !
Ainsi notre baptême nous a
plongés dans ce sens giratoire. Peu à peu, parce que nous nous sommes
rapprochés de Dieu lui-même, nous découvrons notre liberté, c’est-à-dire l’amour
véritable que Dieu nous porte. Notre vie ne s’y voit pas enfermée, comme si
elle était prisonnière. Elle aperçoit que des sorties sont possibles, ce sont
les voies du péché qui nous éloigneraient de Dieu. Or la grâce nous prévient et
agit comme des indicateurs gracieux d’un sens interdit, c’est-à-dire d’une voie
dangereuse et qui pourrait nous mener à notre perte. En usant par contre de
notre liberté, et c’est la différence avec Devos, nous demeurons dans l’intimité
de Dieu.
Le Dieu qui est le nôtre n’a
rien à voir avec une statue pétrifiée et impassible : il est le Dieu qui agit
et dont l’amour est le moteur de l’action. Il crée le monde par amour, il fait
Alliance par amour, il appelle à la conversion par amour, il donne son Fils par
amour, il le ressuscite dans la force de l’Esprit par amour, il confie à son
Eglise les sacrements de la vie par amour… Or on ne peut ni aimer ni s’aimer si
on est seul. La solitude n’engendre aucun amour et l’amour du seul soi-même
n’est qu’une sorte de narcissisme. Parce qu’il naît d’échange et de don,
l’amour est nécessairement communion intime de plusieurs personnes.
Prenons deux exemples qui
vous feront comprendre cette dynamique divine à laquelle nous sommes conviée.
Tout d’abord, quand nous prions, nous avons non seulement l’habitude de dire « au
nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit », mais encore d’accompagner
ces paroles d’un geste, celui qui trace sur nous le signe sauveur de la croix :
ainsi c’est tout notre corps qui se drape du mystère divin et nous rappelle
sans cesse à en vivre. Toute la liturgie de l’Eglise, ensuite, s’adresse au
Père – y compris la prière eucharistique. Mais le seul moyen cependant d’y
parvenir est de le faire « par Jésus, le Christ, notre Seigneur » et
dans « l’unité du Saint-Esprit ». Là encore, quand nous prions avec
les mots de l’Eglise, nous le faisons toujours de manière trinitaire parce que
Dieu se révèle pleinement dans cette communication tournoyante centripète des
personnes divines.
Dieu ne perd rien de ce qu’Il
est en se révélant (entendez : en nous faisant une place en Lui) ;
nous gagnons tout en demeurant en Lui (entendez : Il ne nous mène pas à la
mort en nous faisant passer de l’ambulance au corbillard de Devos). Car Il est la
vie éternelle donnée en partage. Frères et sœurs, résolument, laissons-nous
saisir par cette joyeuse danse du salut « au nom du Père, et du Fils et
Saint-Esprit ».
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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